Exonération d'ISF au titre des biens professionnels : conditions d'application du régime aux parts sociales et actions

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La loi fiscale française exclut de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dans certaines circonstances, les biens professionnels, c'est-à-dire les biens utilisés par le contribuable pour l'exercice de sa profession. Aucun ISF n'est donc dû au titre de ces biens.

Comme tout avantage fiscal, il est subordonné au respect strict de certaines conditions qui sont détaillées dans le présent article.

Selon l'article 885 N du Code Général des Impôts (CGI), les biens professionnels exonérés peuvent être regroupés sous deux grandes catégories :

  • les biens professionnels utilisés dans le cadre de l'exercice d'une profession sous forme individuelle ;
  • les parts ou actions de sociétés.

S'agissant des biens professionnels utilisés dans le cadre d'une entreprise individuelle, nous vous invitons à consulter l'article ISF - Exonération des biens professionnels.

Les parts de sociétés de personnes ainsi que les parts ou actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier de l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels, sous réserve du respect des conditions décrites ci-après.

Conditions communes à toutes les sociétés

Afin que les parts sociales puissent être considérées comme des biens professionnels, la société émettrice de ces titres doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Ainsi, les titres d'une société, quelle que soit sa forme, exerçant une activité civile ne peuvent pas être regardés comme des biens professionnels. Tel est notamment le cas des parts sociales détenues dans une société ayant pour activité la gestion de son patrimoine mobilier (i.e. cas des sociétés holdings passives ayant pour seule activité la détention d'un portefeuille de titres) ou immobilier (article 885 0 quater du CGI).

Seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments utilisés pour les besoins de l'activité constitue un bien professionnel exonéré, le surplus étant un élément du patrimoine privé. Autrement dit, la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux biens non nécessaires à l'exercice de l'activité ne bénéficie pas de l'exonération (article 885 O ter du CGI).

Cette règle est destinée à éviter des transferts abusifs de biens non professionnels dans le patrimoine de la société.

Les comptes-courants d'associés n'ont pas le caractère de biens professionnels exonérés (l'exonération est réservée aux sommes investies en fonds propres dans l'entreprise), même dans l'hypothèse où les sommes en cause constituent des dettes professionnelles de la société.

Conditions spécifiques aux parts de sociétés de personnes (article 885 O du CGI)

L'exonération s'applique aux parts dont le redevable détenues dans une société revêtant l'une des formes énumérées aux articles 8 et 8 ter du CGI, à condition que ladite société n'ait pas opté pour l'impôt sur les sociétés (en cas d'option de la société pour l'impôt sur les sociétés, l'exonération est acquise si les conditions spécifiques aux parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, visées dans le paragraphe ci-dessous, sont respectées) :

  • société en nom collectif ;
  • société en commandite simple ;
  • société civile, société en participation ou créée de fait ;
  • société à responsabilité limitée (SARL) de famille ;
  • entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ;
  • exploitation agricole à responsabilité limitée ;
  • société civile professionnelle.

Le détenteur des parts exerce dans la société des fonctions professionnelles (i.e. exercice habituel et à but lucratif d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole), à titre principal et de manière effective.

Conditions spécifiques aux parts ou actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (article 885 O bis du CGI)

Les parts sociales et actions détenues dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) sont considérées comme des biens professionnels exonérés lorsque :

  • le propriétaire desdites parts sociales ou actions exerce dans la société l'une des fonctions de direction énumérées par l'article 885 0 Bis, 1° du CGI, cette fonction lui procurant plus de la moitié de ses revenus professionnels ;
  • le propriétaire des parts sociales ou actions possède au moins 25% des droits de vote attachés aux titres émis par la société dans laquelle il exerce une fonction de direction.

L'ensemble de ces conditions est apprécié au 1er janvier de chaque année d'imposition.

Exercice de fonctions de direction

La qualification de biens professionnels est réservée aux actions ou parts sociales dans laquelle le propriétaire desdites actions ou parts sociales exerce une fonction de direction répondant aux conditions suivantes :

  • le propriétaire des parts sociales ou actions exerce l'une des fonctions visées à l'article 885 0 Bis 1° du CGI. D'une manière générale, les fonctions visées par cette disposition correspondent à celle de mandataire social (i.e. gérants de SARL, présidents de SA ou de SAS, directeurs généraux, etc), dont la nomination est régulière et conforme aux statuts ;
  • il doit exercer effectivement ses fonctions, c'est-à-dire consacrer à ses fonctions une activité et des diligences constantes et réelles, telles que l'animation de l'activité des directeurs salariés, la signature des pièces essentielles, le contact avec les principaux clients ou fournisseurs et avec les représentants du personnel, etc ;
  • il doit percevoir une rémunération normale. Une rémunération est considérée comme normale lorsque son montant est en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement cette fonction, compte tenu de la nature et de l'importance de l'activité de l'entreprise ainsi que de ses résultats (i.e. appréciation par comparaison avec d'autres rémunérations). Sauf circonstances particulières, les dividendes ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du caractère normale de la rémunération ;
  • la rémunération ainsi perçue représente plus de la moitié des revenus professionnels annuels au titres desquels il a été soumis à l'impôt sur le revenu (i.e. essentiellement salaires et rémunération du mandat social). Les dividendes ne sont pas retenus dans ce calcul.

Remarque : lorsqu'au sein d'un groupe des liens de connexité, de similitude et de complémentarité existent entre les sociétés qui en font partie, les conditions liées à la normalité et au montant de la rémunération peuvent être appréciées globalement (et non au niveau de chaque entité).

Seuil de détention minimum

Gérants minoritaires de SARL, dirigeants de sociétés anonymes et dirigeants de SAS :

Pour que les actions ou parts sociales soient considérées comme un bien professionnel, leur propriétaire et / ou les membres de son groupe familial (i.e. conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin notoire, ascendants, descendants, frères et s½urs du redevable ainsi que du conjoint, partenaire ou concubin) doivent détenir au moins 25 % des droits de vote dans la société dont les parts ou actions constituent un bien professionnel au regard de l'ISF.

Il existe certaines dérogations, notamment en cas d'augmentation de capital de ladite société ou si la valeur des parts ou actions détenue directement par le contribuable excède 50% de la valeur brute de son patrimoine taxable (parts ou actions incluses).

Gérants majoritaires statutaires de SARL, gérants de sociétés en commandite par actions et associés des sociétés de personnes ou de sociétés civiles ayant opté pour être soumises à l'impôt sur les sociétés :

Aucun seuil de détention minimum n'est exigé.

Situation des holdings

En principe, les sociétés holding, qui exercent une activité civile de détention d'un portefeuille de participations, ne peuvent pas bénéficier de l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels.

Il existe cependant des dérogations à cette situation :

  • les parts détenues (directement) dans une société holding animatrice effective de son groupe peuvent être considérées comme des biens professionnels, dès lors que ladite holding participe activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et rend des prestations de services internes au groupe (services comptables, administratifs, juridiques, financiers, etc.). Pour plus de détails concernant la notion de société holding animatrice de groupe, nous vous invitons à consulter l'article Exonération partielle d'ISF : titres détenus par les salariés et mandataires sociaux ;

  • lorsque la société holding (passive) détient une participation dans une autre société où le redevable exerce des fonctions de direction dans les conditions précitées, les titres de ladite holding passive peuvent être considérés comme un bien professionnel et faire l'objet d'une exonération partielle. Dans cette hypothèse, un seul degré d'interposition est autorisé entre le propriétaire des parts et la société opérationnelle dans laquelle il exerce ses fonctions de direction dans les conditions précitées.

En cas de sociétés interposées, les titres sont exonérés à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à la participation qu'elle détient dans la société où le redevable exerce ses fonctions.

La fraction exonérée de la valeur des titres de sociétés interposées s'obtient par la formule suivante :

Valeur des titres dans la société interposée × Valeur de la participation dans la société où le redevable exerce ses fonctions / Actif brut de la société interposée.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.