Transmission de cabinets : quelles sont les dernières tendances ?

De plus en plus de cessions sans départ à la retraite

Avant la crise sanitaire, la majorité des projets de cession de cabinets avait lieu à l'occasion du départ en retraite de l'associé. Désormais, ça n'est plus le cas :

« Avant le Covid, 95% des opérations que nous accompagnions s'effectuaient dans le cadre de départs en retraite. Depuis, les choses ont changé : 30 à 40% de nos missions sont constituées par des opérations de rapprochement, avec un cédant qui reste 5, 10 ou 15 ans dans la nouvelle structure », Thibault Noel, associé du cabinet ATN conseil, pour Compta Online.

Pourquoi un tel changement ? Les experts-comptables qui cèdent sans cesser leur activité cherchent souvent à retrouver du « temps métier », à se dégager des fonctions annexes qui les étouffent, ou à céder progressivement la place à un jeune associé. En cédant leur structure d'exercice à un cabinet plus structuré, ils peuvent s'appuyer sur ses fonctions support (RH, marketing, IT, etc.) et se concentrer sur l'activité qui leur tient le plus à c½ur : conseil, fiscalité, gestion de patrimoine, etc.

Conséquence de cette évolution des motivations, une baisse de l'âge moyen de l'expert-comptable cédant. Les cabinets spécialisés rencontrent fréquemment des porteurs de projets dans la quarantaine, qui envisagent de rester dans la structure cédée pendant des durées longues, 5 à 10 ans, voire plus, par exemple en tant que salarié.

Valorisation : du chiffre d'affaires à l'EBE ?

Autre tendance de fond notée par les spécialistes du secteur, une évolution des modes de valorisation des cabinets. Historiquement, les professionnels de l'expertise comptable évaluent leur cabinet par un multiple de chiffre d'affaires, actuellement entre 0,8 et 1,2 fois le chiffre d'affaires annuel. Une approche qui s'explique par des structures de coûts historiquement homogènes dans le secteur, mais de plus en plus difficile à tenir dans un contexte où les cabinets se différencient.

« Les méthodes d'évaluation ont tendance à évoluer vers de la rentabilité, alors qu'elles étaient très axées sur le chiffre d'affaires auparavant. Je préfère proposer les deux approches au cédant, en fonction de la typologie de cabinet », Romain Lemaire, président de BVF lors du Salon IFEC de la transmission de cabinets, le 19 octobre 2022.

Quel multiple appliquer pour une valorisation selon l'EBE ? Une étude Interfimo apporte un éclairage plus précis sur ce point. Elle détermine un prix de cession moyen à 3,8 fois l'EBE retraité, avec 60% des transactions se situant entre 2 et 5,1 fois l'EBE retraité^[1]. Des moyennes qui cachent donc des disparités importantes, selon la localisation géographique, la typologie de clientèle (et notamment la spécialisation sectorielle du cabinet), ou la qualité de l'équipe en place.

Vers une fracture de la profession ?

C'est en effet une autre tendance de fond en matière de transmission : l'hétérogénéité grandissante du marché. Désormais, un repreneur n'achète plus uniquement du chiffre d'affaires, mais aussi une organisation, et surtout des collaborateurs, plus ou moins familiarisés aux nouvelles technologies.

Les cabinets qui n'ont pas réalisé leur transformation numérique perdent d'ores et déjà de la valeur, et ce phénomène ne devrait faire que s'amplifier dans les mois et années à venir. Les cabinets structurés, dotés d'outils numériques et de processus dématérialisés, avec des équipes formées dotées de compétences transverses tireront leur épingle du jeu.

Un intérêt certain des fonds d'investissement pour la profession comptable

Les acteurs spécialisés dans la transmission de cabinets le confirment, les fonds d'investissement s'intéressent de plus en plus à la profession comptable. Le nombre de transactions reste à ce jour confidentiel (dans tous les sens du terme), mais il s'agit bien d'une réalité.

« Le plus souvent il s'agit de Fonds d'investissements plutôt anglophones, avec une stratégie build up [NDLR : croissance externe], avec des cibles au-delà de 1 ou 2 millions d'¤, et une approche souvent très digitale », Clément Vercoutere, ARC Capital, lors du Salon IFEC de la transmission de cabinets, le 19 octobre 2022.

Tous les cabinets français n'intéressent donc pas ce type de structure financière, qui cherchent généralement à industrialiser les process pour réduire au maximum les coûts de production (pour en savoir plus sur ce sujet, voir l'interview de Thibault Noël pour Compta Online).