Retour sur la défense des confrères lors d'un débat organisé par la CRCC de Paris

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Cinq ans après la mise en place d'une nouvelle organisation de la discipline des commissaires aux comptes, la défense des confrères n'a pas évolué. Lors d'un débat organisé par la CRCC de Paris, le 14 décembre 2021, des pistes pour améliorer cette procédure ont été abordées.

Cette seconde table ronde de la soirée intitulée  « L'organisation de la défense des confrères : une évolution est-elle nécessaire ? », fût l'occasion de faire un état des lieux du rôle de l'institution dans la défense des confrères, de revenir également sur les failles de cette procédure et de proposer des axes d'améliorations. Plusieurs intervenants ont débattu : Florence Peybernes, présidente du H3C, Vincent Reynier, président de la CRCC de Paris, Emmanuel Laverrière, avocat au cabinet Racine, Gilles Dauriac, président du Comité des assurances au CSOEC et Sophie Abiven, directrice RC professions réglementées chez Verspieren. Cet article propose une synthèse de ces échanges.

La défense des confrères devrait-elle être externalisée ? 

Lorsque la responsabilité professionnelle (disciplinaire, civile, pénale ou administrative) d'un commissaire aux comptes risque d'être mise en cause ou est effectivement recherchée, il a la possibilité d'être assisté (via l'appel à un numéro vert) par la CRCC de Paris et son réseau de référents. Ce service a été initié et mis en place il y a plus de 30 ans par la CRCC de Paris et est à disposition de tous les professionnels. Ce dispositif d'assistance a été dédoublé par la CNCC en 2017 qui a souhaité mettre en place son propre dispositif centralisé en lien direct avec le Comité de gestion des risques professionnels.

L'Institution conseille donc le confrère pour l'aider à organiser sa défense mais elle a paradoxalement l'obligation de signaler au régulateur (le H3C) les manquements ou les comportements susceptibles d'entraîner des sanctions disciplinaires.

Ainsi alors que la réforme européenne de l'audit a, dans les faits, dépouillé l'institution au profit du régulateur du pouvoir d'instruction en la cantonnant à un rôle de lanceur d'alerte, la défense est toujours organisée par la même institution, créant des situations parfois très ambiguës.

Vincent Reynier rappelle dans un premier temps qu'« une profession libérale doit porter assistance à ses membres, cela fait partie de l'image de la profession ». Toutefois, le président de la CRCC de Paris ajoute que  « la défense des confrères doit évoluer.  On arrive à un carrefour. L'Institution ne devrait plus jouer ce rôle, car elle se retrouve à la fois un peu juge et partie, ce qui n'est pas une situation idéale ».

Une défense mutualisée source de déséquilibre ?

Pour Florence Peybernes, « pour qu'un juge rende une bonne décision, le procès doit être équilibré. Chacun doit prendre toute sa parole ». La présidente du H3C considère justement que la procédure de défense des confrères est actuellement déséquilibrée. Ce déséquilibre est particulièrement manifeste dans les situations où les responsabilités respectives de plusieurs commissaires aux comptes sont mises en cause (notamment suite à un co-commissariat par exemple). Il est alors très difficile d'établir les différentes responsabilités car les professionnels ne peuvent pas défendre leurs propres points de vue. Ils n'osent pas nécessairement dire qu'ils se retrouvent dans cette situation peut être à cause des agissements de certains de leurs confrères.

« Cela signifie que devant la formation restreinte du H3C, on ne s'autorise pas à dire la vérité. Les mises en cause ne peuvent pas jouer leur partition et se défendre loyalement avec leurs avocats, qu'ils ont choisis ».

Les commissaires aux comptes devraient pouvoir se défendre sans être contraint de « couvrir » leurs confrères.

Pour Florence Peybernes, il est heurtant que cette mutualisation prive les membres de la profession d'un principe fondamental du procès, celui de pouvoir bénéficier d'une défense individualisée.

Les intérêts de la profession sont-ils suffisamment défendus ?

Pour la présidente du H3C, il est anormal que la procédure de défense des confrères conduise la profession à défendre des commissaires aux comptes qui auraient commis de graves manquements au détriment des intérêts de la profession. 

Pour illustrer ses propos, elle fait un parallèle avec la procédure de défense des avocats par le Bâtonnier. Dans l'hypothèse ou un avocat est poursuivi par le ministère public pour des manquements disciplinaires, il est convoqué ainsi que son avocat personnel mais le Bâtonnier est également présent. Son rôle est de défendre la profession d'avocat. Cela ne signifie pas forcément être d'accord avec la défense de son confrère notamment si sa ligne de défense nuit à l'intérêt de la profession. Dans cette hypothèse, il s'en écarte même.

Sur l'intervention des présidents des Compagnies régionales devant le H3C 

La présidente du H3C considère que la profession doit donner, par la voix des présidents des Compagnies régionales, son avis sur les manquements reprochés aux commissaires aux comptes. La réforme permet désormais aux présidents des Compagnies régionales de s'exprimer devant la formation restreinte du H3C sur invitation de cette dernière. Madame Peybernes constate qu'ils ne viennent pas et elle le regrette.

Pour sa part, Vincent Reynier doute de la pertinence de cette démarche, car le président de la Compagnie régionale ne connaît pas le dossier de l'intérieur et il peut être complexe. Il estime qu'il est difficile de donner un avis éclairé dans ces circonstances.

La présidente du H3C ne voit aucune difficulté à ce que le rapport final ou la signification des griefs soient communiqués. Elle considère que ces documents devraient suffire à éclairer le président de la Compagnie régionale sur les faits reprochés au commissaire aux comptes.

En conclusion, Florence Peybernes insiste sur l'importance, pour la défense des intérêts de la profession, de la présence des présidents des Compagnies régionales devant la formation restreinte du H3C afin qu'ils donnent leurs avis.



Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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