La directive européenne CSRD : panorama du nouveau reporting extra-financier

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Modifié le 18/03/2024
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La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) étend les obligations des entreprises en matière de communication extra-financière. Faire face au défi climatique est aujourd'hui un enjeu majeur pour la société civile comme pour les acteurs économiques.

Dans ce contexte, la CSRD impose progressivement à certaines entités l'élaboration d'un rapport exposant l'impact de leurs activités sur les questions de durabilité.

Zoom sur cette nouvelle réglementation entrée en vigueur le 1er janvier 2024.

La mise en place d'une nouvelle réglementation pour une finance durable



Le contexte de l'adoption de la CSRD

Depuis 2014, la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) exigeait de certaines grandes entreprises l'établissement d'un rapport non financier. En France, celui-ci a pris la forme de la Déclaration de performance extra-financière (DPEF).

La directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive, dite « CSRD » (directive 2022/2464 du 14 décembre 2022) fait évoluer cette obligation. Son objectif : renforcer la transparence des entreprises sur les questions de durabilité et de RSE (responsabilité sociale des entreprises).

La directive européenne CSRD a été présentée par la Commission européenne le 21 avril 2021 dans le cadre du plan d'action « Finance durable ». Celui-ci s'inscrit dans le « Green Deal », le pacte vert pour l'Europe. Le Parlement européen l'a ensuite adoptée en novembre 2022 et elle a été transposée en droit français par l'ordonnance 2023-1142 du 6 décembre 2023. Elle s'applique pour certaines sociétés dès les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Environ 50 000 entités devraient désormais être concernées par ces nouvelles exigences en matière de reporting extra-financier (contre 11 700 avec la NFRD). Ces entreprises devront publier des données standardisées et précises qui permettront d'apprécier la compatibilité de leur stratégie avec les enjeux du développement durable. Par ailleurs, cette méthodologie harmonisée permettra une meilleure comparabilité entre les sociétés.

Afin de garantir la qualité des données, les informations devront être certifiées par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant. En France, le Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) a été renommé Autorité de l'audit (H2A) et supervise dorénavant l'ensemble des professionnels de l'audit de durabilité.

Selon la Cour des comptes dans son rapport annuel du 12 mars 2024, les coûts moyens par entreprise, résultant de la préparation de la directive CSRD, pourraient évoluer entre 40 000¤ et 320 000¤. Les coûts moyens annuels d'audit pourraient s'élever entre 67 000¤ et 540 000¤.

Ces montants semblent être vraisemblablement surévalués, car ils sont calculés sur la base de la première proposition très détaillée de l'EFRAG.

Le lien avec les normes ESRS

Pour établir le rapport de durabilité prévu par la CSRD, les entreprises devront se conformer aux nouvelles normes européennes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Douze de ces normes ont déjà été publiées : les normes dites « universelles », applicables à toutes les sociétés, indépendamment de leur secteur d'activité.

Les ESRS comportent deux normes transverses, dont la norme ESRS 1 qui fixe les grands principes du rapport de durabilité. Les dix autres normes se concentrent chacune sur une question environnementale (pour cinq d'entre elles), sociale (trois normes) ou de gouvernance (deux normes). Par exemple, la norme E1 a trait aux émissions de gaz à effet de serre.

Ces normes seront complétées par des normes sectorielles ainsi que des normes à destination des entreprises des pays tiers à l'Europe. Par ailleurs, des normes simplifiées pour les petites et moyennes entreprises (PME) devraient être publiées courant 2024.

Les entreprises et leur chaîne de valeur concernées par la directive européenne CSRD



Le champ d'application de la directive

L'obligation d'élaborer un rapport de durabilité va entrer en vigueur progressivement entre 2025 et 2029.

Les grandes entreprises déjà soumises à la directive NFRD sont les premières à être concernées. Il s'agit des entités d'intérêt public de plus de 500 salariés. Elles devront établir en 2025 leur premier rapport qui portera donc sur l'exercice 2024.

Par la suite, la mise en place de ces nouvelles obligations en matière de durabilité se fera selon le calendrier suivant :

  • en 2026 (sur l'exercice 2025) : premier reporting extra-financier pour les grandes entreprises européennes de plus de 250 salariés non soumises à la NFRD ;
  • en 2027 (sur 2026) : élargissement aux PME de plus de 10 salariés cotées sur un marché réglementé. Elles ont cependant la possibilité de reporter cette obligation de deux ans maximum ;
  • en 2029 (sur 2028) : début de l'obligation pour les entreprises non européennes dont le chiffre d'affaires européen est supérieur à 150 millions d'¤ et qui ont une filiale ou une succursale dans l'Union européenne.

La taille d'une entreprise est déterminée par des seuils qui ont été relevés de 25% par la Commission européenne le 21 décembre 2023. En France, le décret n°2024-152 du 28 février 2024 relatif à cette évolution vient d'être publié au Journal officiel. Les seuils sont désormais les suivants (la société doit respecter au moins deux des critères sur les trois) :

  • grande entreprise : plus 25 millions d'¤ de bilan, plus de 50 millions d'¤ de CA, plus de 250 salariés ;
  • moyenne entreprise : maximum 25 millions d'¤ de bilan, maximum 50 millions d'¤ de CA, maximum 250 salariés ;
  • petite entreprise : maximum 7,5 millions d'¤ de bilan, maximum 15 millions d'¤ de CA, maximum 50 salariés ; 
  • micro-entreprise : maximum 450 000¤ de bilan, maximum 900 000¤ de CA, maximum 10 salariés.

Les dispositions de ce décret entrent en vigueur le 1er mars 2024.

L'entreprise et son périmètre

Le rapport de durabilité doit être élaboré en prenant en compte le même périmètre que les états financiers. Ainsi, la mère d'un groupe consolidé considère l'ensemble du groupe pour établir son rapport.

Par ailleurs, l'entreprise doit y intégrer des données concernant l'ensemble de sa chaîne de valeur, en amont et en aval. Toutes les sociétés sont donc susceptibles d'être concernées par la CSRD sous la forme de demandes d'informations.

Les trois premières années, les entreprises peuvent ne pas inclure les informations sur leur chaîne de valeur si celles-ci ne sont pas disponibles. Elles doivent dans ce cas expliquer les moyens qu'elles ont déployés pour obtenir ces informations.

Pour aider les entreprises à analyser leur chaîne de valeur, un guide sera publié prochainement par l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), l'organe chargé par la Commission européenne de construire les normes ESRS.

Le contenu du rapport de durabilité : ESG et double matérialité



La composition du reporting

Le reporting de durabilité est intégré au rapport de gestion. Il traite des thématiques dites « ESG ». Celles-ci permettent d'apprécier la démarche RSE d'une entité et renvoient aux trois piliers du développement durable :

  • les facteurs environnementaux : résilience au changement climatique, mesures prises pour réduire la pollution, impact de l'entreprise sur la biodiversité, etc. ; 
  • les facteurs sociaux : conditions de travail des salariés, communautés affectées, etc. ;
  • les facteurs de gouvernance : contrôle interne, conduite des affaires, etc.

Le rapport comporte quatre sections. La première contient les informations générales requises pas la norme ESRS 2. Les trois suivantes ont chacune pour thème un des critères ESG. La deuxième section sur l'environnement inclut les données prévues par l'article 8 du règlement Taxonomie (qui impose à certaines sociétés la publication d'indicateurs de durabilité).

Par ailleurs, les entreprises n'ont pas à renseigner leurs informations sensibles ou classifiées.

Le concept clé de double matérialité

Un des éléments centraux de ce nouveau reporting extra-financier est la notion de double matérialité. Elle consiste à s'intéresser à la fois :

  • aux impacts de l'environnement sur l'entreprise ;
  • aux impacts de l'entreprise sur les différents critères ESG.

Les entreprises doivent procéder à une analyse de double matérialité. Celle-ci permet d'identifier, parmi les enjeux de durabilité présentés dans les ESRS, ceux qui sont importants pour elles et leur chaîne de valeur. Pour cela, les enjeux en question doivent être appréciés au regard des deux critères suivants :

  • les impacts positifs et négatifs des activités de l'entreprise et de sa chaîne de valeur sur son environnement ;
  • les risques et les opportunités que les facteurs ESG génèrent sur la situation financière de l'entité et ses flux de trésorerie.

Une fois cette première analyse effectuée, l'entreprise doit procéder à une analyse de matérialité de l'information. En effet, parmi les questions de durabilité matérielles qui ont été identifiées, seules les informations elles-mêmes significatives doivent figurer dans le rapport.

Attention, certaines données doivent obligatoirement apparaître dans le rapport même si l'entreprise les juge non matérielles. C'est notamment le cas des informations générales transverses requises par la norme ESRS 2.

Un guide sera publié prochainement par l'EFRAG afin d'aider les entreprises à réaliser leur analyse de double matérialité et à déterminer les informations sur la durabilité à intégrer dans leur reporting.



Frédéric Rocci
Fondateur de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Je suis avant tout un entrepreneur. Je cotoie et j'observe la profession comptable depuis plus de 20 ans. Rédacteur à mes heures perdues, j'affectionne plus particulièrement les sujets qui traitent des nouvelles technologies et du digital.
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