La Société Civile Professionnelle (SCP) : création, fonctionnement et régime

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Modifié le 15/12/2023
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Les SCP ont été instituées pour que les personnes physiques puissent exercer une profession libérale réglementée au sein d'une société, même s'il existe désormais plusieurs formes sociales consacrées aux professions libérales.

Les principales caractéristiques de la SCP

Le régime des SCP est prévu par la loi n°66-879 du 29 novembre 1966, complétée par des décrets d'application propres à chaque profession.

L'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées a été instituée pour simplifier les règles juridiques relatives à l'exercice en société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. L'objet est de regrouper dans un seul et même texte les règles de ces professions libérales, qui sont reprises globalement des lois du 29 novembre 1966 et du 31 décembre 1990. L'entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2024. Des décrets viendront préciser les modalités d'application. Les professions déjà en activité devront se conformer aux nouvelles réglementations d'ici le 31 août 2025.

Le recours à ce type de sociétés est réservé aux professions libérales réglementées, c'est-à-dire aux professions soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Il est possible de recourir aux SCP pour une seule profession (société mono professionnelle) ou plusieurs (sociétés interprofessionnelles).

Certaines professions sont exclues des SCP, notamment les pharmaciens ainsi que les courtiers d'assurance, en raison de la nature commerciale de leur activité.

Actuellement, seulement 18 professions peuvent constituer une SCP, en raison de la publication d'un décret d'application. Cela concerne les avocats, les architectes, les médecins, les notaires, les commissaires aux comptes etc.

Constitution et fonctionnement de la SCP

La création d'une société civile professionnelle est subordonnée à certaines conditions. D'abord, les associés doivent être des personnes physiques, membres d'une profession libérale soumis à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Contrairement, aux sociétés d'exercice libérale (SEL), il n'est pas possible que des parts soient détenues par une personne n'exerçant pas au sein de la société.

Les SCP sont soumises au droit commun et jouissent de la personnalité morale comme toute société, et ce à partir de leur immatriculation qui intervient après leur inscription (ordre des médecins par exemple) ou leur agrément (l'agrément pour les sociétés d'office ministériels est délivré par le garde des sceaux, c'est-à-dire le ministre de la justice).

Il n'y a pas de capital social minimum requis pour constituer une telle société. Tout type d'apport est autorisé au sein des SCP, à savoir les apports en numéraire, les apports en nature et les apports en industrie.

Les apports en numéraire peuvent être libérés entièrement ou partiellement à la constitution de la société. Ce sont les décrets d'application propres à chaque profession qui déterminent les modalités de libération de ces apports.

Les apports en nature doivent faire l'objet d'une libération entière lors de la constitution de la société.

Les apports en industrie sont logiquement autorisés puisque les associés de la société exercent leur profession au sein d'une telle structure. Seulement, les apports en industrie ne contribuent pas à la formation du capital social, même si les associés bénéficient des droits au bénéfice et de la participation aux décisions collectives en contrepartie de ces apports.

Un minimum de 2 associés est requis pour créer une telle société et le nombre maximum est en principe illimité. Seulement, certains décrets d'applications limitent le nombre d'associés. En ce sens, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ne peuvent être plus de 4 et les infirmiers ne peuvent être plus de 6.

Étant une société civile, les associés des SCP sont indéfiniment responsables des dettes sociales, c'est-à-dire que la responsabilité ne se limite pas à leurs apports, le patrimoine personnel peut être engagé. Ils sont également solidairement responsables des dettes sociales, les créanciers peuvent donc demander le paiement intégral d'une dette à un seul associé, ce dernier devra ensuite en réclamer le remboursement aux autres.

Par ailleurs, ils sont indéfiniment responsables à l'égard des actes qu'ils accomplissent à l'égard des tiers, tout comme la SCP.

Les associés disposent du droit de vote aux assemblées, au droit à l'information et ils contribuent aux bénéfices et aux pertes de la société.

Le droit de vote s'exerce notamment à l'assemblée générale ordinaire (AGO) à la majorité des voix présentes ou représentées ou encore à l'assemblée générale extraordinaire (AGE) à la majorité renforcée des 3/4 des voix des associés.

Quant aux dirigeants, la SCP est dirigée par un ou plusieurs gérants, désignés parmi les associés, dans les statuts ou à défaut par acte séparé. Si aucun des associés n'a été désigné comme gérant, ils sont tous considérés comme les gérants de la société.

Les pouvoirs des dirigeants sont déterminés par les statuts, à défaut ils sont relatifs aux actes de gestion nécessaires à l'intérêt social. Ils peuvent engager leur responsabilité tant civile que pénale, ainsi que sociale et fiscale.

Depuis la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative aux SEL, il est possible de transformer les SCP notamment en SEL et inversement. La transformation implique notamment des conséquences fiscales (voir Régime fiscal).

Outre la transformation, l'apport d'une entreprise individuelle libérale ou encore l'option sur l'IS auront des conséquences fiscales.

Régime fiscal 

La SCP étant une société civile, elle est soumise au régime des sociétés de personnes, à savoir l'impôt sur le revenu (IR), dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Chaque associé sera imposé à hauteur de leur quote part de leur droit dans la société.

Les SCP sont exclus du bénéfice du régime micro-BNC, elles sont obligatoirement soumises au régime réel, à savoir la déclaration contrôlée. 

Suivant le régime des sociétés de personnes (article 8 ter du CGI), les parts du professionnel libéral exerçant son activité au sein de la SCP à l'IR sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession.

Ainsi, l'associé peut déduire de sa quote part de résultat certains frais tels que les frais d'acte et d'enregistrement relatif à l'acquisition de ces parts, ainsi que les intérêts d'emprunt ou encore les frais d'acquisition de biens affectés apportés à l'activité. Plus largement, il peut déduire ses frais professionnels à condition que ces frais soient déductibles dans le cadre d'une entreprise, qu'ils n'aient pas déjà été pris en compte lors de la détermination du bénéfice social et que ces frais l'intéressent personnellement.

Cependant, les rémunérations des dirigeants ne sont pas déductibles dans le cadre du régime de société de personnes (SCP à l'IR).

Par ailleurs, il est possible qu'une SCP soit soumise à l'IS, soit de plein droit soit sur option. Ainsi, dans ce cas, c'est le régime de l'opacité fiscale qui s'applique, à savoir une double imposition, principalement au niveau de la société et le cas échéant au niveau de l'associé, notamment dans le cas de distributions (dividendes). Les résultats seront imposés au taux réduit de 15% plafonné ou le taux de droit commun de 25%.

Concernant la distribution de dividendes, selon un arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2023, lorsqu'un professionnel se désengage d'une SCP où il était associé, il perd le droit de percevoir des dividendes si leur distribution est décidée après qu'il a cessé d'être associé de la société. Cette décision peut également s'appliquer aux autres formes de société (Cour de cassation, 18 octobre 2023, n°21-24010).

La SCP qui exerce une activité commerciale est soumise de plein droit à l'IS lorsqu'elle réalise des opérations commerciales représentant plus de 10% de leurs recettes hors taxe.

Le régime de l'IS peut être aussi le résultat d'une option exercée par la SCP. L'option s'exerce dans les conditions du droit commun, à savoir que l'option doit être notifiée au service des impôts. L'article 239, 1 du CGI prévoit que les SCP exerçant l'option pour l'IS ont le choix du point de départ du premier exercice soumis à l'IS. Cette option doit être exercée avant la fin du troisième mois suivant ce point de départ, et elle est irrévocable. 

La société pourra déduire un certain nombre de frais déductibles, ainsi que les rémunérations des dirigeants dans le cadre d'une SCP à l'IS (contrairement au régime de la société de personnes). 

Cette option entraîne les conséquences d'une cessation d'activité, ainsi que des conséquences fiscales. Ces conséquences interviennent aussi dans le cadre de l'apport d'une entreprise libérale individuelle.

En principe, ces opérations entraînent l'imposition immédiate des bénéfices non taxés, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes. Cependant, plusieurs dispositifs peuvent être mis en ½uvre pour atténuer ces conséquences fiscales, notamment des exonérations des plus-values (article 151 septies du CGI) ou encore un système de report d'imposition (article 151 octies du CGI) etc.

S'agissant des cessions de parts de SCP, elles sont soumises au régime des plus-values professionnelles lorsque la SCP relève du régime des sociétés de personnes, étant donné que les parts sont considérées comme des éléments d'actifs. Ces cessions peuvent bénéficier de dispositifs fiscaux et faire l'objet de report ainsi que d'exonérations.

Enfin, lorsque la SCP est soumise à l'IS, les cessions de parts suivent le régime des plus-values des particuliers, et peuvent aussi bénéficier de dispositifs fiscaux tels que le report ou l'exonération totale ou partielle.

Quant à la TVA, les SCP sont soumises à la TVA quelque soit l'activité exercée (par exemple les médecins qui sont par principe des activités exonérées de TVA) dès lors qu'elles fournissent une prestation de service à titre onéreux. La franchise en base de TVA peut s'appliquer lorsque le chiffre d'affaires en matière de prestations de services ne dépassent pas un certain seuil.

Enfin, les SCP sont en principe soumises à la contribution économique territoriale (CET).

Régime social

Le régime du gérant d'une SCP est celui des travailleurs non-salariés (TNS). Ils cotisent auprès de l'URSSAF et aux caisses de retraites spécifiques, mais pas au chômage.

Les cotisations sociales du gérant dépendent du régime fiscal de la société. Dans le cadre d'une SCP à l'IR, les cotisations sont calculées sur la quote part de bénéfices, dans laquelle sa rémunération est réintégrée.

Dans le cadre de la SCP à l'IS, les charges sociales sont calculées selon le mode de rémunération, à savoir un salaire ou des dividendes. Les dividendes sont en principe exonérées de cotisations, sauf lorsque les distributions dépassent 10% du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant d'associés.