Data et intelligence artificielle au programme de la 2ème conférence du 78ème Congrès

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Pourquoi l'exploitation des données produites par les cabinets devient une nécessité ? Faut-il craindre l'avènement de l'intelligence artificielle ou au contraire s'en réjouir ? Réponse avec la 2ème Grande conférence du 78ème Congrès : « Voyage au c½ur de la data ».

La profession comptable n'est pas la première touchée par l'automatisation. Il peut donc être intéressant de s'inspirer de l'expérience d'autres secteurs, et particulièrement de celle du secteur bancaire. Fortement impacté par l'informatisation et la numérisation de ses services, le secteur bancaire a progressivement vu diminuer ses effectifs de front office, au grand dam de ses clients, qui réclament souvent davantage de contact humain. Pour autant, selon Pierre Blanc, directeur général d'Athling, il ne s'agit là que de la face émergée de l'iceberg. Globalement, les effectifs du secteur bancaire ont en effet progressé, avec d'autres métiers que le conseiller bancaire traditionnel.

Le secteur bancaire peut donc constituer à la fois un exemple et un contre-exemple pour les experts-comptables. L'exemple d'un secteur qui joue à fond la carte de l'automatisation et se réinvente en jouant la carte de l'automatisation, en offrant de nouveaux services en ligne... et en créant de nouveaux postes. Le contre-exemple d'une profession qui n'a pas su maintenir le contact humain et qui en subi les conséquences en termes d'image.

Pour Jean-Philippe Desbiolles, vice-président de la division d'IBM dédiée à l'intelligence artificielle, « la technologie est un moteur de transformation, mais le choix managérial est fondamental. Il est temps de réinvestir dans le capital humain pour trouver notre véritable place et valeur vis-à-vis des clients. L'IA doit signifier intelligence augmentée plus qu'intelligence artificielle ».

La perception des experts-comptables sur le sujet de la data...

L'enquête OpinionWay qui sert de fil rouge aux différentes conférences montre que 81% des experts-comptables pensent que la data pourrait aider les cabinets à aller plus loin dans la réalisation de leur mission traditionnelle et 84% que la data pourrait permettre au cabinet de développer de nouvelles missions. Pour 82% d'entre eux, la data n'est pas une menace pour l'activité d'expertise comptable. Un constat résolument positif donc. « Nous avons été surpris par ces résultats » reconnait Jean Saphores.

Mais concrètement, de quoi parle-t-on lorsqu'on parle de data ? « Avec l'automatisation, nous allons libérer les collaborateurs des tâches à faible valeur ajoutée. Au lieu d'appeler le client une semaine avant l'échéance pour obtenir les factures nécessaires à la déclaration de TVA, nous l'appellerons 3 jours après, car la comptabilité sera déjà traitée et automatisée, pour lui donner les chiffres clés de son tableau de bord. C'est là la véritable attente de nos clients », poursuit-il.

... et sur l'intelligence artificielle

Dans ce domaine aussi, les experts-comptables reconnaissent l'utilité de la technologie. Près de 8 cabinets sur 10 estiment que l'IA va leur faire gagner du temps. On constate toutefois que le niveau d'équipement numérique du cabinet joue énormément sur ces chiffres. Les cabinets peu équipés sont ainsi 41% à ne pas être d'accord avec cette affirmation. En d'autres termes, plus on est avancé sur le plan numérique, moins on a peur de l'intelligence artificielle et, au contraire, on a plus envie de l'utiliser.

Une crainte dangereuse, selon Jean-Philippe Desbiolles. « L'IA est une vague. Or une vague, ça se surfe, ça ne s'arrête pas. Maintenant, il faut passer à l'action. Si vous ne le faites pas, d'autres le feront, y compris ceux qui ne sont pas liés à votre profession. Vous avez la légitimité, la crédibilité et le statut pour le faire, y compris au niveau réglementaire en France. Il faut avancer ensemble et non pas par des initiatives en silo ».

Des cas d'usage concrets avec Sanaa Moussaid, expert-comptable

Au-delà des considérations stratégiques, comment avancer concrètement sur le sujet de l'IA ? Réponse avec le témoignage de Sanaa Moussaid, expert-comptable bien connue de la profession et formatrice à l'utilisation de ChatGPT.

On retiendra par exemple l'utilisation de cette IA générative pour la rédaction de rapports structurés, l'analyse de comptes annuels ou la réalisation d'un scoring financier au regard des moyennes sectorielles. Sanaa Moussaid souligne par ailleurs l'importance d'utiliser les plugins pour étendre les capacités de ChatGPT avec par exemple l'analyse de fichiers Excel ou PDF, ou encore la génération d'images ou de présentations PowerPoint.

« ChatGPT ne prendra pas le travail des experts-comptables. C'est un outil à leur service qu'ils peuvent utiliser pour améliorer leur processus et leur productivité » résume-t-elle.

Exploiter la data, plus qu'une opportunité, une nécessité !

La profession comptable détient les données de 3 500 000 entreprises, rappelle Jean Saphores, co-rapporteur du 78ème Congrès. S a force réside donc dans sa capacité de mutualisation. Après Image PME, qui constituait la première brique « data », la profession peut aller beaucoup plus loin : Open Data, fichiers des écritures comptables, facture électronique, les possibilités sont immenses.

Qu'en est-il à l'international ? Stéphane Raynaud, expert-comptable et commissaire aux comptes, directeur de la Profession comptable et consultant au sein du cabinet BBA, apporte la réponse :

« À l'international, l'IA et la data sont évidemment des sujets traités par de nombreux professionnels. Le modèle américain, par exemple, est très travaillé, avec une l'utilisation de la data pour servir de nouveaux produits et services aux clients, notamment le prédictif, le reporting, l'analyse de trésorerie prédictive et donc la gestion réelle des données du client. Avec la facture électronique, les Italiens ont aussi développé de nouvelles missions liées à la gestion des fournisseurs et à la gestion de la non-conformité dans les factures ou dans les techniques de fraude », Stéphane Raynaud.


Dans ce domaine comme dans d'autres, l'enjeu est aussi d'aller vite, pour éviter que d'autres acteurs n'exploitent les données des entreprises avant les experts-comptables. Mutualisation, sécurité, confiance, Jean Saphores résume en conclusion les grands enjeux de la data : « La profession a une force importante : elle est capable de mutualiser toutes ces données. On a beaucoup parlé de tiers, de confiance, et effectivement, on a besoin de garantir ces données. Les experts-comptables et leurs clients ne doivent pas avoir peur de les utiliser. Nous avons tout ce qu'il faut, alors je n'ai qu'une chose à dire, go, go, go ! ».



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.