Il est habituel que des contrats de sous-traitance soient souscrits entre deux sociétés. Qu'en est-il lorsque ce type de contrat intervient entre un cabinet d'expertise-comptable et une société et qu'il concerne des activités de nature comptable ?
Les faits
Un contrat de sous-traitance a été conclu entre un cabinet d'expertise comptable et une société et sa représentante légale, concernant des prestations comptables. Le cabinet n'a délégué aucun expert-comptable dans le but de veiller aux normes professionnelles comptables. Dans ce cadre, les intéressés ont effectué des travaux comptables en leur nom propre et sous leur responsabilité, les deux étant engagés contractuellement envers le cabinet d'expertise comptable en sa qualité de donneur d'ordre.
Condamnation et pourvoi
La société et la dirigeante ont été déclarées coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et par extension, le cabinet d'expertise comptable, complice de ce délit en sa qualité de donneur d'ordre, au motif que les activités comptables constituent le monopole de l'expert-comptable, ne pouvant être déléguées.
Ainsi, la société et sa représentante légale se pourvoient en cassation, notamment au motif que l'exercice illégal doit supposer l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués.
Confirmation de la condamnation : le sous-traitant doit avoir la qualité d'expert-comptable
La Cour de cassation justifie la condamnation pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable sur trois motifs.
Premièrement, si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance n°45-2138 comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre les travaux et le client, mais à la qualité de leur auteur direct.
Deuxièmement, le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Enfin, la Cour de cassation précise que la sous-traitance de travaux de comptabilité, n'impliquant pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable : « ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques ». En effet, les objectifs poursuivis par la profession justifient la prérogative exclusive de l'expert-comptable pour ces missions, l'expert-comptable étant titulaire d'un diplôme afférent à ces missions, il prête serment lors de son inscription au tableau de l'Ordre, se soumet à un code de déontologie, ainsi qu'à des normes professionnelles.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 octobre 2022, n°21-85.594
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