Maintien du report d'imposition des plus-values d'apport-cession en cas de réinvestissement

Article écrit par (1264 articles)
Modifié le
6 821 lectures

Les conditions du maintien du report d'imposition des plus-values d'apport de titres à une société contrôlée par l'apporteur, en cas de réinvestissement économique du produit de cession des titres apportés dans un délai de 2 ans à compter de la cession, ont été aménagées et précisées par la loi de finances rectificative pour 2016.

Ce régime a fait l'objet de plusieurs modifications depuis, précisant les modalités de son application.

Les plus-values d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) contrôlée par l'apporteur, réalisées par les personnes physiques, bénéficient d'un report d'imposition (différent du sursis d'imposition).

Pour plus de détails concernant ce dispositif de report d'imposition, voir « Plus-values d'apport de titres à une société contrôlée par l'apporteur».

En principe, ce report d'imposition prend fin lorsque les titres apportés sont cédés à titre onéreux, rachetés, remboursés ou annulés dans un délai de 3 ans à compter de la date de réalisation de l'apport.

Par exception, il n'est pas mis fin au report d'imposition si la société bénéficiaire de l'apport prend l'engagement de réinvestir, dans un délai de 2 ans à compter de la date de la cession, au moins 60% du produit de cession (article 150-0 B ter du CGI) :

  • dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (i.e. activités opérationnelles), à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier ;
  • dans l'acquisition d'une fraction du capital social d'une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité (à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier) et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle ;
  • dans la souscription en numéraire au capital initial ou à une augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés, exerçant une activité opérationnelle (ou ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles), soumises à l'impôt sur les sociétés et établies en France, dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (Islande, Norvège et Liechtenstein) ;
  • depuis 2019, dans la souscription de parts ou actions de fonds communs de placement à risque (FCPR), de fonds professionnels de capital investissement (FCPI), de société de libre partenariat (SLP) et de société de capital-risque. Sont également éligibles au réinvestissement les organismes similaires à ces entités établis dans un autre État membre de l'EEE.

Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de 2 ans expire.

Au-delà du délai des 3 ans précités, aucune transaction affectant les titres apportés n'est susceptible de remettre en cause le report d'imposition. Dans cette situation, il est maintenu jusqu'à la cession, le rachat, l'annulation ou le remboursement des titres reçus en échange de l'apport (titres de la société bénéficiaire de l'apport).

L'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2016 puis les modifications successives aménagent ce dispositif de maintien du report d'imposition en cas de réinvestissement, à trois points de vue :

  • la nature des investissements éligibles ;
  • la mise en place d'un délai de conservation des actifs ou des titres qui font l'objet du réinvestissement ;
  • les conditions du maintien du report d'imposition lorsque le contrat de cession prévoit le versement d'un complément de prix.

Aménagements concernant la nature des investissements éligibles

En cas de financement d'une activité commerciale industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (activités opérationnelles), le produit de cession des titres apportés doit être utilisé pour le financement de moyens permanents d'exploitation affectés à ladite activité.

Ainsi, la société cédante doit investir dans des biens mobiliers et/ou immobiliers, inscrits à son actif et affectés à l'activité financée. Dans ce contexte, l'acquisition d'un bien immobilier non affecté à l'exercice d'une activité économique ne permet pas de maintenir le report d'imposition.

En cas d'acquisition d'une fraction du capital social d'une société exerçant une activité opérationnelle, l'investissement peut être effectué dans des sociétés dont le siège social est situé dans un autre État membre de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein. Le texte précise que ces sociétés non établies en France auraient été soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, si l'activité était exercée en France.

En cas de souscription au capital d'une société, l'investissement doit être réalisé dans une société qui remplit l'ensemble des conditions visées à l'article 150-0 D ter, I-3-3°-e du CGI. Plus précisément, il s'agit des jeunes sociétés dont la plus-value de cession pourrait bénéficier d'un abattement pour durée de détention renforcé sur le fondement de l'article 150-0 D, 1 quater, B-1° du CGI (cession de titres de PME acquis ou souscrits dans les 10 ans de la création de la société).

Par exemple, la jurisprudence a récemment considéré qu'une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu'il en assure directement la gestion, la mise en ½uvre d'importants moyens matériels et humains (Conseil d'état, 19 avril 2022, n°442946).

Ces aménagements s'appliquent aux cessions réalisées depuis le 1er janvier 2017.

Pour plus de précisions sur la notion de réinvestissement économique, voir BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20.

Mise en place d'un délai de conservation des titres ou actifs faisant l'objet du réinvestissement

La loi de finances rectificative pour 2016 a introduit une obligation de conservation des biens ou des titres concernés par le réinvestissement, pendant une durée minimum de 12 mois.

Le point de départ de ce délai est l'inscription à l'actif de la société cédante des titres ou actifs objets du réinvestissement.

Ce délai de conservation s'applique aux cessions réalisées depuis le 1er janvier 2017.

Toutefois, s'agissant des parts ou actions de fonds, société ou organismes souscrits, cette condition de conservation est satisfaite lorsque les parts sont conservées pendant au moins 5 ans, ce délai étant décompté depuis la date de leur souscription par la société.

Conditions du maintien du report d'imposition en cas de versement d'un complément de prix

Ainsi, lorsque le complément de prix ou clause « d'earn out » est versé concomitamment au prix de cession, le montant du réinvestissement devant être réalisé dans les 2 ans est déterminé en prenant en compte le prix de cession et le complément de prix.

Cette disposition s'applique y compris lorsque les compléments de prix sont versés plus de 2 ans après la cession.

Lorsque le complément de prix est perçu de manière différée, au moins 60% du prix de cession initial ainsi reçu doit être réinvesti, dans les 2 ans du versement de ce complément de prix. À défaut, le report d'imposition de la plus-value d'apport des titres cédés tomberait.

Par la suite, et pour chaque complément, la société cédante dispose d'un nouveau délai de 2 ans décompté depuis la date de perception dudit complément pour réinvestir le reliquat du seuil minimal de 60% du montant du produit de la cession. À défaut, le report prend fin au titre de l'année au cours de laquelle ce nouveau délai expire.

Cette mesure est entrée en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel de la loi de finances rectificative pour 2016, soit le 31 décembre 2016.