Un expert-comptable entrepreneur au service d'autres entrepreneurs : le portrait de Rabbah Mohamed

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Rabbah est né aux Comores en 1992. Il atterrit sur la planète Marseille à l'âge de 17 ans. Attiré dès son plus jeune âge par le monde des affaires, il s'oriente sans but précis vers la fac d'économie-gestion de Marseille après l'obtention d'un Bac S. Il obtient le DEC en 2023 et crée son cabinet, Orizona, en partant de rien.

Passionné de photos et de vidéos, Rabbah a mis cette expérience à profit pour développer son activité d'expertise comptable grâce aux réseaux sociaux.

Il revient sur son parcours atypique et sur sa jeune expérience d'expert-comptable « connecté ». Quelles opportunités offrent les réseaux sociaux mais quels sont aussi les pièges à éviter ?

Pourquoi et comment êtes-vous devenu expert-comptable ?

À la faculté, je savais déjà que je souhaitais évoluer plus tard dans le monde des affaires mais sans avoir un objectif de carrière précis.

Un jour, mon université a organisé des rencontres avec des professionnels afin d'échanger sur leur métier. Parmi eux, des entrepreneurs, des banquiers, des DRH et des experts-comptables. Ils présentaient pendant 15 à 30 minutes leurs activités quotidiennes. L'intervention de Valérie Lépée, expert-comptable exerçant dans la région marseillaise, m'a particulièrement marquée et notamment une phrase qu'elle a prononcé : « nous sommes des entrepreneurs au service d'entrepreneurs ».

J'ai donc pensé que cette voie pouvait me correspondre et peu importe le nombre d'années d'études, je voulais aller au bout du cursus pour avoir la liberté ensuite de choisir de créer mon cabinet, d'enseigner ou de m'associer.

J'ai ensuite entamé un master CCA. J'ai eu du mal à valider l'UE1 et l'UE4, j'ai dû passer mon DSCG 3 fois pour le valider entièrement. J'ai passé le DEC en mai 2023, je l'ai obtenu du premier coup.

D'ailleurs, j'en profite pour conseiller aux lycéens qui sont sûr et certain de vouloir devenir expert-comptable de s'orienter directement vers un BTS Comptabilité Gestion ou un DCG. Et ceux qui ne savent pas trop d'aller en faculté d'économie et gestion pour avoir le choix.

Dans mon dernier cabinet j'avais l'opportunité de m'associer mais j'ai fait le choix d'exercer immédiatement à mon compte.

Avec du recul, je ferais peut-être différemment. Il peut être plus intéressant de s'associer dans un premier temps pour se constituer une clientèle.

Je suis parti de zéro, sans clientèle, à l'aventure.

Vous êtes très présent sur les réseaux sociaux, qu'est ce que cela vous apporte dans le développement de votre activité ?

Depuis mon enfance, je suis passionné par la photographie et la vidéo.

Pendant mes deux premières années de stage d'expertise comptable, j'ai été photographe de mariage, plus par passion que par nécessité, car j'avais déjà des revenus.

C'est ma petite s½ur, très présente sur les réseaux sociaux, qui m'a incité à monétiser cette activité de photographe en créant un profil sur Instagram.

En parallèle de mon travail en cabinet, j'exerçais donc l'activité de photographe sous le statut d'auto-entrepreneur.

Après ma 2ème année de stage j'ai fermé ma micro entreprise pour me concentrer sur le DEC et aussi car cette forme sociale n'est pas compatible avec l'exercice d'activités libérales réglementées comme l'expertise comptable.

Une fois diplômé, je cherchais un lien entre ma passion et ma nouvelle casquette d'EC. J'ai donc décidé de réaliser des vidéos pour parler de comptabilité.

J'ai toujours été convaincu que les RS étaient puissants. Tout le monde est connecté.

Dès l'obtention du DEC et pendant les 3 mois de préavis, j'ai commencé à partager du contenu en comptabilité. J'ai attendu d'être diplômé car je ne me sentais pas légitime avant pour le faire.

Ainsi, j'ai pu avoir mes premiers contacts avec des prospects. Ils sont devenus des clients après mon inscription à l'Ordre et la création de mon cabinet.

Le gros avantage des réseaux sociaux est qu'il n'y a pas de frontières. Par exemple, ma première cliente, qui m'a contacté grâce aux réseaux, fut une avocate stéphanoise.

Entre 50 et 60% de ma clientèle actuelle m'a connu via les réseaux sociaux. Ça fonctionne, on peut se créer une clientèle en communiquant sur les réseaux sociaux.

J'ai actuellement comme projet de développer une activité annexe pour aider des cabinets ou des jeunes diplômés à développer leurs activités sur les réseaux sociaux. Je me considère comme un entrepreneur avant un expert-comptable, c'est une idée de business.

Toutes les vidéos présentes sur mes profils sont filmées et montées par moi-même. Je commence actuellement à chercher des prestataires pour me décharger de la partie cadrage et montage.

De part mon expérience, je conseille fortement aux jeunes experts-comptables d'exploiter les réseaux sociaux à fond.

Quels sont les retours de vos confrères à ce sujet ?

Environ 97% des retours sont positifs. Selon certains confrères, je fais du conseil gratuit. Je ne sais pas si c'était vraiment une critique. Je l'ai compris dans le sens qu'il était idiot de donner des conseils gratuitement alors que je pourrais les facturer.

Ma stratégie n'est pas celle-ci, pour moi, plus on donne plus on reçoit. Pour qu'un chef d'entreprise me fasse confiance, il doit voir ce que je suis capable de lui proposer techniquement parlant. Si ensuite, le prospect me contacte, cette première étape est validée et on peut directement échanger pour évaluer si nos méthodes de travail sont compatibles, si au niveau tarification nous sommes en phase, etc.

Je souhaite préciser que la communication sur les réseaux ne remplacera jamais la mission de conseil facturée au client en cabinet. Les réseaux permettent d'informer les prospects sur une notion comptable, juridique ou une actualité mais les chefs d'entreprise savent pertinemment qu'un conseil général ou une stratégie ne s'applique pas aux cas particuliers et nous savons par expérience que chaque situation est particulière.

Selon moi, communiquer sur les réseaux est bénéfique à l'image de la profession. Notre mission n'est pas uniquement de faire de la comptabilité mais aussi et surtout d'accompagner les chefs d'entreprise dans différentes problématiques. Les réseaux sociaux sont très utiles pour communiquer sur ces facettes encore méconnues du métier d'expert-comptable.

Quels sont les pièges à éviter ?

D'un point de vue déontologique, nous sommes autorisés à communiquer mais dans une certaine limite. Il ne faut pas entacher l'image de la profession ou dénigrer un confrère ou une cons½ur.

On peut communiquer sur son activité mais on ne peut pas faire par exemple de placement de produit.  Il faut rester vigilant et faire attention à ne pas se transformer en influenceur.

J'ai été contacté par des partenaires de la profession pour faire la promotion de leurs outils. Je n'ai pas donné suite.

Personnellement j'utilise Pennylane, je les cite parfois dans certains de mes posts mais il n'y a pas de partenariat commercial. Je donne seulement mon retour d'expérience sur cet outil pour aider ou renseigner éventuellement des confrères ou cons½urs.

Selon moi, c'est une limite à ne pas franchir. Un expert-comptable ou un commissaire aux comptes doit rester indépendant, c'est très important, cela fait partie de notre colonne vertébrale.

Enfin, quels conseils donneriez-vous à un jeune diplômé qui souhaite développer son cabinet ?

Je lui conseillerais dans un premier temps de trouver son client cible, d'identifier ses besoins et de communiquer à travers des posts/vidéos pour y répondre.

Ensuite, il pourrait créer un rendez-vous avec son audience et s'y tenir. Par exemple poster tous les mardis et jeudis ou décider qu'une vidéo sera consacrée à la levée de fonds tous les lundis. Cela permet de fidéliser l'audience.

Enfin, de mettre en place dès le départ un process pour gérer le flux entrant. Quand on commence à avoir de la visibilité, on est sollicité régulièrement. Cela permet de ne pas se laisser déborder et ne pas accepter des personnes qui ne seraient pas dans notre cible.



Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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