La mission de vérification des éléments de paie doit permettre de signaler au client des erreurs de paramétrage de son logiciel. Mais l'entreprise a néanmoins la responsabilité de le mettre à jour. En cas de contrôle URSSAF, et quand les deux parties sont défaillantes, le lien de causalité entre préjudice et faute du cabinet est donc réduit.
C'est en substance ce qu'indique la Cour d'appel de Pau (décision n° 20/00162 du 14 janvier 2020).
Contexte
Une entreprise réalise la gestion de la paie elle-même, avec son propre logiciel (bulletins de salaire et des déclarations sociales). Elle missionne un expert-comptable pour vérifier, entre autres les « paramétrages relatifs aux bulletins de salaire et [les] déclarations annuelles de cotisations sociales ».
Lors d'un contrôle, l‘URSSAF met en évidence des erreurs dans le calcul de la réduction générale de cotisations dues à un mauvais paramétrage du logiciel de paie. Ces erreurs se traduisent par un rappel de cotisations de 29 955¤ et 4 774¤ de majorations.
L'entreprise assigne alors le cabinet pour engager sa responsabilité civile, lui reprochant de ne pas l'avoir mis en garde contre les défaillances du paramétrage. Pour l'expert-comptable, l'obligation a été remplie, le défaut de paramétrage étant dû à la faute de l'entreprise qui n'avait pas réglé le coût des mises à jour auprès du fournisseur du logiciel.
Fautes retenues
Selon la Cour d'appel, le cabinet avait l'obligation d'alerter son client sur le défaut du paramétrage du logiciel de paie, quelle qu'en soit la cause. Il aurait dû attirer tout particulièrement son attention sur les conséquences susceptibles d'en résulter en cas de contrôle URSSAF.
Par ailleurs, le cabinet n'a pas été en mesure de fournir un écrit prouvant qu'il avait effectivement réalisé une mise en garde claire et précise. Il n'a pas non plus fourni d'éléments de nature à établir qu'il avait rempli ses obligations de vérification du paramétrage et d'information de son client.
Décision
La Cour d'appel retient que l'entreprise n'a pas acquitté les frais de mise à jour du logiciel. Sans dispenser l'expert-comptable de son devoir de mise en garde, ce facteur intervient dans l'appréciation du lien de causalité. La perte de chance est donc évaluée à 50% et le préjudice réparable fixé à la moitié des majorations, soit 2 387¤.
Bonnes pratiques
Dans le cadre d'une mission de vérification de la paie, sensibiliser le client à l'importance des mises à jour
L'alerter formellement en cas de carence dans ce domaine
Formaliser les vérifications du paramétrage du logiciel
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Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.