Une rémunération minimale égale à 150 heures de SMIC permet de valider un trimestre pour le calcul de la retraite.
Mais ce seuil évolue par définition avec le SMIC, et réévaluer cette rémunération en conséquence relève de la responsabilité de l'expert-comptable, selon la Cour d'appel de Toulouse (décision n° 19/00964 du 1er juillet 2020).
Contexte
Une SAS confie à un cabinet d'expertise comptable une mission comptabilité, la fiscalité et le social, mais pas le conseil au dirigeant.
Après plusieurs exercices, l'entreprise porte devant les tribunaux deux erreurs qu'elle juge fautives :
- une créance d'IS, dont le remboursement n'a pas été demandé, est devenue prescrite, générant une perte pour l'entreprise ;
- en fin de carrière, le président de la SAS constate que la rémunération qui lui est versée par la SAS n'est pas suffisante pour lui permettre de valider 4 trimestres par années travaillées et prétendre à une retraite à taux plein.
Dans les faits, la rémunération initiale du dirigeant avait été calculée par le cabinet pour lui permettre de valider 4 trimestres chaque année au titre des droits à la retraite. Toutefois, les années suivantes, sa rémunération restée identique, ne permettant plus de valider 4 trimestres par an mais seulement 3.
Fautes retenues
Manquements ayant conduit à l'absence de dépôt, dans les délais, de la demande de remboursement d'IS. La Cour relève l'absence d'élément matériels justifiant le non-respect, par le client, de l'obligation de remettre les documents dans les délais prévus dans la lettre de mission.
Manquement au devoir de conseil, le cabinet n'ayant pas réévalué, année après année, la rémunération du dirigeant. Bien que le cabinet soit contractuellement tenu à l'égard de la seule société, la Cour a considéré que le cabinet avait accepté « d'étendre son obligation de conseil au dirigeant social ». Pour cela, elle s'est basée sur des pièces prouvant que le cabinet avait réalisé les calculs nécessaires à la fixation de la rémunération initiale du dirigeant.
Décision
En conséquence, le cabinet est condamné à :
- indemniser le préjudice matériel constitué par la perte d'un trimestre de cotisation par an. Concrètement, il s'agit de la perte de la surcote à laquelle le dirigeant aurait eu droit, estimée à l'aide d'une table de capitalisation et des coefficients de rente viagère ;
- rembourser le crédit d'IS prescrit.
Bonnes pratiques
Formaliser les manquements du client lorsqu'ils entrainent un retard dans le dépôt des déclarations.
Valider régulièrement la rémunération minimale des dirigeants permettant la validation des trimestres de retraite.
Attention à l'extension du devoir de conseil au dirigeant.
Au sommaire du dossier
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Julien Catanese Aubier
Directeur éditorial de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en juin 2020.
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