La clientèle, élément principal du fonds de commerce

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L'existence d'un fonds de commerce dépend de l'existence d'une clientèle. Cette clientèle doit être autonome et appartenir à l'exploitant. La cessation d'activité trop longue fait disparaître la clientèle et donc le fonds.

La clientèle est l'élément central du fonds de commerce. Sans clientèle, il n'y a pas de fonds. Cette règle a pu poser problème aux franchisés car la clientèle doit appartenir au propriétaire du fonds.

Les autres éléments du fonds de commerce servent uniquement à attirer et retenir la clientèle.

Si la clientèle fait l'objet d'un acte de cession séparé, les juges refusent la qualification de cession de fonds de commerce à ces autres éléments cédés. Ils deviennent acte de vente de la marchandise, du matériel, etc.

La loi de finances 2022 ouvre à certaines entreprises, et pour une durée limitée, la possibilité d'amortir le fonds commercial. La loi de finances rectificative du 16 août 2022 (article 7) apporte également de nouvelles précisions sur la déduction fiscale de l'amortissement d'un fonds commercial (pour en savoir plus, lire : « Amortissement et fonds de commerce : l'essentiel »).

Qu'est-ce que la clientèle ?

La clientèle regroupe toutes les personnes qui se fournissent chez un commerçant. Elle est souvent distinguée de l'achalandage, qui regroupe tous les clients de passage, qui ne reviendront pas ou qui constituent la clientèle locale (par opposition aux clients attirés par la personnalité du commerçant).

L'achalandage ne peut suffire pour permettre la reconnaissance d'un fonds de commerce.

Lorsque l'activité évolue, la clientèle évolue également, tout en restant attachée au fonds de commerce. Ce n'est que lorsque le changement d'activité est trop important (deux activités qui ne touchent pas du tout le même public), que la clientèle change et qu'il y a naissance d'un nouveau fonds.

La clientèle n'existe que si le fonds est exploité

L'exploitation du fonds de commerce est une condition sine qua none de l'existence de ce fonds. L'exploitation ou la non exploitation, pour avoir des conséquences sur la clientèle, doit durer plusieurs mois (les juges ont pu conclure à l'inexistence de la clientèle après 2 mois d'exploitation).

Une fois l'établissement fermé pendant trop longtemps, il ne s'agira plus que d'une cession de droit au bail.

La clientèle commence à apparaître à la création du fonds, qui coïncide avec le début de l'activité et disparaît en cas de cessation d'activité. L'ouverture au public est très importante. Et cette ouverture doit se faire dans la durée.

Les juges du fonds apprécient souverainement cette condition d'exploitation et ses impacts sur la clientèle. Le rejet n'est pas systématiquement prononcé dès que l'activité cesse.

Lorsqu'un professionnel prend sa retraite et cesse toute activité pendant plusieurs mois, il pourra toujours vendre son entreprise avec le matériel, les stocks, le droit au bail, mais le fonds de commerce aura peut-être disparu du fait de l'absence de clientèle.

Une cessation temporaire d'activité, suite au décès de l'exploitant, peut permettre la conclusion d'un contrat de location gérance dans une boutique située sur un lieu de pèlerinage (cassation civile 3è, 15 septembre 2010, pourvoi n°09-68521).

Si l'existence d'une clientèle n'est pas reconnue, le contrat de location-gérance risque la requalification en contrat de sous-location.

La clientèle est reconnue sous conditions : autonomie et propriété

La clientèle doit être réelle, certaine et stable. Elle ne peut en aucun cas être éventuelle, future ou potentielle. Elle doit aussi appartenir à l'exploitant du fonds de commerce et être autonome. Ces deux caractéristiques ont donné lieu à de nombreuses décisions de justice.

Une clientèle personnelle obligatoire

L'exploitant d'un fonds de commerce doit se créer une clientèle personnelle. S'il se situe dans un parc ou dans l'enceinte d'un supermarché, il n'aura généralement pas de fonds de commerce propre, sauf exceptions. Il a pu être admis qu'une station de lavage en extrémité d'un centre commercial, ouverte sept jours sur sept, bénéficie d'une autonomie de gestion et d'une clientèle propre, car l'intention de faire laver son véhicule ne se confond pas avec celle de faire ses courses (Cour de cassation, 3eme chambre civile, 23 novembre 2004, n°03-15557).

En raison de l'absence de clientèle propre et autonome, diverses exploitations situées dans l'enceinte de locaux plus vastes se sont vues refuser la qualité de fonds de commerce, les locataires exploitants étant exclus du statut des baux commerciaux. La jurisprudence concernant la clientèle des fonds de commerce est riche, par exemple :

  • un bar-restaurant implanté dans l'enceinte d'un parc municipal des sports (Cour de cassation, 3eme chambre civile, 28 janvier 2015, n°13-24661) ;
  • un manège dépendant d'un centre commercial (Cour de cassation, 3eme chambre civile, 15 octobre 2014, n°13-24439).

De la même manière, une station-service n'a pas systématiquement de clientèle personnelle. Il s'agit de la clientèle de la compagnie pétrolière qui est souvent préexistante à l'ouverture de la station au public (Cour de cassation, chambre commerciale, 21 mars 1995, n°93-11868).

Enfin, dans le cadre d'un contrat de franchise, la clientèle est davantage attirée par la marque ou l'enseigne.

L'appréciation de la clientèle propre et autonome, se fera au cas par cas. L'exploitant doit prouver qu'il s'est constitué une clientèle propre, différente de celle de la marque, de l'enseigne, de la compagnie pétrolière.

Sans clientèle personnelle, il s'agit d'un contrat de location-gérance.

Le critère de l'activité pour le franchisé

Dans un arrêt du 27 mars 2002, la Cour de cassation ajoute deux éléments qui permettent de reconnaître l'autonomie de la clientèle.

L'exploitant doit exercer l'activité à ses risques et périls et disposer des éléments constitutifs du fonds de commerce.

Même s'il n'apporte pas la preuve de l'existence d'une clientèle propre, le franchisé peut se voir reconnaître la propriété d'un fonds de commerce.

Une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en ½uvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en ½uvre à ses risques et périls, d'autre part, que le franchiseur reconnaissait aux époux X... le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds, la cour d'appel en a déduit exactement que les preneurs étaient en droit de réclamer le paiement d'une indemnité d'éviction.

Cour de cassation, 3eme chambre civile, 27 mars 2002, n°00-20732 : www.legifrance.gouv.fr

Plus d'infos

Cour de cassation, chambre commerciale, 17 janvier 1997, n°94-14825

Article L141-1 et suivants du code de commerce