Fonds de garantie : fonds propres ou dettes ?

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Le plan comptable général (PCG) ne donne pas de définition claire des autres fonds propres, et n'explique pas comment les distinguer des dettes. Dans ces conditions, il peut être difficile de caractériser comptablement certaines opérations.

Illustration avec la comptabilisation d'un fonds de garantie géré par une coopérative de commerçants, qui a donné lieu à une réponse de la Commission des études comptables de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC)[1].

Le flou du plan comptable général

Le plan comptable général ne donne aucune définition conceptuelle des  autres fonds propres. Il se contente de citer les éléments qui en font partie (PCG, art. 934-1) :

« Les autres fonds propres [...] comprennent le montant des émissions de titres participatifs, les avances conditionnées et les droits du concédant ».

Le Code de commerce ne contient pas plus de précision à ce sujet (voir C. com., art. R. 123-190).

La prise de position de l'Ordre des experts-comptables

L'avis de l'Ordre des experts-comptables n°28 de juillet 1994, dédié à la distinction entre les capitaux propres et les dettes tente de combler ce vide juridique. Il précise en effet qu'un élément peut être classé en « autres fonds propres » :

  • lorsqu'il n'est pas remboursable ;
  • ou lorsque son remboursement :
    • est sous le contrôle exclusif de l'émetteur ;
    • ou s'effectue par émission ou attribution d'un autre instrument de capitaux propres.

Cette définition peut toutefois soulever des questions pratiques. C'est l'objet d'une question posée en 2023 à la Commission des études comptables de la CNCC, concernant un fonds de garantie[2].

Cas d'espèce : un fonds de garantie géré par une coopérative de commerçants

La question porte sur le cas d'une société coopérative de commerçants ayant instauré dans son règlement intérieur la mise en place d'un fonds de garantie alimenté par ses adhérents. L'objectif de ce fonds est de garantir une stabilité financière à la coopérative, et de permettre sa continuité d'exploitation.

Sur le plan juridique, les précisions suivantes sont apportées :

  • les versements effectués sont remboursables sur demande de l'adhérent ou automatiquement, en cas de départ de la coopérative ;
  • ces versements sont rémunérés ;
  • en cas de déconfiture de la coopérative toutefois, les adhérents ne peuvent se faire rembourser qu'après les créanciers chirographaires.

Au regard de ces éléments, la Commission des études comptables considère que ces versements ne répondent pas à la définition des avances conditionnées du PCG. Par ailleurs, le fait que la coopérative n'ait pas la liberté de décider si elle rembourse ou non les avances perçues fait obstacle à la comptabilisation en fonds propres. Il convient donc de comptabiliser ces versements en dettes.

Vers une définition officielle des autres fonds propres en 2023 ?

Un groupe de travail de l'Autorité des normes comptables (ANC) devrait permettre de clarifier prochainement la distinction entre fonds propres et dettes. Selon les informations communiquées lors des Universités d'été 2023[3], un texte devrait être présenté au Collège de l'ANC au cours du mois d'octobre puis publié d'ici la fin de l'année 2023. Il devrait reprendre largement les préconisations contenues dans l'avis de l'Ordre.

[1] Réponse EC

[2] Avis EC 2022-32, 13 avr. 2023

[3] Événement organisé par le Conseil régional de Paris en septembre 2023 à Paris.