Loi Immigration 2024 : régularisation des travailleurs et sanctions renforcées

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Modifié le 25/07/2024
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La loi n°2024-42 du 26 janvier 2024, dite « Loi Immigration », dont de nombreuses mesures ont été censurées par le Conseil constitutionnel (32 articles sur 86 au total traitant notamment de l'accès aux prestations sociales, de l'accueil des étudiants ou encore du regroupement familial), est entrée en vigueur le 28 janvier 2024.

Sur le plan social, les principales dispositions non censurées prévoient notamment : de nouvelles obligations en matière d'intégration, de faciliter les conditions de régularisation des travailleurs sans papiers dans certains métiers et zones géographiques, des modifications dans la réglementation des titres de séjour et un durcissement des sanctions à l'encontre du travail illégal.

Indépendamment de la loi « Immigration », des dispositions réglementaires modifient, à compter du 1er avril 2024, certaines règles relatives à la carte d'identification professionnelle des salariés du BTP remise à chaque salarié (étranger ou non) effectuant de tels travaux pour le compte d'une entreprise établie en France, ou hors de France en cas de détachement (D. n°2024-112, 15 févr. 2024). Plus précisément, ces modifications concernent surtout les salariés détachés sur le territoire national, dont la durée de validité de la carte d'identification est portée à 5 ans (au lieu de n'être valable que pour la durée du détachement). En revanche, celle-ci est désactivée entre deux périodes de détachement. Le but est d'améliorer la gestion des salariés détachés et de renforcer les contrôles.

Nouvelles obligations en vue d'améliorer l'intégration des travailleurs étrangers

Ces obligations s'imposent :

  • d'abord, aux étrangers qui, pour toute demande de carte de séjour, doivent signer un « contrat d'engagement au respect des principes de la République » par lequel ils s'engagent à se conformer à ces principes (dont la liberté personnelle, la liberté d'expression, l'égalité femmes-hommes, etc.). Aucun titre de séjour ne peut être accordé sans signature de ce contrat et tout manquement peut en justifier le non-renouvellement, voire le retrait ;
  • ensuite, aux employeurs qui, dans le cadre de leur obligation d'adaptation des salariés à leur poste de travail, pourront proposer aux salariés dont la langue maternelle est une langue étrangère, des formations permettant d'atteindre un certain niveau de connaissance du français.

De plus, côté employeur, celui-ci ne peut déjà délivrer d'autorisation de travail s'il a été condamné au titre de diverses infractions (notamment, travail illégal et manquement aux règles de santé et de sécurité au travail). Or, cette liste a été complétée par décret en vigueur sur ce point à compter du 1er septembre 2024 (Code du travail., article R. 5221-20 modifié par décret n°2024-814, 9 juill. 2024).

Régularisation exceptionnelle des travailleurs étrangers dans les métiers ou zones en tension

Les conditions de régularisation des travailleurs sans titre de séjour (et donc en situation irrégulière) exerçant une activité professionnelle salariée dans des métiers et des zones géographiques dits « en tension », car caractérisés par des difficultés de recrutement, sont temporairement simplifiées jusqu'au 31 décembre 2026.

Les métiers et zones en question, dont la liste sera désormais actualisée au moins une fois par an, ont été fixés en dernier lieu par un arrêté du 1er mars 2024 (JO du 2 mars 2024), venant modifier l'annexe de l'arrêté du 1er avril 2021 (JO du 2 avril 2024). Les métiers (ex : chefs cuisiniers, géomètres, infirmiers, régleurs, techniciens BTP et métaux, etc.) sont définis région par région (Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Grand Est, Occitanie, etc.)

Travaillant dans les métiers et zones définis, les salariés étrangers en situation irrégulière concernés se verront alors remettre à titre exceptionnel une carte de séjour temporaire « travailleur temporaire » ou « salarié » d'une durée d'un an, si :

  • ils ont travaillé au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois ; 
  • ils résident de façon ininterrompue depuis 3 ans en France.

Malgré tout, le travailleur étranger ne peut se voir délivrer de carte de séjour s'il a fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou déchéance publiée au bulletin n°2 du casier judiciaire.

Il existe déjà une procédure de régularisation de salariés étrangers en situation irrégulière mais dont les conditions sont plus restrictives. Notamment, l'étranger doit travailler en France depuis au moins 5 ans et celle-ci suppose une démarche de l'employeur. Toujours applicable, cette procédure ne devrait plus concerner que les travailleurs étrangers intervenant hors métiers et zones en tension.

En outre, même si les conditions sont remplies, le préfet dispose encore d'un pouvoir d'appréciation avant d'accorder le titre de séjour. Il prend en compte divers éléments concernant, notamment, la réalité des activités professionnelles de l'étranger et son niveau d'intégration au travail. Les modalités d'instruction des demandes de titres de séjour effectuées dans ce cadre ont fait l'objet d'une instruction ministérielle (Instr. n°IOMV2402701, 5 févr. 2024).

Enfin, la délivrance de la carte de séjour temporaire entraîne l'obtention de l'autorisation de travail, matérialisée par un document sécurisé.

Modifications dans la réglementation des titres de séjour

Tout d'abord, le régime juridique de plusieurs variantes du passeport « talent » est unifié sous une seule dénomination : la carte de séjour portant la mention « talent - salarié qualifié », carte pluriannuelle d'une durée maximale de 4 ans. 

Ensuite, dans le même temps, est instaurée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle : la carte « talent - profession médicale et de la pharmacie » au profit des travailleurs étrangers exerçant les professions de médecin, dentiste, sage-femme ou pharmacien, valable pour une durée maximale de 4 ans.

Enfin, la loi rend plus contraignantes les conditions de renouvellement des cartes de séjour. Premièrement, lors de la demande de renouvellement de certaines cartes de séjour pluriannuelles (comme la carte de séjour pluriannuelle mention « salarié », par exemple), le travailleur étranger doit, non seulement remplir les conditions requises pour sa délivrance, mais aussi désormais apporter la preuve de sa résidence habituelle en France, c'est-à-dire prouver y avoir :

  • transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux et ;
  • séjourné pendant au moins 6 mois au cours de l'année civile, selon les cas, soit durant les 3 dernières années précédant le dépôt de la demande, soit pendant la durée totale de validité du titre.

Deuxièmement, à l'exception de certains titres de séjour temporaires (à savoir, ceux dispensés de la signature d'un contrat d'intégration républicaine, V. CESEDA, art. L. 413-5), le nombre de renouvellements d'une carte de séjour temporaire (comme la carte temporaire « salarié, par exemple) portant une mention identique est désormais limité à 3 (alors qu'aucune limite n'existait jusqu'à présent).

Renforcement des sanctions à l'égard des employeurs de travailleurs en situation irrégulière

En remplacement de la contribution spéciale due à l'OFII, l'emploi d'un salarié en situation irrégulière est désormais sanctionné par une amende administrative, prononcée par le ministre de l'Immigration sur rapports des agents de l'inspection du travail.

Les cas devant entraîner l'application de l'amende administrative ont été précisés par décret (Code du travail, article R. 8253-1 modifié par décret n°2024-814, 9 juill. 2024). Cela va de l'embauche d'un travailleur étranger sans titre de travail au recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler en passant par l'embauche d'un tel travailleur dans une profession ou une zone géographique autre que celle mentionnée sur le titre de travail. L'employeur est en outre tenu informé par le ministre de l'Immigration du prononcé d'une possible sanction administrative et qu'il peut présenter ses observations dans les 15 jours.

Son montant est fixé à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit, 20 750¤ en 2024), ou 15 000 fois ce taux en cas de réitération (sanction déjà prononcée dans les 5 ans précédant la nouvelle). Elle s'applique en outre autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. Toutefois, ce montant peut être réduit à 2 000 fois ce même taux horaire (soit, 8 300¤ en 2024) lorsque l'employeur s'est acquitté spontanément de diverses sommes dues au travailleur étranger, listées à l'article L. 8252-2 du Code du travail (soit, essentiellement, les salaires, indemnités de rupture et frais d'envoi des rémunérations impayées).

L'ancienne contribution spéciale, de montant équivalent, prévoyait des possibilités de minoration de la sanction qui n'ont pas été reprises dans le cadre de la nouvelle sanction administrative.

L'employeur condamné au paiement de l'amende administrative peut également être condamné, en cas de poursuites judiciaires, au paiement d'une amende pénale, dont le champ d'application a été étendu et le montant doublé par la loi « Immigration ». En effet, son montant passe, par étranger concerné, de 15 000 à 30 000¤ pour un employeur personne physique (et 5 fois ce dernier montant pour un employeur personne morale).

Malgré tout, à l'encontre d'un même auteur et pour les mêmes faits, le montant global des deux amendes cumulées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.