Facturation électronique : comment expliquer la réforme à vos clients ?

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Compta Online organisait le 24 novembre 2021 une webconférence autour des conséquences pratiques de la généralisation de la facturation électronique.

Ce premier article liste les principales questions posées autour de la relation client et les réponses apportées par les trois intervenants : Charles-Olivier Diebold, fondateur et dirigeant de MyCompanyFiles, Florent Dujardin, directeur France de Dext et Jean Saphores, vice-président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables.

Pour une analyse plus technique de la réforme, voir en complément de cet article « Facturation électronique : modalités d'application ».

 

Quel discours tenir à ses clients ?

Les dirigeants d'entreprises doivent d'abord être rassurés par leur expert-comptable : la généralisation de la facturation électronique ne présente pas de défi technique majeur. De leur point de vue, il ne s'agira en effet que de l'aboutissement du mouvement de digitalisation amorcé il y a plusieurs années. Beaucoup d'entreprises ont pris l'habitude de scanner leur reçus ou de récupérer des documents sur des plateformes en ligne, et la réforme attendue ne fait que s'inscrire dans cette continuité.

On peut ensuite expliquer que la généralisation de la facturation électronique implique à la fois un nouveau format de factures et un nouveau mode de transmission. En termes de format, cette réforme permettra de passer d'un monde de papier et de PDF à un format mixte, c'est à dire lisible à la fois par un humain et par une machine.

En termes de modes de transmission, c'est tout le cycle de vie de la facture, depuis sa génération jusqu'à sa conservation, qui sera transformé. Désormais, il faudra passer par des « tuyaux » bien définis, les futures plateformes de factures électroniques. L'aiguillage entre le fournisseur et son client se fera grâce à un annuaire public, qui identifiera les différentes parties et assurera la bonne livraison de la facture.

 

Quels avantages de la facturation électronique peuvent être valorisés auprès des clients ? 

Il est indispensable d'insister sur les avantages pour l'entreprise plutôt que les gains de temps réalisés par le cabinet (sous peine de voir la discussion s'orienter vers le montant des honoraires). D'autant que ces avantages sont bien réels.

Le premier est sans doute celui de la traçabilité des factures. La généralisation de la facturation électronique, et les obligations de e-reporting associées permettront au dirigeant de savoir si les factures émises ont été reçues, acceptées, ou payées par exemple. Selon l'éditeur qu'il choisira, le chef d'entreprise (ou s'il l'a missionné, le cabinet) aura par ailleurs la possibilité de régler directement ses factures fournisseurs.

C'est aussi, au quotidien, beaucoup de temps gagné dans la collecte des factures, puisque dès 2024, les factures électroniques des grandes entreprises seront déposées automatiquement sur des plateformes et n'auront pas à être récupérées « à la main » par le chef d'entreprises, le plus souvent sur le site du fournisseur.

 

Face à un dirigeant de TPE/PME, faut-il parler de l'échéance de 2026 ou de celle de 2024 ?

Toutes les entreprises entrant dans le champ de la réforme, quelle que soit leur taille, seront soumises à une obligation de réception des factures électroniques dès le 1er juillet 2024. A cette date, elles devront donc figurer dans l'annuaire public pour recevoir les factures de leurs fournisseurs concernées par l'obligation d'émission. Très concrètement, il faudra donc être inscrit sur une plateforme, publique ou privée, pour être en mesure de récupérer les factures de son fournisseur de téléphone ou d'énergie par exemple.

Les experts-comptables ont donc tout intérêt à expliquer dès aujourd'hui la réforme à leurs clients pour démontrer leur connaissance du sujet, mais aussi leur indiquer qu'ils seront à leurs côtés lorsque l'offre de plateformes de factures électroniques certifiées fera son apparition. Sans la prescription des experts-comptables, il en effet est probable, à terme, que les entreprises se dirigent par défaut vers la plateforme publique.

Les entreprises vont-elle devoir s'équiper d'une solution en particulier pour être conforme à l'obligation ?

Avant de parler outil avec son client, il faut commencer par expliquer la réforme et s'assurer qu'il en mesure les enjeux et les avantages (voir questions ci-dessus). Dans ce domaine, il est notamment possible de s'appuyer sur les outils de communications fournis par le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables et les Conseils régionaux.

En pratique, à partir du 1er juillet 2024, les cabinets et les entreprises seront dans une période hybride, avec un flux supplémentaire à gérer (celui de la facturation électronique, via les plateformes), sans qu'aucun flux ne soit supprimé (papier, mail, etc.). On ne peut donc qu'encourager les entreprises à adopter dès aujourd'hui des solutions, qui existent déjà sur le marché, et permettent de centraliser tous ces flux en un point unique (voir la question suivante pour plus de détails sur cette période intermédiaire).

A plus long terme, c'est la question de l'émission des factures qui se posera pour les TPE/PME. L'échéance peut paraître lointaine dans ce domaine (2026), mais les petites entreprises partent de loin : la majorité d'entre elles utilisent de simples solutions de bureautique pour créer leurs factures de vente. Il y a donc une véritable révolution à opérer et les cabinets d'expertise comptable peuvent faciliter ce mouvement, voire prescrire un outil de facturation.

 

A quoi ressemblera la période intermédiaire entre la généralisation de la réception (1er juillet 2024) et celle de l'émission (1er janvier 2026) ?

La généralisation progressive de la facturation électronique en émission, sur la période 2024-2026, couplée à une obligation générale en réception dès 2024, va créer une période hybride durant laquelle les TPE/PME, et donc les cabinets d'expertise comptable, vont devoir traiter en même temps :

  • des factures électroniques, émises par les grandes entreprises qui y seront tenues dès le 1er juillet 2024, et qui seront déposées automatiquement sur les plateformes dédiées ; 
  • des factures « traditionnelles », transmises par des moyens divers : courrier, mail, messagerie instantanée, picking sur les sites des fournisseurs, etc.

 

Quelles seront les conséquences subies par une TPE/PME qui ne serait pas prête au 1er juillet 2024 ?

On le rappelle, toutes les entreprises dans le champ de la réforme, quelle que soit leur taille, devront être en mesure de recevoir des factures au format électronique le 1er juillet 2024. Celles qui ne seront pas en mesure de récupérer les factures émises par leurs fournisseurs dans ce format ne pourront pas déduire la TVA correspondante. C'est donc une sanction financière indirecte certes, mais très importante.

Les experts-comptables, en tant que premiers conseillers des entrepreneurs, ne peuvent toutefois pas se désolidariser du sort de leurs clients. Depuis que la dématérialisation des échanges a débuté, les cabinets d'expertise comptable ont toujours été dans une démarche d'accompagnement. Dans la très grande majorité des cas, ils ont ainsi réalisé pour le compte de leurs clients les démarches nécessaires aux télédéclarations et télépaiements. La logique devrait être la même avec la facturation électronique.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.