Prime de partage de la valeur : les modalités de mise en œuvre

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Modifié le 22/07/2024
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La loi du 16 août 2022 portant sur les mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a remplacé la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), encore appelée parfois « prime Macron 2023 », par une nouvelle « prime de partage de la valeur » (PPV).

Cette nouvelle prime est basée sur le même principe que la prime PEPA : exonération de charges sociales pour encourager les employeurs à la verser auprès de leurs salariés, mais ce n'est pas une obligation.

La prime PPV peut être versée depuis le 1er juillet 2022.

La loi « Partage de la valeur » (loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023) instaure un nouveau dispositif, distinct de la PPV, à destination des salariés ayant au moins 1 an d'ancienneté : le « plan de partage de la valorisation de l'entreprise » (PPVE). Il leur permet de bénéficier d'une prime en cas d'augmentation de la valeur de l'entreprise. Cette prime peut être placée sur un plan d'épargne salariale. Un décret, entré en vigueur le 1er juillet 2024, a fixé les conditions de mise en ½uvre du dispositif de PPVE et, plus largement, de la loi dans son entier (décret n°2024-644, 29 juin 2024).

Car, en effet, pour les PME, cette loi comprend d'autres mesures permettant d'étendre le partage de la valeur. Les entreprises de moins de 50 salariés pourront volontairement mettre en place un dispositif de participation moins contraignant que la formule légale, et à partir de 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés devront adopter un dispositif de partage de la valeur sous conditions de rentabilité. Ce dernier dispositif a fait l'objet de nouvelles précisions par décret (décret n°2024-690, 5 juillet 2024) qui est venu fixer les modalités de calcul du seuil de 11 salariés (à partir duquel l'entreprise entre dans le champ de l'expérimentation).

La prime de partage de la valeur est en outre facilitée, offrant une exonération fiscale et sociale sous certaines conditions jusqu'à fin 2026 (des précisions sont apportées en fin d'article).

Enfin, cette loi instaure également une augmentation des plafonds d'attribution des actions gratuites et promeut une épargne verte, solidaire et responsable, en intégrant des critères de financement de la transition énergétique et écologique dans les plans d'épargne entreprise (PEE) et retraite (PER).

Ces dispositions, expérimentales pour 5 ans, feront l'objet d'un bilan et d'un suivi annuel par le Gouvernement.

En juin et juillet 2024, le Ministère du travail a publié plusieurs FAQ concernant certaines des nouvelles obligations, les cas échéant prévues à titre expérimental, en matière de partage de la valeur contenues dans la loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 :

  • la première FAQ porte sur l'expérimentation d'un régime de participation dérogatoire pour les entreprises de moins de 50 salariés, permettant des formules de participation négociées, potentiellement plus ou moins favorables que la formule légale ;
  • la deuxième FAQ traite du dispositif de partage de la valeur sous conditions de rentabilité (partage d'une partie du bénéfice en cas de réalisation de bénéfices réguliers pendant 3 exercices consécutifs) ;
  • la troisième FAQ concerne l'obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés, avec au moins un délégué syndical, de négocier le partage de la valeur en cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal.

Les salariés concernés par la prime de partage de la valeur

La prime de partage de la valeur s'applique aux salariés liés par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l'entreprise utilisatrice octroyant cette prime, aux agents publics relevant de l'établissement public et aux travailleurs en situation de handicap liés à un Esat par un contrat d'accompagnement par le travail, soit :

  • à la date de versement de la prime ;
  • à la date de dépôt de l'accord ;
  • à la date de signature de la décision unilatérale de l'employeur précisant les modalités de versement de la prime.

Les salariés doivent être sous contrat CDI, CDD, à temps plein ou à temps partiel, contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.

Entreprises concernées par le versement de cette prime de partage de la valeur

Toutes les entreprises peuvent décider de verser cette prime PPV.

Les employeurs de droit privé

  • entreprise, quels que soient son effectif et son statut : société, artisan-commerçant indépendant, profession libérale ; 
  • association ;
  • fondation ; 
  • syndicat ;
  • mutuelle,...

Les établissements publics à caractère industriel et commercial

  • France Télévision ; 
  • INA ;
  • Opéra de Paris ;
  • RATP,...

Les établissements publics administratifs employant du personnel de droit privé

  • agences régionales de santé ; 
  • Caisses nationales de Sécurité sociale ; 
  • France Travail (ex-Pôle emploi),...

Quand les conditions de l'exonération sont remplies, la mesure s'applique au titre de la prime de partage de la valeur versée :

  • par les entreprises de travail temporaire aux salariés intérimaires lorsque l'entreprise utilisatrice verse une prime à ses salariés ;
  • par les établissements ou services d'accompagnement par le travail (Esat) aux travailleurs en situation de handicap sous contrat d'accompagnement par le travail.

Modulation du montant de la prime de partage de la valeur 

Le montant de la prime peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction des critères suivants :

  • la rémunération ;
  • l'ancienneté dans l'entreprise ;
  • le niveau de classification ;
  • la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail au contrat de travail, telle que déterminée pour le calcul du coefficient de la réduction générale des cotisations patronales.

Congés et absences : quelles incidences sur la prime ?

Les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective pour la détermination du montant de la prime. Ces congés ne peuvent pas avoir pour effet de réduire le montant de la prime.

Prime de partage de la valeur et exonération

L'exonération de cotisations et contributions de la prime partage de la valeur en 2024 est, comme en 2023, applicable dans la limite de 3 000¤ ou 6 000¤ par bénéficiaire et par année civile sous condition de la date de versement de la prime et du montant de rémunération du salarié.

Attention

Le régime des exonérations fiscales et sociales est, quant à lui, sensiblement modifié à compter du 1er janvier 2024.

Rémunération annuelle inférieure à 3 SMIC annuels pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023

Toute prime versée sur cette période à un salarié ayant perçu, au cours des 12 derniers mois, une rémunération inférieure à 3 fois le SMIC annuel correspondant à la durée de travail prévue au contrat, est exonérée de toutes les cotisations et contributions sociales patronales et salariales, dont la CSG et la CRDS.

La prime est également exonérée d'impôt sur le revenu.

Exemple

Une instruction du BOSS fournit un exemple de calcul avec différents taux de SMIC.

Pour une PPV versée le 28 juin 2023, il convient de prendre en compte la valeur du SMIC applicable pour la période de juin 2022 à mai 2023, soit :

  • SMIC mensuel brut du 1er mai 2022 au 31 juillet 2022 = 1 645,58¤
  • SMIC mensuel brut du 1er août 2022 au 31 décembre 2022 = 1 678,95¤
  • SMIC mensuel brut du 1er janvier 2023 au 30 avril 2023 = 1 709,28¤
  • SMIC mensuel brut depuis le 1er mai 2023 = 1 747,20¤

Dans le cas d'un salarié à temps plein travaillant 35 heures par semaine et dont les seules absences sont liées aux congés payés, la limite des 3 SMIC sur l'année est donc déterminée ainsi :

3 x ((2 x 1645,58¤) + (5 x 1678,95¤) + (4 x 1709,28¤) + (1 x 1747,20¤)) = 60 810,69¤

Rémunération annuelle supérieure ou égale à 3 SMIC annuels pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023

Pour cette période, l'exonération de cotisations et contributions sociales patronales et salariales ne porte pas sur la CSG-CRDS.

Cette fois-ci, la prime est également assujettie au forfait social dans les conditions applicables à l'intéressement pour les entreprises qui en sont redevables.

La prime est imposable à l'impôt sur le revenu pour le salarié.

Le montant maximum d'exonération : 3 000¤ ou 6 000¤ ?

La prime de partage de valeur est exonérée dans la limite de 3 000¤ par bénéficiaire et par année civile.

Ce montant est porté à 6 000¤ par an et par bénéficiaire pour les employeurs qui mettent en ½uvre :

  • un dispositif d'intéressement alors même qu'ils sont déjà soumis à l'obligation de mise en place de la participation ;
  • un dispositif d'intéressement ou de participation alors même qu'ils ne sont pas soumis à l'obligation de mise en place de la participation.

Ces dispositifs doivent être mis en ½uvre à la date de versement de la prime ou être conclus au titre du même exercice que celui de la participation.

Sont exemptées de ces conditions les associations et fondations auxquelles peuvent êtres faits des dons permettant d'ouvrir droit à réduction d'impôts et les Esat au titre des primes versées aux travailleurs en situation de handicap.

Les conditions de versement de la prime de partage de la valeur exonérée et défiscalisée jusqu'au 31 décembre 2023

Pour cette période, l'exonération de cotisations sociales salariales et patronales et d'impôt sur le revenu est totale sous conditions, entraînant une défiscalisation de la prime.

C'est une prime supplémentaire qui ne doit pas remplacer un élément de rémunération déjà prévu par le contrat de travail ou les accords collectifs.

Son attribution ne peut pas non plus remplacer l'intéressement des salariés et elle ne peut être majorée pour les salariés qui dépassent la durée légale du travail, soit 35 heures par semaine.

Le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois, dans la limite d'une fois par trimestre, au cours de l'année civile.

La mise en ½uvre de cette prime peut passer par un accord d'entreprise, signé entre les syndicats et l'employeur, ou par décision unilatérale de l'employeur. C'est dans cet accord ou cette décision unilatérale que doivent être formalisées les modalités de versements ainsi que les critères choisis.

Fichier à télécharger

La CPME met à disposition un modèle de trame de décision unilatérale de l'employeur à adapter et décliner dans l'entreprise.

Attention

Ce modèle de décision unilatérale de l'employeur est un exemple qui vous est donné à titre indicatif et ne vous dispense pas de faire appel à un conseil.

Les conditions de versement et d'exonération de la prime de partage de la valeur à compter du 1er janvier 2024

La loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 modifie les conditions de versement et d'exonération de la PPV. Désormais, cette prime peut être octroyée deux fois par an, sans dépasser les plafonds totaux d'exonération de 3 000¤ ou 6 000¤. 

Chaque prime attribuée étant unique, il faut, pour chacune d'elle, conclure un accord d'entreprise ou prévoir une décision unilatérale (avec des conditions d'attribution qui pourront être différentes d'une prime à l'autre). Ainsi, dans ce cas, contrairement au régime précédent, deux versements pourront intervenir au cours d'un même trimestre à condition, précise le BOSS, qu'ils restent chacun rattachés à leur prime.

La prime peut également être investie dans un plan d'épargne salariale (et ainsi être exonérée d'impôt sur le revenu) et est accessible à tous les employés.

Attention

Un décret en vigueur à compter du 1er juillet 2024 est venu fixer les conditions de versement de la PPV sur ces plans (décret n°2024-644, 29 juin 2024, art. 1er). Ainsi, la demande du salarié d'affecter les sommes dues au titre de la PPV sur un plan d'épargne doit être effectuée dans un délai de 15 jours maximum à compter de la réception du document l'informant du montant qui leur est attribué.

Par ailleurs, les sommes ainsi versées au titre de la PPV font l'objet d'une fiche distincte du bulletin de paie (contenant plusieurs mentions obligatoires), remise au salarié par voie électronique à moins que celui-ci ne s'y oppose.

En 2024, la PPV est régie par les règles suivantes.

Pour les employés gagnant plus de trois fois le SMIC ou travaillant dans une entreprise de plus de 50 salariés :

  • exonération de cotisations sociales, à l'exception de la CSG et de la CRDS ;
  • fin de l'exonération de l'impôt sur le revenu.

Pour les employés gagnant moins de trois fois le SMIC et dans des entreprises de moins de 50 salariés :

  • exonération complète de cotisations sociales ;
  • l'exonération de l'impôt sur le revenu sera maintenue jusqu'au 31 décembre 2026.

Attention

À compter du 1er janvier 2024, le SMIC passe de 11,52¤ à 11,65¤ de l'heure (+1,13%). Son montant mensuel brut est donc de 1 766,92¤ sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires.

Ensuite, les modalités de décompte du seuil de 50 salariés ont été précisées par décret (décret n°2024-690, 5 juillet 2024). Celui-ci confirme la position prise antérieurement par l'administration dans le BOSS, à savoir que :

  • l'effectif est apprécié au niveau de l'entreprise (et non de l'établissement) en fonction de « la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente » (articles L. 130-1, I, et R. 130-1 du code de la Sécurité sociale) ; 
  • les règles relatives à la neutralisation des effets d'un franchissement de seuil d'effectif ne sont pas applicables en l'occurrence.