Le traitement comptable des différentes phases de développement d'un logiciel diffère suivant la nature des étapes. Nous verrons que les logiciels développés en interne doivent répondre à certaines conditions pour pouvoir justifier de leur comptabilisation à l'actif.
Les étapes d'un logiciel produit en interne
L'intégralité des coûts relatifs à la production d'un logiciel ne peut être activée. En effet, lors du développement interne du logiciel on va distinguer différentes phases. Certaines d'entre elles pourront être constitutives du coût d'entrée de l'immobilisation alors que d'autres dépenses devront être portées en charge.
Ainsi, la CNC dans son avis n°31 des 9 janvier et 29 avril 1987 portant sur le traitement comptable des logiciels identifie les phases suivantes :
- conception ;
- développement et déploiement ;
- exploitation et dépenses ultérieures.
La phase conceptuelle
La phase relative à la conception englobe les études préalables ainsi que l'analyse fonctionnelle. Ces deux étapes seront systématiquement comptabilisées en charges.
Développement et déploiement
Cette seconde étape correspond à l'analyse organique. Il s'agit de la conception détaillée, du maquettage, du paramétrage, de la programmation ainsi que des différents tests et jeux d'essai mis en ½uvre. Dans cette phase, il y a également la production de la documentation technique relative à l'utilisation du logiciel.
Les étapes relatives au développement et au déploiement pourront être comptabilisées en immobilisations incorporelles si les conditions d'activation sont réunies (point abordé dans la suite de cet article).
Exploitation et dépenses ultérieures
Cette dernière étape correspond notamment à la formation des utilisateurs, aux opérations de maintenance et éventuellement à l'ajout de certaines fonctionnalités.
Ces dépenses doivent être comptabilisées en charges. L'apport de nouvelles fonctionnalités peut être enregistré en immobilisation sous certaines conditions.
Le coût de production
Comme nous venons de le voir, la production d'un logiciel se décline en différentes étapes et certaines d'entre elles peuvent être portées en immobilisations. Elles constitueront alors les éléments du coût de production.
Selon l'article 611-4 du Plan Comptable Général ANC 2014-03 :
« Le coût de production comprend les seuls coûts liés à la conception détaillée de l'application – aussi appelée analyse organique –, à la programmation – aussi appelée codification –, à la réalisation des tests et jeux d'essais et à l'élaboration de la documentation technique destinée à l'utilisation interne ou externe ».
On peut ainsi dire que la période d'activation des coûts se situe de la phase d'analyse organique jusqu'à la phase liée à la documentation technique. Les dépenses engagées en amont et ultérieurement étant invariablement portées en charge.
Les conditions d'activation
Selon l'article 611-2 du PCG :
« Les logiciels destinés à un usage interne sont enregistrés en immobilisations, si les conditions suivantes sont simultanément remplies :
- le projet est considéré comme ayant de sérieuses chances de réussite technique ;
- l'entité manifeste sa volonté de produire le logiciel, indique la durée d'utilisation minimale estimée compte tenu de l'évolution prévisible des connaissances techniques en matière de conception et de production de logiciels et précise l'impact attendu sur le compte de résultat ».
La notion de réussite technique repose sur les moyens dont dispose l'entreprise. On évoque ici aussi bien les moyens humains, matériels, techniques et financiers permettant de mener à terme le projet. Dans le cas d'une innovation technique, il est important de prendre en considération ce caractère de réussite technique qui est parfois très aléatoire.
Comptabilisation et amortissement
Le logiciel doit être comptabilisé à l'actif dès que le processus de production débute. S'il n'est pas achevé à la clôture de l'exercice en cours, il sera comptabilisé au débit du compte 232 Immobilisations incorporelles en cours par le crédit du compte 721 Production immobilisée pour le montant des charges engagées à cette date. Cela permet de matérialiser l'existence d'une immobilisation en cours de production.
A son achèvement, il sera comptabilisé dans le compte 205 Concessions, droits similaires... par le crédit du compte 232 (pour solde) et le crédit du compte 721 si des dépenses supplémentaires ont été engagées au cours de l'exercice et sont activables.
Les logiciels développés en interne sont amortis à compter de leur date d'achèvement (article 611-5 du PCG) et sur leur durée probable d'utilisation.
Comme le précise le BOFIP BOI-BIC-CHG-20-30-30, paragraphe 80, fiscalement, les coûts engagés pour la création d'un logiciel à usage interne peuvent être déduits du résultat de l'exercice en cours même si le logiciel n'est pas achevé. De ce fait, il sera constaté un amortissement dérogatoire équivalent au montant des dépenses constatées.
Exemple
En-cours de production à la date de clôture du 31/12/N-1 : 10 000¤.
Cout du projet total terminé le 01/05 : 18 000¤. Soit 8 000¤ de dépenses supplémentaires en N.
Amortissement comptable en linéaire sur 4 ans à compter de la date d'achèvement fixée au 1er mai N.
Pour N = 18 000 / 4 x 8 / 12 = 3 000¤.
Fiscalement les coûts engagés peuvent être déduits au fur et à mesure :
N-1 : 10 000¤ soit un amortissement dérogatoire de 10 000¤.
N : 8 000¤ soit un amortissement dérogatoire de 5 000¤ (8 000 – 3 000).
Numéro de compte | 31/12/N-1 Immobilisations en cours | Montant | ||
Débit | Crédit | Débit | Crédit | |
232 |
| Immobilisations incorporelles en cours | 10000 |
|
| 721 | Production immobilisée - Immobilisations incorporelles |
| 10000 |
Numéro de compte | 31/12/N-1 Dotations aux amortissements dérogatoires | Montant | ||
Débit | Crédit | Débit | Crédit | |
68725 |
| Dotations aux amortissements dérogatoires | 10000 |
|
| 145 | Amortissements dérogatoires |
| 10000 |
Numéro de compte | 01/05/N Activation du logiciel | Montant | ||
Débit | Crédit | Débit | Crédit | |
205 |
| Concessions et droits similaires, brevets... | 18000 |
|
| 232 | Immobilisations incorporelles en cours |
| 10000 |
| 721 | Production immobilisée - Immobilisations incorporelles |
| 8000 |
Numéro de compte | 31/12/N Dotations aux amortissements | Montant | ||
Débit | Crédit | Débit | Crédit | |
68111 |
| Dotations aux amortissements sur immobilisations incorporelles | 3000 |
|
68725 |
| Dotations aux amortissements dérogatoires | 5000 |
|
| 2805 | Amortissements des concessions... |
| 3000 |
| 145 | Amortissements dérogatoires |
| 5000 |
Que faire en cas d'échec du projet ?
Si le projet n'est pas mené à terme, les sommes portées en compte 232 Immobilisations incorporelles en cours seront neutralisées par le débit du compte 675 Valeurs comptables des éléments d'actif cédés afin de solder le compte 232 et de porter les dépenses en charges.
Dépréciation
Si le logiciel n'est pas achevé et que la valeur diminue au cours de sa période de production (et que cette perte de valeur est jugée irréversible), il faut constater une dépréciation avec le compte 2932 Dépréciations des immobilisations incorporelles en cours.
Lorsque le logiciel est définitivement activé, les règles de dépréciation sont ensuite identiques à celles pratiquées pour n'importe quelle immobilisation.