Les sociétés d'exercice libéral (SEL)

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Modifié le 24/05/2024
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Les SEL (sociétés d'exercice libéral) permettent aux membres de professions libérales réglementées d'exercer en commun une activité par le biais de sociétés de capitaux. Comment sont constituées les SEL, comment fonctionnent-t-elles et quel est le régime fiscal et social de ces sociétés ?

Présentation générale des SEL

Les SEL ont été instituées par la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990. Ce sont des sociétés de capitaux qui concernent les professions libérales réglementées.

L'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementée a été instituée pour simplifier les règles juridiques relatives à l'exercice en société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. L'objet est de regrouper dans un seul et même texte les règles de ces professions libérales, qui sont reprises globalement des lois du 29 novembre 1966 et du 31 décembre 1990. L'entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2024. Des décrets d'application viendront préciser les modalités d'application. Les professions déjà en activité devront se conformer aux nouvelles réglementations d'ici le 31 août 2025.

Étant des sociétés de capitaux, elles peuvent prendre plusieurs formes, à savoir la SARL (SELARL : société d'exercice libéral à responsabilité limitée) y compris EURL (SELURL), la société en commandites par actions (SELCA), la société sous forme anonyme (SELAFA) ou encore la société par actions simplifiée (ou société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS)).

Il est aussi possible pour les sociétés d'avocats de prendre la forme d'une association d'avocats. En outre, les professions libérales peuvent s'exercer à travers une entreprise individuelle, une société civile professionnelle (SCP) ou encore une société civile de moyens (SCM).

La plupart des professions libérales sont réglementées, mais il existe aussi des professions libérales non réglementées comme les moniteurs de ski ou encore les maîtres d'½uvre. Ces professions peuvent être exercées par le biais d'une SCM ou d'une société en nom collectif (SNC).

Constitution et fonctionnement des SEL

Les SEL sont réservées aux professions libérales soumises à un statut législatif et règlementaire ou dont le titre est protégé.

Il existe 3 catégories de SEL :

  • les professions de santé ; 
  • les professions juridiques et judiciaires ;
  • les autres professions dites « professions techniques et du cadre de vie » (expert-comptable, commissaire aux comptes etc, géomètre etc.). 

Il est aussi possible qu'au sein d'une même SEL soit exercée plusieurs professions libérales différentes, les sociétés pluri-professionnelles d'exercice (SPE).

En outre, une SEL peut être constituée par la transformation d'une société préexistante ou l'apport en société d'une activité libérale individuelle. 

En pratique, le gouvernement a été habilité pour publier un décret d'application dans le cadre de la création des SEL de nombreuses professions, telles que les avocats, les commissaires aux comptes, les médecins, les professions paramédicales etc. Pour cette raison, il est possible qu'il existe des particularismes propres à chaque profession, que ce soit dans les conditions de constitution ou le fonctionnement.

De manière générale, ces sociétés sont soumises au droit commun même s'il existe des particularismes. Ainsi, le nombre d'associés minimum dépend de la forme de la société.

De même, elles sont soumises aux règles de droit commun concernant la constitution du capital social. Ainsi, il n'existe pas de minimum requis pour constituer une SEL sauf pour la SELAFA et la SELCA, le minimum étant de 37 000¤.

Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue directement ou parfois indirectement par des professionnels en exercice au sein de la société. Le reste peut être détenu par d'anciens professionnels ou les ayant droits, ou encore par des personnes exerçant une profession de la même famille ou des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL). Par ailleurs, toute personne établie dans l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ou en Suisse peut détenir des parts d'un SEL, à condition qu'il existe une profession réglementée correspondant à la société.

S'agissant des associés, trois hypothèses sont possibles :

  • les associés exerçant au sein de la société ;
  • les associés extérieurs à la société ; 
  • les associés tiers non professionnels ;

Les professionnels exerçant au sein de ce type de société doivent être des personnes physiques, ayant la qualité pour exercer la profession et exerçant effectivement la profession concernée. Le critère de la qualification est notamment rempli lorsque le professionnel est inscrit au tableau de l'ordre de sa profession ou sur la liste professionnelle prévue par la réglementation.

Par ailleurs, ils doivent être associés de la société, que ce soit directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une SPFPL et détenir plus de la moitié du capital social.

S'agissant des associés extérieurs à la société, il est possible que du capital soit détenu par un professionnel libéral ou une société de participation financière des professions libérales (SPFPL).

Les associés tiers non professionnels peuvent détenir au plus un quart du capital social en principe. Les décrets relatifs déterminent la détention possible pour ces associés. De plus, il existe une exception concernant les SEL juridique ou judiciaire où la participation des associés tiers non professionnels est déterminée par les statuts, dans la limite de 50%.

Les dirigeants de ces sociétés doivent être des associés exerçant au sein de ladite société. 

Quant au régime des cessions de titres de SEL, elles bénéficient de règles renforcées. Ainsi, la cession de parts sociales d'une SELARL à des tiers doit faire l'objet d'un agrément de la part des associés exerçant leur activité libérale au sein de la société à hauteur, la majorité devant atteindre les 3/4. De même, la majorité des 2/3 des associés exerçant leur profession au sein de la SELAS est requise.

Le régime fiscal et social des SEL

Dans une mise à jour BOFiP du 15 décembre 2022, l'administration fiscale a revu sa doctrine et fixé un nouveau régime fiscal pour les sociétés d'exercice libéral (SEL). Ce régime était en principe applicable depuis le 1er janvier 2023. Il était prévu que ces rémunérations soient imposées dans la catégorie des BNC.

Toutefois en raison des difficultés d'applications, les SEL qui n'étaient pas en mesure de se conformer à ces règles au 1er janvier 2023 pouvaient continuer à déclarer ces rémunérations dans la catégorie des traitements et salaires ou sous le régime de l'article 62 pour les associés gérants majoritaires, et ce jusqu'au 31 décembre 2023.

Dans une mise à jour du BOFiP en date du 27 décembre 2023, un rescrit vient préciser ce nouveau régime désormais entré en vigueur.Ainsi, à compter de l'imposition des revenus 2024, les rémunérations des associés de SEL sont en principe imposées dans la catégorie des BNC. Ce n'est que si l'existence d'un lien de subordination entre l'associé et la société caractérisant une activité salariale est constaté, que les rémunérations relèvent de la catégorie des traitements et salaires. Si les associés de SEL sont aussi gérant (gérant majoritaire SELARL ou SELCA), les sommes perçues sont imposées dans la catégorie des BNC et non plus celle de l'article 62 du CGI, à condition que ces sommes puissent être distinguées de celles perçues au titre de leur fonction de gérant de société. Les gérants peuvent apporter la preuve par tout moyen de la distinction entre les sommes de l'activité libérale et au titre des fonctions de gérant. En tout état de cause, l'administration considère que 5% des revenus perçus par les gérants relèvent de l'article 62 du CGI.

Par ailleurs, les associés de SEL peuvent relever du régime micro-BNC à la condition qu'ils respectent le seuil de chiffre d'affaires et qu'ils ne soient pas exclus expressément du régime (article 102 ter du CGI). En revanche, ils ne peuvent opter pour le régime de l'assimilation à une EURL (entraînant l'assujettissement à l'IS).

Le rescrit a fait l'objet d'une mise à jour le 24 avril 2024, en précisant encore une fois le régime fiscal applicable aux associés de SEL.

D'une part, des précisions ont été apportées en matière d'impôt sur le revenu : 

  • sur les conditions d'application du régime micro-BNC ;
  • sur la liste des charges déductibles par les associés ;
  • sur les modalités de déduction des cotisations prévues à l'article 154 bis du CGI (les cotisations obligations, facultative, Madelin notamment) ;
  • sur le traitement fiscal des honoraires rétrocédés directement par la SEL aux associés d'une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), au titre de leur activité professionnelle au sein de la SEL ;
  • sur l'option pour l'assimilation à une EURL pour les entreprises individuelles ;
  • sur le traitement fiscal des parts ou actions détenues par les associés d'une SEL.

Concernant le statut de l'entrepreneur individuel et l'assimilation à une EURL, le rescrit du 27 décembre 2023, mis à jour le 24 avril 2024, considérait que les avocats associés de SEL ne pouvaient être regardés comme des entrepreneurs individuels et par extension, ne pouvaient opter pour l'assimilation à une EURL pour être soumis à l'IS.

Cette position de l'Administration est désormais confirmée par le Conseil d'État dans un arrêt en date du 26 avril 2024 (n°491673). En effet, un avocat associé de SEL estimant que cette position doctrinale était erronée, a formé un recours pour excès de pouvoir qui s'est avéré sans succès. La Haute juridiction a considéré que les avocats associés n'agissent pas en leur nom propre, mais exercent leurs fonctions au nom de la société dont ils sont associés, sans détenir à ce titre de patrimoine professionnel propre. Ainsi, ces avocats ne peuvent être regardés comme des entrepreneurs individuels, ce qui fait obstacle à l'option pour l'assimilation à une EURL.

Par conséquent, la doctrine administrative et le Conseil d'État instaurent un consensus sur l'incompatibilité du statut d'avocat associé de SEL avec le régime de l'auto-entrepreneur.

D'autre part, le rescrit apporte des précisions en matière de TVA, en matière de CFE ou encore en matière d'éligibilité des associés aux dispositifs d'épargne salariale. 

Pour consulter en détail les dispositions relatives au régime fiscal, BOI-RES-BNC-000136.

Via un communiqué de presse du 15 mai 2024, l'UNAPL annonce avoir demandé à Bercy la suspension de la mise en application des nouvelles règles d'imposition des SEL.

L'UNAPL demande une évaluation de l'impact de ce changement doctrinal pour permettre les ajustements techniques nécessaires.

Elle souhaite une concertation avec les administrations concernées pour une mise en ½uvre juste des nouvelles règles fiscales.

Dans le cas d'une SELURL, le dirigeant associé unique est imposé dans la catégorie des BNC, sauf option pour l'IS (traitement et salaire).

Concernant les distributions (dividendes, compte courant et les sommes du conjoint ou partenaire), elles sont soumises aux cotisations sociales lorsque les distributions dépassent 10% du capital social, des primes d'émissions et des sommes versées en compte courant.

D'après un arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 2023, l'article L. 131-6, III, du Code de la Sécurité sociale, modifié par les lois de 2012 et 2016, précise que les bénéfices d'une SEL, où travaille un indépendant, sont considérés comme le produit de son activité professionnelle.

Ces bénéfices doivent donc être intégrés dans l'assiette des cotisations de Sécurité sociale dues par ce travailleur, même s'ils sont reversés à la société de participations financières de profession libérale (SPFPL) détenant le capital de la SEL (Cour de cassation, 19 octobre 2023, n°21-20.366).

À la suite notamment d'une alerte de l'UNAPL et dans le cadre des travaux du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, le Gouvernement a déposé le 25 octobre 2023 un amendement (n°3313) afin de réformer les assiettes des cotisations et contributions de Sécurité sociale des travailleurs indépendants, afin de renforcer l'équité de leurs prélèvements sociaux avec les salariés et d'augmenter leurs droits retraite.

La réforme de l'assiette sociale des travailleurs indépendants est désormais inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (articles 18 et 26).

Cette réforme vise à aligner les prélèvements sociaux des travailleurs indépendants sur ceux des salariés, tout en améliorant leurs droits à la retraite.

Concrètement, cette réforme repose sur une assiette unique, simplifiée, calculée à partir du revenu professionnel net, après déduction des frais et charges, et réduite par un abattement forfaitaire. Cette nouvelle assiette élargit la base de calcul des cotisations et contributions sociales.

Pour maintenir l'équilibre financier de la réforme, le Gouvernement ajustera les barèmes de cotisations des indépendants, notamment pour les cotisations de retraite de base et complémentaire, de maladie, et d'invalidité-décès. Ces ajustements seront réalisés par décret, en concertation avec les instances représentatives des professions libérales.

La mise en ½uvre de cette réforme est prévue pour :

  • les indépendants non agricoles à partir du 1er janvier 2025 ;
  • les indépendants agricoles à partir du 1er janvier 2026.

Des mesures réglementaires complémentaires seront publiées pour préciser les modalités d'application, y compris pour les indépendants d'outre-mer.

Parallèlement, des ajustements sont apportés en matière de cotisations des travailleurs indépendants, notamment pour les professionnels libéraux non réglementés et les psychomotriciens, ainsi que pour clarifier les déclarations de revenus des années 2020 à 2022.

Enfin, dans le cadre de la constitution d'une SEL par le biais d'une transformation d'une société préexistante,  cette opération peut entraîner un changement de régime fiscal impliquant les conséquences de la cessation d'entreprise, telle que la fin des plus-values latentes. Toutefois, les bénéfices en sursis et les plus-values latentes ne font pas l'objet d'une imposition immédiate lorsque les valeurs d'inscription des éléments d'actifs ne sont pas modifiées.

Lorsqu'une SEL est constituée par l'apport d'une activité individuelle libérale, cela entraîne une cessation d'activité et les conséquences fiscales afférentes, notamment l'imposition des bénéfices non encore taxées. Toutefois, l'apport d'une entreprise individuelle peut bénéficier de dispositions fiscales tels que l'exonération des plus-values professionnelles (article 151 septies et 238 quindecies du CGI), un report d'imposition (article 151 octies B du CGI).

Les cessions de parts de SEL suivent le régime des plus-values des particuliers (article 150-0 A du CGI) ou le régime des plus-values professionnelles lorsqu'il s'agit d'une SELURL (151 nonies du CGI). Cela implique en principe l'expiration des reports d'imposition, même s'il est possible dans certains dispositifs que le report ne soit pas déchu, par exemple lors de l'apport des titres d'une SEL à une SPFPL.

Quant à la TVA, les SEL sont soumises à la TVA quelque soit l'activité exercée (par exemple les médecins qui sont par principe des activités exonérées de TVA) dès lors qu'elles fournissent une prestation de service à titre onéreux. La franchise en base de TVA peut s'appliquer lorsque le chiffre d'affaires en matière de prestations de services ne dépassent pas un certain seuil.

Dans son rescrit, l'administration fiscale précise que « les SEL, à l'instar des sociétés civiles professionnelles et des sociétés de capitaux ayant pour objet l'exercice en commun de la profession de leurs membres, ont, en tant que telles, la qualité d'assujetti redevable de la TVA, les membres de ces SEL ne sont pas eux-mêmes redevables de la taxe ».

Enfin, les SEL sont par principe soumises à la contribution économique territoriale (CET).

Pour plus de précisions concernant le régime fiscal applicable aux associés de SEL en matière d'impôt sur le revenu, de TVA et de CFE, voir BOI-RES-BNC-000136.

Quant au régime social, le statut d'assimilé salarié s'applique aux dirigeants de SELAFA, de SELAS et aux gérants minoritaires de SELARL.

Inversement, c'est le régime des travailleurs non salariés (TNS) qui s'appliquent pour les gérants majoritaires de SELARL, aux gérants des SELURL et aux SELCA.