L'exploitation des data des TPE : un monde à inventer... avec elles !

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La profession comptable a conscience de l'intérêt, de la valeur des données des entreprises qu'elle détient et de sa situation idéale pour les collecter, les stocker et les exploiter.

Mais lorsqu'on compare les cas d'usage des experts-comptables à ceux des assureurs ou des banquiers, il y a sans doute de quoi s'interroger, analyse Serge Heripel dans cette nouvelle tribune.

Qui peut concurrencer les experts-comptables ? Ils ont accès aux déclarations fiscales de résultat, aux déclarations de TVA, aux FEC (fichiers des écritures comptables), aux bulletins de paie. Demain ce seront les coffres-forts numériques (CFN), les systèmes d'archivage de données sécurisés et surtout les factures électroniques et les données des caisses.

Une profession qui détient des données, propres, fiables et structurées !

Les banquiers et assureurs ont une longueur d'avance en termes d'utilisation de la data

Il ne faut cependant pas oublier que banquiers et assureurs détiennent eux aussi un volume exceptionnel de données. Suivre les nombreux projets d'exploitation des données développés par les « assurtechs » est particulièrement instructif. Parmi les nombreux articles spécialisés, j'ai relevé récemment sur le compte Twitter de « Digital et Assurance- par Eficiens » l'article [1] « IA et assurance. La France et ses 4 fantastiques » (Zelros, Golem.ai, Shift Technology et Akur8) Le moins que l'on puisse dire est que les données ne « restent pas au frigo » [2].

Zelros « se positionne sur un segment clé de la chaîne de valeur : la partie distribution des offres pour les assureurs avec la promesse de les simplifier et de les personnaliser ». Mais surtout : « En analysant les conditions de vie de l'assuré par exemple, Zelros peut lui proposer le produit et les prix les plus adaptés » !

Pour les trois autres il s'agit certes d'outils spécifiques au secteur de l'assurance mais on peut imaginer les services qu'ils pourraient rendre à notre profession, par exemple :

  • Golem.ai « ou l'extraction des informations en temps record » : utile pour l'examen des contrats, actes etc et traiter ensuite les données, les comparer...
  • Akur.8 ou la modélisation algorithmique des risques.

En ce qui concerne les banques, j'avais relevé (toujours sur Twitter !!!) une vidéo de Mehdi Ahmar [3] responsable data intelligence au Crédit du Nord. Extraits de son propos :

  • la data pour une segmentation clients extrêmement fine ;
  • la data pour une hyper personnalisation. C'est le client qui envoie un signal. Il est capté et interprété par le conseiller qui apportera la réponse adaptée ;
  • la data traitée avec des outils et des scores d'octroi de crédit.

Ne devons-nous pas dans ces informations prendre conscience d'une certaine avance prise par les banquiers et les assureurs dans l'exploitation des données de nos clients ?

Pour en revenir à notre profession, j'ai relevé dans un article de SIC mag de mai 2021 les objectifs fixés :

  • identifier les opportunités ;
  • tester les méthodes et les technologies et faire des retours d'expériences ;
  • construire un portefeuille d'initiatives digitales ;
  • développer de nouveaux modèles d'affaires et des innovations qui contribuent à la profitabilité des cabinets (?!).

Objectifs de notre profession versus avancées de « concurrents en matière de données », à chacun d'apprécier...

Pourtant, les cas d'usages dans la profession existent depuis longtemps !

A ce stade permettez-moi deux remarques. En 2019 (2 ans déjà !) en marge du Congrès des experts-comptables à Paris, ma curiosité avait été attirée par MyUnisoft qui présentait un nouvel outil et suprême innovation, avec son partenaire Ellisphere [4]. Si j'ai rapidement passé sur le volet outil comptable je ressortais de cette présentation avec cette information – voire, en ce qui me concerne une confirmation - du représentant d'Ellisphere sur le potentiel de l'exploitation des données :

« Nous sommes capables de dire à votre client - entreprise du bâtiment par exemple - qu'il paye son parpaing 20% plus cher que son concurrent et qu'il est payé par son client à 30 jours alors que ses concurrents sont, eux, payés à 15 jours ».

Par ailleurs, chez France Gestion, nous (experts-comptables !) avons évoqué avec nos adhérents (TPE, commerçants, artisans et professionnels libéraux) ces possibilités d'exploitation de LEURS données. Une réaction en commission : « je refuse de vous donner MES données, je ne vois pas l'intérêt, etc... ».

Après quelques échanges, de la pédagogie (acculturation !) nos adhérents commencent à voir les choses autrement. Ils prennent conscience de la valeur de LEURS données et pas seulement pour des informations statistiques (ils reçoivent tous depuis des années un dossier de gestion...que bien peu consultent !). Ils comprennent que LEURS données sont très recherchées par les banquiers, les assureurs mais aussi par les fournisseurs. Ils découvrent qu'un spécialiste comme Atometrics fournit, par exemple, les dernières informations d'une précision stupéfiante (chiffres et localisation !) sur les cessions de fonds de commerce en exploitant les seules données « open data », ils peuvent avoir très rapidement la tendance de l'activité de leur branche professionnelle [5].

Imaginez demain ce que nous pourrons faire avec, en plus de la comptabilité, la facture électronique, les données des caisses connectées... l'exploitation des données n'est pas réservée aux grandes entreprises. Un monde à inventer ensemble, experts-comptables et chefs d'entreprises... car ces données sont avant tout les leurs !

[1] voir www.eficiens.com/ia-assurance-insurtechs-francaises

[2] référence au livre de Mick Levy (préface Gilles Babinet) « Sortez vos données du frigo »

[3] www.twitter.com/creditdunord/

[4] Ellisphere : « 125 ans d'expertise sur la donnée d'entreprise »

[5] grâce à la collaboration FCGA et Atometrics


 

Serge Heripel est expert-comptable retraité et vice-président de l'organisme mixte de gestion agréé France Gestion.