La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels

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Modifié le 24/04/2024
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La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS) concerne certaines catégories de salariés. Elle permet de diminuer l'assiette des cotisations de Sécurité sociale et de retraite complémentaire pour le salarié et l'employeur. Elle augmente le net à payer du salarié.

Parmi ces catégories de salariés se trouvent les ouvriers du bâtiment, mais ils sont loin d'être les seuls.

La tolérance qui figure dans le BOSS (Bulletin officiel de la Sécurité sociale) ne s'applique plus depuis le 1er janvier 2023.

Un dispositif de sortie progressive de la DFS a également été mis en place pour certains secteurs d'activités.

Depuis le 1er janvier 2020, la DFS est associée à un plafonnement de la réduction générale de cotisations patronales, dite réduction Fillon.

Avec elle, les frais de repas au restaurant et autres frais de repas engagés par le salarié contraint de prendre ses repas hors lieu de travail ou non et les déplacements professionnels pris en charge par l'employeur ne sont pas exonérés de cotisations sociales.

DFS : les précisions du BOSS

Le BOSS a durci les conditions pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, aussi bien pour le salarié que pour l'employeur.

Désormais, l'appartenance à une profession éligible ne suffit plus. L'employeur doit être en mesure de prouver que le salarié (dans le cadre professionnel) engage effectivement des frais qui ne sont pas intégralement remboursés par lui. 

Il peut s'agir du montant réel des frais de transport ou des frais de déplacement ou de tout autres frais qui peuvent être considérés comme professionnels.

En cas d'absence ou de congés rémunérés ou non au cours d'un mois complet, la DFS n'est pas admise.

L'employeur doit également recueillir le consentement annuel des salariés et les informer des conséquences de l'application de la DFS sur leurs droits, notamment à IJSS et pour la retraite.

Une tolérance avait été mise en place jusqu'au 31 décembre 2022. Elle devait permettre aux employeurs de se mettre en conformité.

Le matériel ou les fournitures achetés exceptionnellement pour le compte de l'entreprise n'ont pas à être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales.

À titre exceptionnel et jusqu'au 31 décembre 2022, certains frais n'avaient pas à être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales avant application de la DFS. Les exemples sont donnés au §2290 de la partie dédiée aux frais professionnels. On peut citer la prise en charge directe par l'employeur auprès d'un tiers (hôtels, taxi, etc.), les dépenses d'entretien de vêtements de travail, les repas d'affaires sauf abus et la participation aux manifestations (commerciales) organisées par l'entreprise.

Le plafonnement de la réduction Fillon à 130% des allègements des autres employeurs

Lorsqu'un salarié est éligible à la déduction forfaitaire spécifique, la réduction générale de cotisations patronales se calcule sur le salaire brut abattu. C'est le salaire brut après déduction de l'abattement pour frais professionnels.

Ce mode de calcul augmente automatiquement la réduction Fillon puisque les salariés qui en bénéficient peuvent gagner plus que le plafond de 1,6 SMIC.

Le plafonnement à 130% des allègements auxquels peut prétendre un employeur de droit commun a été instauré par voie réglementaire, dans un arrêté du 4 décembre 2019 (NOR : CPAS1934943A).

DFS et catégories de salariés

Les employeurs sont autorisés à appliquer un abattement pour frais professionnels à certaines catégories professionnelles de salariés :

  • apprentis et ouvriers du bâtiment ;
  • artistes ;
  • journalistes et rédacteurs ;
  • conducteurs d'engins et de camions d'entreprise dans les travaux publics ;
  • mannequins ;
  • ouvriers bijoutiers et joailliers, propriétaires de leur outillage ;
  • chauffeurs des entreprises de déménagement ;
  • etc.

Ce ne sont que quelques exemples. La liste complète des catégories de salariés (ouvriers du bâtiment, etc.) est celle de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.

L'employeur applique la déduction correspondant à la catégorie du salarié et non en fonction de l'activité générale de l'entreprise.

Abattement pour frais professionnels : exercice de l'option

L'employeur applique la déduction ou y renonce après avoir préalablement consulté les salariés. Dès lors qu'une convention ou un accord collectif de travail l'a expressément prévu ou que les représentants du personnel l'ont accepté, l'employeur peut exercer cette option.

Dans le cas contraire, chaque salarié concerné doit accepter ou refuser cette option. L'employeur recueille le consentement des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à la consultation.

L'employeur doit aussi être en mesure de prouver que les salariés ont été informés des conséquences de l'application de la DFS sur la validation de leurs droits (assurance retraite et IJSS).

Le salarié consulté individuellement conserve la possibilité de changer d'avis en fin d'année civile. Il peut accepter ou refuser l'abattement et son silence au moment de la consultation vaut acceptation. L'option cesse alors de s'appliquer dès le 1er janvier de l'année suivante.

Attention

Depuis le 1er avril 2021, à défaut d'accord collectif de travail ou d'accord du CSE, le consentement des salariés devient annuel sous peine de sanctions. L'employeur doit apporter la preuve de la consultation et de l'information de ses salariés, préalablement à la mise en place de la déduction forfaitaire spécifique.

Une tolérance avait toutefois été mise en place jusqu'au 1er janvier 2023. En cas de contrôle, l'URSSAF n'appliquait pas les sanctions pour les périodes qui allaient jusqu'au 31 décembre 2022 et se contenter d'une demande de mise en conformité pour l'avenir.

Cette tolérance était valable pour les nouvelles conditions relatives aux frais professionnels effectivement supportés par le salarié et le recueil, selon les cas, du consentement du salarié bénéficiaire de la DFS.

Des exemples sont donnés dans la partie « Avantages en nature et frais professionnels » §2215 du BOSS. La tolérance s'appliquait lorsque :

  • le salarié ne supportait aucun frais ;
  • la DFS avait été appliquée pour un mois complet de congés payés.

Depuis le 1er janvier 2023, la sanction est la réintégration de la déduction forfaitaire spécifique dans l'assiette sociale.

Déduction forfaitaire spécifique et assiette des cotisations

La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (ou abattement professionnel) est plafonnée par salarié et par année civile à 7 600¤. Ce montant n'est pas revalorisé.

La base de calcul des cotisations est constituée par les montants des salaires et accessoires du salaire, primes, indemnités, etc. auxquels s'ajoutent les remboursements de frais professionnels le cas échéant. Les allocations forfaitaires pour frais professionnels et les remboursements de frais sur justificatifs entrent ainsi dans l'assiette des cotisations sociales et des contributions.

L'abattement pour frais professionnels apparaît distinctement sur la fiche de paie.

Toutefois, dès lors que le salarié perçoit une rémunération égale au SMIC, la déduction forfaitaire pour frais ne peut s'appliquer. En effet, l'assiette des cotisations de Sécurité sociale ne peut jamais être inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Lorsque le salaire est légèrement supérieur au SMIC, l'abattement pour frais professionnels s'applique jusqu'à obtenir une assiette égale au SMIC.

En cas de maintien de salaire pour un mois d'absence complet, la DFS ne peut s'appliquer pour ce mois. Le salarié absent n'a engagé aucuns frais professionnels dans ce cas.

Quelques précisions concernant le dispositif de sortie progressive 

Dans 8 secteurs d'activité (propreté, casinos et cercles de jeux, construction, transport routier de marchandises, spectacle vivant et spectacle enregistré, aviation civile, journaliste et VRP), il est prévu une sortie progressive du dispositif de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (BOSS, frais professionnels, §2300 et suivants).

Elle diminuera progressivement pour cesser de s'appliquer au :

  • 1er janvier 2029 pour la propreté ; 
  • 1er janvier 2031 pour les casinos et cercles de jeux ;
  • 1er janvier 2032 pour la construction ;
  • 1er janvier 2032 pour le spectacle vivant et spectacle enregistré ; 
  • 1er janvier 2033 pour l'aviation civile ;
  • 1er janvier 2035 pour le transport routier de marchandises ; 
  • 1er janvier 2038 pour les journalistes ; 
  • 1er janvier 2038 pour les VRP.

En contrepartie, ces secteurs peuvent, jusqu'à ces différentes dates, appliquer la DFS tel qu'ils le faisaient avant l'intervention du BOSS. Ces dérogations ont été négociées par les différentes branches en vue de la sortie définitive de la DFS.

Ces dérogations s'appliquent depuis le :

  • 1er janvier 2021 pour le secteur de la propreté ;
  • 1er janvier 2022 pour le secteur de la construction ;
  • 1er janvier 2023 pour les secteurs des casinos et cercles de jeux, du transport routier de marchandises, du spectacle vivant et du spectacle enregistré, de l'aviation civile, les journalistes et les VRP.

Cela signifie qu'à compter de ces dates, la DFS est applicable même si le salarié ne supporte pas effectivement de frais. Elle est également cumulable avec le remboursement des frais professionnels définis par l'arrêté de 2002. Par conséquent, ils ne seront pas intégrés dans l'assiette de cotisation.

Concernant l'accord des salariés de ces secteurs, le BOSS a de nouveau modifié les règles de recueil de leur consentement afin de les unifier à compter du 1er mai 2024. Dès lors, si le consentement est recueilli :

  • pour une durée indéterminée, celui-ci couvre la période restant à courir jusqu'à la suppression du dispositif ; 
  • pour une durée déterminée, l'employeur doit renouveler sa demande à l'issue de cette durée, et ce jusqu'à suppression du dispositif.

Enfin, selon les recommandations d'Infodoc-experts, un employeur peut appliquer le dispositif de sortie progressive même s'il n'appliquait pas auparavant la DFS, car la doctrine administrative ne conditionne pas l'application du dispositif à une application antérieure de la DFS. Par ailleurs, l'information donnée au salarié doit préciser les spécificités liées au dispositif de sortie progressive.