#ResponsabilitéEC : l'intervention d'un collaborateur surqualifié peut se retourner contre le cabinet

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La Cour d'appel de Metz a récemment dû juger du caractère excessif des honoraires facturées par un cabinet comptable (décision n° 20/00080 du 30 juin 2020).

L'expertise judiciaire ayant servi de base aux juges comprend le calcul d'un montant de référence, à partir du barème horaire du cabinet, et d'un nombre d'heures théorique établi par l'expert, auquel est associé un niveau d'intervention des collaborateurs.

Contexte

Un salon de coiffure, au départ exploité en nom propre avec un salarié, se développe progressivement, jusqu'à l'ouverture de deux autres salons de coiffure, et le passage à 17 salariés. Toutefois, les difficultés s'accumulent et une procédure de redressement judiciaire est ouverte, avec l'adoption d'un plan de redressement.

Le client conteste alors les honoraires facturés par le cabinet. Une expertise judiciaire, ordonnée par le président du TGI, conclut à une surfacturation de 7 939,75¤ HT.

Le cabinet conteste l'évaluation à plusieurs motifs :

    • la facturation était conforme aux lettres de mission et aux bons d'interventions, signés par le client ;
    • selon l'article 158 du code déontologie, les honoraires sont fixés librement entre les parties ; 
    • l'accroissement des honoraires se justifie par le développement de l'activité du client, et la réalisation de missions complémentaires liées à la procédure collective et ayant permis le redressement de la situation de l'entreprise. 

Manquements retenus

Facturation sans preuve d'acceptation du client : le cabinet a émis une facture non prévue par la lettre de mission et correspondant à une régularisation des temps passés sur les missions exceptionnelles. Or pour ces missions, le prix était déterminé à l'avance et aucun ajustement d'honoraires n'était prévu en cas de dépassement de temps.

Surfacturation liée au nombre de bulletins de salaires : certains bulletins étaient facturés à 25¤ HT contre 19¤ HT dans la lettre de mission, et le nombre global de bulletins facturés étant supérieur au nombre réalisés.

Surfacturation comptable : en comparant l'expertise à la facturation du cabinet, la Cour a jugé que le temps passé était trop important. Le taux horaire appliqué, en particulier, n'était pas toujours adapté à la technicité de la prestation (en 2013 : 12 782¤ facturés sur 2 ans vs 7 212¤ estimés, soit + 77%).

Extraits du jugement, reprenant en partie l'expertise :

« Pour la tenue de la comptabilité et l'établissement de la TVA [l'expert judiciaire indique] : « compte tenu du type d'activité et de la qualification nécessaire à la réalisation de cette tâche le taux horaire applicable pour la saisie et l'établissement de la TVA devrait être de 45¤ HT (taux horaire confirmé dans la gestion des temps transmis par [le cabinet]) » . Il relève cependant qu'un taux horaire de 150¤ a été appliqué à plusieurs reprises pour la réalisation « tenue et révision ». Il estime que le montant d'honoraires correspondant à mission aurait dû être de 2 160¤ HT, à raison de 4 heures par mois nécessaires pour cette activité ».

Décision

En conséquence, le cabinet est condamné à verser :

    • 6 825¤ au titre de la surfacturation d'honoraires (écart entre l'expertise et la facturation) ;
    • 2 000¤ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Bonnes pratiques

Veiller à faire intervenir le bon niveau de collaborateur en fonction de la technicité des tâches, ou a minima à ne pas répercuter sur le client le recours à un collaborateur trop qualifié pour la tâche donnée, quand le barème du cabinet prévoit des taux horaires plus adaptés.

Veiller au respect des conditions tarifaires de la lettre de mission.

Le cas échéant, formaliser une clause prévoyant un réajustement des honoraires en cas de dépassement du temps prévu.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.