Exonération partielle d'ISF : titres détenus par les salariés et mandataires sociaux

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Les salariés et mandataires sociaux peuvent bénéficier d'une exonération partielle d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), à concurrence des trois-quarts de la valeur des titres qu'ils détiennent dans la société dans laquelle ils exercent leur activité principale (article 885 I quater du CGI).

Ce dispositif, applicable depuis l'ISF 2006, s'adresse principalement aux associés de sociétés qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels ou de l'exonération partielle d'ISF ouverte en cas de détention de titres faisant l'objet d'un engagement collectif de conservation (i.e. pacte Dutreil).

En principe, ce dispositif est exclusif de l'application d'un autre régime d'exonération d'ISF. Toutefois, en cas de remise en cause par l'administration d'un autre régime d'exonération, le redevable peut déposer une réclamation en vue de demander à bénéficier du dispositif de l'article 885 I quater du CGI, s'il apporte la preuve qu'il remplissait les conditions d'application de ce régime au titre de l'année ou des années en cause.

 

Conditions d'application du régime



Salariés et mandataires sociaux concernés

a - Par salarié, on entend toute personne qui s'engage par un contrat de travail à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle il se place, en échange d'une rémunération. Le statut de salarié implique la réalisation de fonctions techniques effectives, un état de subordination et le versement d'une rémunération.

b - Pour l'application du dispositif de l'article 885 I quater du CGI, sont des mandataires sociaux  :

  • le président du conseil d'administration,
  • les administrateurs,
  • le président du conseil de surveillance,
  • les membres du conseil de surveillance,
  • le directeur général,
  • les directeurs généraux délégués,
  • les membres du directoire,
  • le gérant.

c - Peuvent bénéficier de l'exonération partielle d'ISF de l'article 885 I quater du CGI les salariés et mandataires sociaux, tels que définis ci-dessus, qui exercent leur activité principale, au 1er janvier de l'année d'imposition, dans la société dans laquelle ils détiennent les titres objet de ladite exonération.

Selon la doctrine administrative, l'activité principale est celle qui constitue pour le salarié ou le mandataire social l'essentiel de ses activités économiques, même si elle ne lui procure pas l'essentiel de ses revenus (cas des activités déficitaires, par exemple). Pour apprécier ce critère, est pris en compte l'ensemble des activités professionnelles exercées par le salarié ou le mandataire social.

Dans les circonstances où ce critère n'est pas pertinent, l'administration fiscale considère comme activité principale celle qui procure au salarié ou au mandataire social la plus grande partie de ses revenus (cas des personnes exerçant plusieurs activités d'égale importance, par exemple).

Dans un arrêt du 5 janvier 2016, la Cour de cassation s'est écartée de la position de l'administration fiscale présentée ci-dessus en précisant que l'exercice d'une activité principale n'impliquait pas nécessairement la perception d'une rémunération.

d - Les retraités, c'est-à-dire les redevables ayant cessé leurs fonctions ou activités pour faire valoir leurs droits à la retraite, peuvent également, sous certaines conditions, bénéficier du régime d'exonération partielle d'ISF visé à l'article 885 I quater du CGI.

Ce dispositif est applicable si le retraité détient les parts sociales ou actions depuis au moins trois ans au moment de la cessation des fonctions.

Les actions attribuées gratuitement à ce dernier, définitivement acquises plus de trois ans avant le départ en retraite, sont éligibles. Tel est également le cas des stock-options, pour lesquels l'offre est antérieure au délai de trois ans et dont la levée intervient pendant ce délai.

 

Sociétés concernées

Le bénéfice de l'exonération partielle d'ISF est accordée aux parts sociales et actions de sociétés, quels que soient leur forme (sociétés de capitaux ou sociétés de personnes) et leur régime d'imposition (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu).

En outre, la société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, c'est-à-dire une activité opérationnelle.

Les parts sociales ou actions de sociétés exerçant une activité civile ne sont donc pas éligibles au dispositif. D'une manière générale, sont considérées comme ayant une activité civile les sociétés dont la principale activité consiste à gérer un patrimoine mobilier ou immobilier (par exemple : SCI, holding passive ayant pour seule activité la détention de participations, etc.).

Toutefois, les holdings animatrices de leur groupe sont assimilés à des sociétés ayant une activité opérationnelle. Une holding animatrice de groupe est une société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales et qui rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Remarque 1
La notion d'holding animatrice de groupe trouve sa source non pas dans la loi (même si elle fait récemment l'objet d'une codification législative), mais dans la doctrine administrative. On a remarqué, au cours des dernières années, que, sans modifier sa doctrine, l'administration fiscale a fait évoluer cette notion en durcissant sa position lors des contrôles fiscaux. Ainsi, la qualification d'holding animatrice de groupe ne doit pas être prise à la légère et doit faire l'objet d'une analyse approfondie, afin de limiter les risques de remise en cause de l'exonération partielle par l'administration fiscale.

Remarque 2
La société opérationnelle dans laquelle le redevable exerce son activité (i.e. salarié ou mandataire social) peut être détenue par l'intermédiaire d'une ou plusieurs sociétés interposées, à condition qu'il existe des liens de dépendance entre ces dernières et la société opérationnelle. Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision. L'exercice d'une activité opérationnelle n'est exigée que dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.

 

Conservation des titres

Le dispositif d'exonération partielle de l'article 885 I quater du CGI est subordonné à la conservation, par le redevable, de ses parts sociales ou actions pendant une durée minimale de six ans.

Ce délai de six est décompté à compter du 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'exonération est appliquée pour la première fois. A l'issue du délai de conservation, le redevable peut continuer de bénéficier de l'exonération, à condition qu'il remplisse les conditions du régime au 1er janvier de l'année, sans qu'aucun délai de conservation ne courre.

 

Portée de l'exonération



Exonération partielle

Lorsque les conditions d'application précitées sont réunies, les parts sociales ou actions ouvrent droit, pour leur propriétaire, à une exonération d'ISF, à concurrence des trois-quarts de leur valeur, sans limitation de montant.

Remarque : les limites visant à réserver l'application de l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels aux seuls biens nécessaires à l'activité de l'entreprise ne s'appliquent pas dans le cadre du dispositif de l'article 885 I quater du CGI. Dès lors, la valeur des parts sociales ou actions est retenue à hauteur de l'intégralité du patrimoine social, même si celui-ci comporte des biens non nécessaires à l'activité.

 

Impact du non respect des conditions d'application du régime

Le non respect des conditions d'application du dispositif, au 1er janvier de chaque année pendant lequel le redevable en bénéficie, entraîne la remise en cause totale ou partielle du dispositif :

  • la remise en cause est totale, depuis le début de l'application du régime, en cas de non respect de l'obligation de conservation des parts sociales ou actions (en cas de cession partielle des titres, la remise en cause est limitée à fraction des titres cédés) ;

  • lorsque la condition relative à l'exercice de l'activité principale comme salarié ou mandataire social n'est plus respectée, l'exonération est remise en cause pour le futur (sauf hypothèse de départ en retraite), à condition que les parts sociales ou actions aient été conservées pendant au moins six ans ;

  • en cas de décès du redevable qui remplissait l'ensemble des conditions, le bénéfice de l'exonération partielle n'est pas remis en cause pour le passé et l'année en cours, sans aucune obligation de conservation pour les ayant-droits. Pour le futur, le conjoint survivant peut continuer de bénéficier de l'exonération partielle à condition qu'il conserve les titres jusqu'au terme du délai de conservation de six ans. Au delà, il pourra continuer d'appliquer l'exonération tant qu'il conserve les titres.

Remarque
La mesure de faveur ci-dessus est également applicable au conjoint survivant d'un redevable décédé qui bénéficiait du régime d'exonération au titre des biens professionnels et qui remplissait au 1er janvier de l'année de son décès l'ensemble des conditions prévues par l'article 885 I quater du CGI, à condition, bien entendu, que ledit conjoint survivant conserve les titres pendant six ans à compter de l'année suivant le décès.

 

Impact des restructurations intervenant pendant le délai de conservation de six ans

a - En cas de fusion ou de scission pendant le délai de six ans, l'exonération partielle accordée au redevable au titre de l'année en cours et des années précédentes n'est pas remise en cause, sous réserve qu'il conserve les titres remis en contrepartie de l'opération de fusion ou de scission jusqu'au terme du délai de conservation des titres d'origine.

Pour l'avenir, l'avantage fiscal est, en principe, maintenu, à condition que les titres reçus dans le cadre de l'opération de fusion ou de scission soient conservés pendant une nouvelle période de six ans.

b - En cas d'apport des parts sociales ou actions pour lesquelles le redevable a bénéficié de l'exonération partielle visée à l'article 885 I quater du CGI, pendant le délai de six ans, les titres reçus en échange ne peuvent plus, en principe, bénéficier de l'exonération, depuis l'origine, la condition de conservation faisant défaut.

Par exception, l'opération d'apport n'entraîne pas la perte de l'exonération partielle depuis l'origine (i.e. report de l'exonération sur les titres reçus en contrepartie de l'apport), sous réserve que les conditions suivantes soient respectées jusqu'au terme du délai de conservation de six ans :

  • le redevable conserve les titres reçus en contrepartie de l'apport ;
  • la société bénéficiaire de l'apport conserve les titres apportés ;
  • la personne bénéficiaire de l'exonération partielle, son conjoint (ou partenaire lié par PACS) exerce dans la société bénéficiaire de l'apport son activité professionnelle principale s'il s'agit d'une société de personne ou occupe un mandat social s'il s'agit d'une société de capitaux (i.e. fonctions visées à l'article 885 0 bis du CGI) ;
  • la personne bénéficiaire de l'exonération partielle, son conjoint/concubin/partenaire détient au minimum 95% des titres de la société bénéficiaire de l'apport, en pleine propriété ou en usufruit ;
  • la valeur vénale de l'actif immobilisé de la société bénéficiaire de l'apport est composé, à 95% au moins, par une participation dans la société dont les titres ont été apportés et la valeur de cette participation représente au moins 90% de la valeur vénale de l'actif net de la société bénéficiaire de l'apport.

Pour le futur, l'exonération partielle est maintenue, à condition que l'ensemble des conditions précitées soient respectées pendant une nouvelle période de six ans.

 



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.