La titrisation des créances : les principes

Article écrit par (34 articles)
Publié le
Modifié le 14/09/2023
30 957 lectures

La titrisation des créances est un montage financier par lequel une entreprise peut obtenir un financement par la transformation de ces créances (créances financières ou commerciales) en titres financiers négociables et liquides sur les marchés financiers.

L'ANC a apporté des modifications aux comptes annuels des organismes de titrisation en 2021 (règlement n°2021-03 du 4 juin 2021 ; arrêté NOR : ECOT2133408A, 22 novembre 2021).

Qu'est-ce que la titrisation des créances ?

Née aux États-Unis dans les années 70, la titrisation des créances appelée titrisation classique est un montage financier dans lequel sont transformées les créances d'entreprises (dont la liquidité est réduite) en titres négociables et facilement liquides dans le marché financier.

Il faut distinguer la titrisation classique de la titrisation synthétique. Dans cette dernière aucun transfert de titre n'est effectué (aucune vente de titre n'est réalisée), mais uniquement le transfert du risque de crédit lié à ces titres aux investisseurs par le biais d'instruments financiers complexes tels que les dérivés de crédit (collateralized loan obligation), les actifs sous-jacents restent logés dans le bilan de l'initiateur.

La titrisation, comment ça fonctionne ?

La titrisation des créances classiques consiste pour un cédant (banque ou entreprise) à transférer un actif ou un portefeuille d'actifs (créances qu'elle détient auprès de ses clients) sélectionnés en fonction de leur qualité (garantie et risques inclus), à une société ad hoc (généralement un fond commun de titrisation FCT en France ou Special Purpose Vehicle SPV) qui s'occupe en contrepartie de ce transfert de financer l'entreprise.

Cette technique financière consiste à transformer les créances du cédant en portefeuille d'actifs financiers (exemple : obligations) puis à émettre ces derniers, sur les marchés financiers pour qu'ils soient vendus.

Les acheteurs de ces titres récupéreront après recouvrement des créances, les flux de trésorerie future (intérêt + capital) qui seront dégagés par le portefeuille d'actif sous-jacent (créances), et ce par l'intermédiaire de la société ad hoc.

Cette structure s'occupe également de la hiérarchisation des paiements (dettes seniors, mezzanines, etc.).

La titrisation de créances peut être assimilée à une opération de mobilisation de créances (affacturage, cession Dailly, escompte, etc.), les créances titrisées seront par contre émises sur un marché financier.

Quelles sont les créances titrisables ?

Toutes les typologies de créances peuvent faire l'objet d'une titrisation, si elles respectent les conditions suivantes : garantir un flux de trésorerie prévisible durant toute la durée de la détention de l'actif et avoir un risque limité. Nous distinguons deux types de créance qui peut être transformée en titre :

  • les créances commerciales dont l'origine est une opération commerciale, il s'agit par exemple des ventes de biens ou services non encore réglées, telles que les factures émises, mais non encore soldées comme les factures de téléphone, etc.
  • les créances financières : dont l'origine est une opération financière, sont par exemple des prêts accordés, tels que les prêts à la consommation, les prêts auto, leasing, les prêts revolving de carte de crédit ou encore prêts à l'habitat, etc.

Les principaux acteurs de titrisation de créances

La titrisation de créance est une opération assez complexe, qui demande l'intervention de plusieurs acteurs. Le schéma suivant explique d'une manière simplifiée le fonctionnement de l'opération de titrisation de créance, ainsi que le rôle de chaque acteur :

Le cédant : généralement un établissement financier ou de crédit (banques, etc.), il détient la créance pour son propre compte ou pour celui d'un de ses clients, son but principal est de mobiliser la créance par le biais d'un contrat de cession de créances à une entité ad hoc (FCT ou SPV).

L'arrangeur : principalement une banque d'affaires (banque d'investissement) ou une maison de titres spécialisés, son rôle principal consiste à solliciter des cédants potentiels, imaginer le montage financier de l'opération de titrisation, être le coordinateur entre le client et l'originateur, mais également avec d'autres acteurs tels que les cabinets juridiques, les agences de notation et les autres tiers. Parmi les principales missions de l'arrangeur :

  • la vérification de la capacité du gestionnaire ; 
  • l'identification d'informations historiques et souvent un audit de l'actif ;
  • la mise en place de la structure juridique de l'opération de titrisation ; 
  • l'identification des solutions à de potentiels problèmes complexes ou fiscaux ;
  • s'assurer que la transaction se conforme aux exigences réglementaires locales.

La finalité étant de s'assurer que les objectifs du cédant soient atteints et que le produit de titrisation rencontre une demande effective.

Société ad hoc : c'est la société qui s'occupe de l'acquisition du portefeuille de créance, de transformer les créances en actifs financiers, puis de les vendre dans les marchés financiers.

Les agences de notation : elles apprécient la qualité des parts mises en circulation et évaluent les risques (de non-paiement, risques financiers par exemple) inhérents à l'opération de titrisation et du portefeuille des actifs financiers ainsi cédés par l'attribution des notes.

Ces notes se basent sur des techniques d'analyse financière et de scoring qui permettent de mesurer les risques liés à la solvabilité des institutions chargées du recouvrement des créances. Ces notes sont classées généralement de A à D.

Plus la note est élevée, plus le débiteur est jugé capable de rembourser sa dette. Inversement, plus sa note est faible plus le risque de défaut est élevé. Les agences les plus reconnues dans la notation des opérations de titrisations sont Moody's et Standard and Poor's.

Marchés financiers : c'est le marché dans lequel seront vendues les créances transformées en actifs financiers.

Recouvreur : une banque ou une institution financière désignée pour assurer le recouvrement des créances dans les délais et les termes convenus.

L'intervention de plusieurs acteurs dans le processus de titrisation peut engendrer des frais élevés (des commissions), d'où son inconvénient.

Quel intérêt de procéder à la titrisation des créances ?

La titrisation des créances à plusieurs intérêts pour un émetteur. Elle permet :

  • d'accéder directement aux marchés financiers et avoir une source de financement supplémentaire pour la société cédante sous des conditions meilleures de financement, en comparaison avec la garantie financière classique. (alternative au financement bancaire) ;
  • de mieux gérer le bilan de l'entreprise : augmenter la liquidité du bilan par la transformation des actifs peu liquides en titres liquides sur les marchés ; 
  • déconsolidation comptable : faciliter la déconsolidation des créances cédées ;
  • une meilleure gestion de risque : transférer les risques de crédit liés aux créances titrisées au marché financier ;
  • pouvoir financer grâce à elle, un montant pouvant être très significatif.

Autre avantage, elle s'inscrit dans la discrétion de l‘opération (les clients ne sont pas avisés de la cession des crédits) chose qui n'impacte pas la relation de l'entreprise avec ses clients.



Houssam BIRAMANE
Expert financier spécialisé dans le montage du business plan et la création d'entreprise.