La procédure de redressement judiciaire des entreprises

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Modifié le 17/07/2024
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Le redressement judiciaire est une procédure collective, comme la sauvegarde ou la liquidation judiciaire. Cette procédure vise à redresser la situation de l'entreprise afin d'assurer sa pérennité.

Focus DSCG

Dans le cadre de l'UE1 du DSCG, les questions peuvent concerner, selon les sessions, l'ouverture de la procédure (avec les sanctions pour le dirigeant), le rôle et les pouvoirs de l'administration judiciaire, les conséquences de la procédure sur les salariés ou encore les nullités de la période suspecte. C'est le cas dans les sujets des sessions 2017 et 2019 par exemple.

Quel est le but d'un redressement judiciaire ?

Le but du redressement judiciaire est d'aider l'entreprise à sortir de ses difficultés. Elle trouve alors de l'aide auprès du tribunal compétent quant à son activité qui prononce un jugement d'ouverture. Les créanciers doivent alors faire une déclaration de créances pour permettre leur paiement ultérieur de manière échelonnée.

Les entreprises concernées

Les entreprises en redressement judiciaire sont celles en état de cessation des paiements. Cette procédure peut s'appliquer aux micro-entreprises, aux sociétés, aux exploitants individuels exerçant une activité artisanale, libérale ou commerciale ainsi qu'aux agriculteurs en cas d'échec de la procédure de conciliation qui leur est spécifiquement applicable.

Les conditions d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

En matière de redressement judiciaire, le respect du délai qui commence à courir dès l'état de cessation des paiements est très important. Le débiteur doit respecter ce délai de 45 jours (sauf si une procédure de conciliation a déjà été ouverte) pour formuler sa demande de placement en redressement judiciaire. En l'absence de respect de ce délai, il est passible d'une interdiction de gérer et d'une obligation de comblement du passif pour faute de gestion.

La procédure peut également être ouverte à la suite de l'assignation d'un créancier ou sur requête du ministère public.

A noter, qu'en présence d'une procédure de conciliation ouverte, la procédure de redressement judiciaire ne peut être demandée.

Dans tous les cas, le tribunal compétent, celui qui va nommer un mandataire judiciaire ou un administrateur judiciaire dès le jugement d'ouverture est le tribunal de commerce pour les activités commerciales et artisanales. Dans les autres cas, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire.

Un arrêté du 5 juillet 2024 (NOR : JUSB2418778A) désigne 12 tribunaux de commerce qui deviendront les tribunaux des activités économiques (TAE) dès le 1er janvier 2025.

Cette expérimentation de 4 ans s'inscrit dans la loi de programmation 2023-2027 du ministère de la Justice. Les conditions d'application sont précisées par le décret n°2024-674 du 3 juillet 2024.

Les TAE auront compétence pour gérer les procédures amiables, collectives, et les contestations relatives aux baux commerciaux liés aux procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les parties seront dispensées de l'obligation d'avoir un avocat pour les demandes inférieures à 10 000¤.

Les dispositions relatives aux compétences des TAE en matière de procédure amiable et collective ne concernent pas les débiteurs exerçant une profession du droit réglementée.

La formulation de la demande

La requête est adressée au tribunal compétent au moyen d'un formulaire dédié et sera accompagnée des pièces justificatives suivantes :

  • numéro d'identification de l'entreprise (SIREN, KBIS) ;
  • état du passif exigible et de l'actif disponible ;
  • état actif et passif des sûretés ;
  • état des engagements hors bilan ;
  • effectif et chiffre d'affaires du dernier exercice ;
  • inventaire des biens patrimoniaux professionnels (pour l'exploitant individuel) ;
  • comptes annuels du dernier exercice comptable ;
  • état de trésorerie de moins d'1 mois ;
  • attestation sur l'honneur mentionnant que dans les 18 mois précédant la demande aucune procédure de conciliation n'a été ouverte et qu'aucun mandataire ad hoc n'a été nommé.

Le déroulement de la procédure de redressement judiciaire

L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire entraîne la suspension des poursuites des créanciers (y compris les majorations et intérêts) et commence par la période d'observation.

Une période d'observation

La période d'observation est mentionnée au premier alinéa de l'article L. 621-3 du Code de commerce.

Au cours de cette période, un ou plusieurs administrateurs judiciaires peuvent être désignés pour assister le débiteur dans les actes de gestion et d'administration de l'entreprise. Ils peuvent aussi avoir une mission de représentation.

Cette désignation est obligatoire dès lors que certains seuils sont dépassés : 20 salariés et plus et un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 3 millions d'¤.

Cette période d'observation est fixée pour un maximum de 6 mois renouvelable dans la limite de 18 mois maximum.

Au cours de la période d'observation, l'entreprise continue de réaliser les actes de disposition et d'administration.

Cette période se termine soit par :

  • la mise en place d'un plan de redressement limité à 10 ans ;
  • la cession totale ou partielle de l'entreprise ;
  • l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
  • la clôture de la procédure si l'entreprise n'est plus en état de cessation des paiements.

Pour permettre au juge de se prononcer à l'issue de la période d'observation, l'administrateur judiciaire, le débiteur et éventuellement un ou plusieurs experts vont dresser le bilan économique et social de l'entreprise. Son but est de faire le point sur l'origine, l'importance et la nature des difficultés rencontrées avant de devenir la base du projet de plan de redressement judiciaire.

Le plan de redressement

L'administrateur prépare ensuite, avec le concours du débiteur, le projet de plan de redressement qui sera proposé au comité des créanciers. Les créanciers peuvent faire de même pour aider l'entreprise et obtenir le paiement de leurs créances.

Ce plan de redressement, arrêté par le tribunal lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, doit permettre la poursuite de l'activité, la sauvegarde des emplois et le paiement du passif. C'est alors un plan de continuation qui permet souvent au dirigeant de rester dans son entreprise.

Parfois, le plan de continuation n'est arrêté que sous condition d'un changement de dirigeant, de modification de la composition du capital social (on parle alors de reprise interne à ne pas confondre avec un plan de cession), la mise en place de licenciements nécessaires pour assurer la survie de l'entreprise ou encore l'arrêt de certaines activités.

La déclaration de créance

Les créanciers de l'entreprise en difficulté qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire disposent d'un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC pour déclarer leur créance et ne pas être déclarés forclos.

Ce délai de 2 mois concerne les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, mais aussi certaines créances nées après sous conditions et les créances alimentaires. Seules les créances de salaire ne seront pas concernées. Elles sont prises en charge par l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS).

Pour information, le taux de cotisation AGS est relevé à 0,25% au 1er juillet 2024. Le conseil d'administration de l'AGS, qui s'est tenu le 18 juin 2024, a pris cette décision en raison de l'augmentation des défaillances d'entreprises.

Les créances déclarées seront ensuite vérifiées par le juge-commissaire qui décide de leur admission ou de leur rejet.

Existence d'un privilège de redressement en cas d'apport de trésorerie

L'ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 et son décret d'application (décret n°2021-1218, 23 septembre 2021) apportent quelques modifications aux règles relatives à la procédure de redressement judiciaire. Le texte prévoit un privilège de redressement au bénéfice des personnes qui effectuent un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d'observation. Le but est d'assurer la poursuite de l'activité et la pérennité.

Ainsi après les salaires qui restent prioritaires, l'article L622-17 indique que « les créances résultant d'un nouvel apport de trésorerie consenti en vue d'assurer la poursuite de l'activité pour la durée de la procédure » seront honorées en seconde position.

Quelle différence entre redressement et liquidation judiciaire ?

Le redressement judiciaire est une procédure qui doit permettre la poursuite de l'activité. Elle peut s'étendre sur plusieurs années, dans la limite de 10 ans en prévoyant, notamment, un échelonnement des dettes. À l'inverse, la liquidation judiciaire doit permettre de céder les biens de l'entreprise pour payer les créanciers. La procédure de liquidation est mise en ½uvre lorsqu'il n'est pas possible d'assurer la continuité de l'activité de l'entreprise.