La comptabilité universelle : le développement durable valorisé dans les comptes

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La comptabilité universelle est un modèle développé par le cabinet comptable de Saint Front. Elle propose d'ajouter à la comptabilité financière classique trois autres comptabilités : environnementale, sociétale et de gouvernance.

Son objectif est de donner une visibilité aux enjeux extra-financiers en les valorisant monétairement. Elle encourage ainsi les actions engagées pour le développement durable en mettant en lumière la performance globale de l'entreprise plutôt que sa seule performance économique.

La prise en compte de l'extra-financier dans le processus de décision

La comptabilité traditionnelle est un outil de pilotage et de prise de décision. Cependant, elle n'intègre dans ses comptes que ce qui a une valeur monétaire. Elle ne communique donc que sur des informations financières. Les données extra-financières (préservation de l'environnement, santé des salariés...) en sont exclues.

Cependant, l'entreprise est en permanente interaction avec son environnement naturel et social. Elle doit donc tenir compte de ces facteurs dans son processus de décision, car ils sont pour elle générateurs de risques et d'opportunités.

Par ailleurs, les parties prenantes des entreprises sont de plus en plus sensibles aux enjeux de RSE (responsabilité sociétale des entreprises).

La comptabilité universelle vise à faire évoluer les pratiques des entreprises et des organisations. Elle encourage les actions en faveur du développement durable et favorise la mise en place de modèles d'affaires soutenables sur le long terme. En cela, elle peut contribuer au développement d'une finance durable.

À cette fin, elle attribue une valeur monétaire à des actions considérées aujourd'hui comme des coûts ou des contraintes : s'assurer du bien-être de ses salariés, économiser les ressources, et, à un niveau plus collectif et étatique, faire en sorte que les besoins vitaux de chacun soient satisfaits.

Elle rend de cette manière les thématiques sociales et environnementales visibles dans les comptes et facilite une prise de décision basée sur un panel d'informations plus large.

Trois comptabilités extra-financières pour monétariser la RSE

La comptabilité universelle est une comptabilité intégrée qui se fonde sur les principes et les normes comptables (notamment la « partie double »). Elle crée trois, voire quatre comptabilités pour compléter les comptes financiers classiques. Chacune correspond à un pilier du développement durable : 

  • une comptabilité environnementale ;
  • une comptabilité sociétale (éventuellement dissociée entre sociale et sociétale) ;
  • une comptabilité de gouvernance.

Elle permet d'établir un bilan, un compte de résultat ainsi qu'un reporting extra-financier pour chacune de ces comptabilités.

Contrairement à d'autres modèles (la comptabilité CARE notamment), la comptabilité universelle ne se fonde pas sur une approche multi-capitaux. Elle n'enregistre dans ses comptes que le capital financier. En effet, elle considère qu'elle ne détient pas de capital humain ou naturel, car elle n'est pas propriétaire de ses salariés ou de l'environnement.

La mise en ½uvre de cette comptabilité durable requiert dans un premier temps d'identifier les impacts de l'entreprise sur son environnement. À partir de ces incidences, l'entreprise définit des indicateurs : émission de gaz à effet de serre, consommation d'énergie, formation des salariés, accidents du travail...

Une valeur monétaire doit ensuite être attribuée à ces indicateurs, basée notamment sur des études scientifiques et sur les échanges avec les parties prenantes. Ce prix n'est qu'un étalon de mesure : il permet de comparer les indicateurs et de les enregistrer en comptabilité.

Ces indicateurs valorisés sont ensuite comptabilisés. Par exemple, l'absentéisme constitue une charge pour l'entreprise, la formation représente un produit. Le résultat « de gouvernance » inclut les impôts parmi les produits, car ils contribuent au bon fonctionnement de la société.

Périodicité et non-exhaustivité : les spécificités de la comptabilité universelle

Les trois (ou quatre) comptabilités ESG (environnementale, sociale, de gouvernance) présentent plusieurs différences avec la comptabilité financière.

Tout d'abord, les prix attribués aux données extra-financières ne sont que des valeurs indicatives et n'ont pas vocation à permettre des transactions.

De plus, la comptabilité traditionnelle se limite au périmètre juridique de l'entité. Pour les comptabilités extra-financières, c'est le périmètre jugé le plus pertinent pour exprimer la responsabilité de l'entreprise qui est retenu. Il peut donc s'étendre à l'ensemble de la chaîne de valeur, voire au-delà. Par exemple, dans le domaine social, les intérimaires et les sous-traitants doivent en général être inclus dans le périmètre de l'entité, au même titre que les salariés.

Par ailleurs, il n'est pas exigé de l'entreprise qu'elle soit exhaustive. Cela serait tout simplement impossible face à la complexité du vivant. Au contraire, l'entité détermine les indicateurs qui sont pertinents en fonction de ses objectifs environnementaux et sociaux. Les comptes sont donc fortement influencés par le choix des indicateurs.

Enfin, les comptes n'ont pas à être établis annuellement. La périodicité est définie de manière à mesurer au mieux les effets des actions de l'entreprise.

En conséquence, ces différentes comptabilités ne peuvent pas être consolidées et restent séparées les unes des autres.