Les éléments constitutifs du contrat de société et le régime des nullités et ses conséquences

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C'est l'article 1832 du code civil[1] qui donne la définition légale du contrat de société. Elle fournit trois éléments essentiels :

  • les apports au capital ;
  • la participation aux risques ;
  • l'affectio societatis.

Mais le contrat de société doit aussi respecter le droit commun des contrats.

Rappel des éléments constitutifs du contrat de droit commun

Il est important de préciser que les contrats de société sont avant tout des contrats classiques, ils doivent donc respecter les conditions essentielles du contrat de droit commun.

Trois éléments essentiels doivent être réunies pour que le contrat soit valide :

  • le consentement des parties (associés ou actionnaires) ;
  • la capacité juridique de chacun des associés ou actionnaires ;
  • le contenu licite et certain du contrat de société.

Les éléments essentiels découlant du droit des sociétés



Les apports et le capital social

Les apports constituent la participation des associés ou actionnaires en vue de l'exploitation commune de la société nouvellement créée. En contrepartie des apports, les associés reçoivent des parts sociales ou des actions (en fonction de la forme de la société). Les apports contribuent à la formation du capital social.

Ils peuvent prendre plusieurs formes :

  • les apports en nature, c'est-à-dire des biens, qu'ils soient meubles, immeubles, matériels ou immatériels. Par ailleurs, l'apport d'un bien peut être fait en propriété, en jouissance, en nue-propriété ou encore en usufruit. Il arrive parfois qu'un commissaire aux apports soit désigné pour évaluer la valeur du bien apporté, notamment dans les SA.
  • les apports en numéraire, à savoir de l'argent. Dans ce type d'apport, on distingue la souscription de l'apport et sa libération. En effet, il est possible de différer la libération totale de l'apport en numéraire sur 5 années, à condition de libérer au minimum 20% au moment de la constitution, dans le cadre d'une SARL ;
  • les apports en industrie, il s'agit d'un apport immatériel, à savoir des connaissances, un savoir faire. Même si cela ne constitue pas un apport quantifiable, l'associé reçoit des titres en échange de cet apport.

La plupart des sociétés n'ont pas de capital social minimum requis, 1¤ symbolique permet de constituer une société. Seule exception à cette règle, la société anonyme (SA) sur un marché côté où le minimum de capital social est fixé à 37 000¤.

La participation aux résultats de la société

D'une part, lorsqu'une société est constituée, la finalité des associés ou actionnaires est la réalisation de bénéfices en fin d'exercice. Il est évident que la recherche d'un enrichissement est source de motivation pour l'associé, même s'il peut aussi avoir d'autres buts.

Inversement, ils doivent aussi contribuer aux pertes de la société. La répartition des bénéfices ou des pertes est proportionnelle au montant des apports de chacun des associés. Cela implique que plus la part de l'associé est importante, plus il recevra les fruits de la réussite de sa société, mais cela signifie également qu'il devra supporter une plus grande partie des pertes.

Il faut aussi préciser que la contribution aux pertes se différencie de la contribution aux dettes. Cette dernière dépend de la forme de la société. Si la société est à responsabilité limitée, la contribution aux pertes est limitée aux apports, tandis que dans une société à responsabilité illimitée, les associés doivent répondre de leurs dettes au-delà de leurs apports, à savoir sur leur patrimoine personnel.

L'affectio societatis

La jurisprudence a défini l'affectio societatis comme la volonté de chaque associé de collaborer de façon effective à l'entreprise commune et sur un pied d'égalité (Cour de cassation, chambre de commerce, 3 juin 1986 ; Cour de cassation, chambre de commerce, 3 mars 2021, n°19-10.693).

Il est évident que cet élément n'est pas requis lorsque la société est détenue par un seul et unique associé (EURL, SASU notamment). Toutefois, cela ne doit pas empêcher l'associé unique de respecter l'objet social fixé dans les statuts et de s'investir dans la gestion quotidienne de la société.

Cet élément est primordial car il permet aussi aux juges de déterminer le caractère fictif d'une société.

Cette volonté de s'associer doit exister dès la constitution de la société, tout au long de la vie de celle-ci et jusqu'à sa fin.

Les causes de nullité des contrats de société

Comme dit précédemment, les contrats de sociétés doivent respecter les règles du contrat de droit commun, en plus de celles spécifiques au contrat de société. De plus, le livre II du Code de commerce prévoit des cas limitativement énumérés de nullité du contrat de société.

Il est important de préciser que cet article concerne uniquement le régime de nullité du contrat de société, que l'on distingue du régime de nullité des actes et délibérations qui ne modifient pas les statuts. Pour plus de précisions, sur les nullités d'un contrat en droit civil.

En principe, lorsqu'un élément constitutif du contrat de société fait défaut, la nullité pourrait être invoquée par tout intéressé. Seulement, c'est un contrat spécifique qui implique des conséquences économiques à l'égard des créanciers, les causes de nullités sont strictement limitées.

Ainsi, le contrat de société doit respecter les éléments essentiels précités du droit des contrats classiques, à savoir :

  • le consentement des associés à constituer une société ;
  • la capacité juridique;
  • la licéité du contrat.

En revanche, la nullité ne peut être invoquée dans l'hypothèse d'une clause léonine, la clause sera réputée non écrite, la société demeurera même si la clause a conditionné la formation de la société.

Le contrat de société doit aussi réunir tous les éléments essentiels du droit des sociétés (pour rappel : la constitution des apports, la participation aux résultats de l'entreprise et l'affectio societatis (qui est atténué dans le cas d'une société unipersonnelle)).

Enfin, le livre II du Code de commerce prévoit un seul cas de nullité, dans le cadre d'une société en nom collectif (SNC) et en commandite simple (SCS), l'accomplissement des formalités de publicité est requis sous peine de nullité (Code de commerce article L. 235-2). En revanche, le Code de commerce ne prévoit aucune disposition expresse de nullité des sociétés de capitaux et des SARL.

Même si la loi ne prévoit pas de disposition expresse, le contrat de société est nul s'il est conclu par des man½uvres frauduleuses.

Par ailleurs, la violation d'une disposition réglementaire du Code de commerce n'est pas sanctionnée par la nullité, sauf si la loi le prévoit expressément.

Les conséquences de la nullité du contrat de société

En principe, la nullité du contrat est rétroactive, ce qui signifie que la société est censée n'avoir jamais existé. Cependant, en raison des enjeux économiques à l'égard des associés et des tiers, le contrat de société n'a pas d'effet rétroactif et la nullité ne vaut que pour l'avenir.

De plus, le législateur permet la régularisation de la société, de sorte que la nullité n'est pas prononcée systématiquement.

Le délai de prescription de l'action de nullité est triennal.

Si la société est frappée de nullité, cela entraîne la dissolution judiciaire, la société est liquidée. La société et les associés ne peuvent se prévaloir de cette nullité auprès des tiers, sauf ceux qui ont fait l'objet d'un vice de leur consentement.

[1] La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.