Inconstitutionnalité des modalités de calcul de la CVAE dans les groupes intégrés

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Le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les modalités de calcul de la CVAE dans les groupes fiscalement intégrés, le taux effectif d'imposition à la CVAE des sociétés membres d'un tel groupe étant jusqu'alors déterminé sur la base d'un chiffre d'affaires consolidé et non individuel, comme tel est le cas pour la généralité des entreprises.

Le 1er mars 2017, le Conseil d'Etat a posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, au motif que, notamment, les dispositions de l'article 1586 quater, I bis du CGI méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi énoncé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où ces dispositions prévoient des modalités différentes de calcul de la cotisation de CVAE, selon que les sociétés sont membres d'un groupe fiscal intégré ou non (CE QPC 1er mars 2017, n°406024).

Pour mémoire, la CVAE est en principe égale à 1,5% du montant de la valeur ajoutée produite au cours de l'année d'imposition ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année en cas d'exercice ne coïncidant pas avec l'année civile.

Toutefois, les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas 50m¤ bénéficient d'un dégrèvement dont le montant évolue en fonction de leur chiffre d'affaires. Ce dégrèvement a pour effet de diminuer le taux effectif d'imposition à la CVAE des entreprises éligibles.

Pour plus de détails concernant ce dégrèvement, nous vous invitons à consulter l'article « Taux effectif d'imposition à la CVAE des sociétés membres d'un groupe fiscal ».

En principe, le chiffre d'affaires pris en compte pour le calcul de ce dégrèvement s'apprécie au niveau de l'entreprise. Cependant, dans les groupes fiscalement intégrés non éligibles au taux réduit d'impôt sur les sociétés de 15%, le chiffre d'affaires à retenir s'entend de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe (article 1586 quater, I bis du CGI).

Dans une décision du 19 mai 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que le premier alinéa de l'article 1586 quater, I bis du CGI était contraire au principe d'égalité devant la loi posé par l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen :

Ainsi, les sociétés appartenant à un groupe dans lequel la condition de détention de 95 % fixée par l'article 223 A est remplie font l'objet d'un traitement différent, selon que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale.

Or, en premier lieu, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est une imposition distincte de l'impôt sur les sociétés. Les modalités spécifiques de calcul du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée instituées par les dispositions contestées sont donc sans lien avec le régime de l'intégration fiscale, qui a pour objet, en matière d'impôt sur les sociétés, de compenser, au titre d'un même exercice, les résultats bénéficiaires et déficitaires des sociétés membres du groupe. Par conséquent, lorsque la condition de détention mentionnée ci-dessus est satisfaite, les sociétés appartenant à un groupe sont placées, au regard de l'objet de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dans la même situation, que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale.

En second lieu, en instituant des modalités spécifiques de calcul du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré, le législateur a entendu faire obstacle à la réalisation d'opérations de restructuration aux fins de réduire le montant de cette cotisation dû par l'ensemble des sociétés du groupe grâce à une répartition différente du chiffre d'affaires en son sein. Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. Toutefois, s'il pouvait, à cet effet, prévoir des modalités de calcul du dégrèvement spécifiques aux sociétés appartenant à un groupe, lorsque la condition de détention mentionnée ci-dessus est satisfaite, il ne pouvait distinguer entre ces groupes selon qu'ils relèvent ou non du régime de l'intégration fiscale, dès lors qu'ils peuvent tous réaliser de telles opérations de restructuration. Le critère de l'option en faveur du régime de l'intégration fiscale n'est donc pas en adéquation avec l'objet de la loi. Par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

Cette déclaration d'inconstitutionnalité intervient à compter de la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, soit le 20 mai 2017 et s'applique à toutes les affaires non encore définitivement jugées à cette date, ainsi que dans les litiges en cours d'instruction devant l'administration fiscale. Elle devrait également pouvoir être appliquée à l'encontre des impositions non contestées à la date de la décision mais dont le délai de réclamation n'est pas encore prescrit.

Les contribuables intéressés peuvent déposer une réclamation préalable auprès de l'administration fiscale.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.