Un think tank des experts-comptables pour contribuer au débat public

Article écrit par (1135 articles)
Modifié le
2 359 lectures

Les experts-comptables accompagnent les entreprises tout au long de l'année mais plus encore dans le cadre de la crise sanitaire qui sévit depuis plus d'un mois.

Les mesures d'urgence se succèdent sans réelle vision pour relancer l'économie et accompagner les TPE/PME pour leur permettre de sortir de cette crise.

L'Ordre des experts-comptables d'Aquitaine a choisi de créer un think tank, l'Institut SOFOS, pour faire des propositions, des analyses, des réflexions et élargir les propositions faites par la profession dans son ensemble.

Le think tank doit permettre de s'appuyer à la fois sur des universitaires tels que Christian Prat dit Hauret et sur des experts-comptables pour combiner vision académique et pragmatisme des professionnels sur le terrain.

L'Institut SOFOS (dont le nom s'inspire du mot grec qui signifie sage, cultivé, instruit) est né avec un slogan « Savoir pour prévoir afin de pouvoir », une phrase d'Auguste Comte qui doit traduire sa philosophie.

Témoignage d'Alexandre Salas-Gordo, expert-comptable et président de l'OEC d'Aquitaine.

Pourquoi avoir créé un think tank pour faire remonter des propositions destinées à améliorer la situation des TPE/PME ?

Il s'agit de sortir du quotidien, de l'urgence pour émettre des suggestions et contribuer à la fois à la relance économique et au succès du redémarrage des entreprises à long terme.

Les enjeux macro économiques de la sortie de crise sanitaire sont énormes et on parle même d'écroulement de l'économie. Les mesures d'urgence pourraient ne pas suffire.

L'esprit du think tank est d'être apolitique tout en contribuant au débat public.

Actuellement, les seules propositions qui sont faites sont des mesures d'urgence sans vision à long terme. Même le prêt garanti par l'État (ndlr : PGE) reste un prêt qui devra être remboursé.

Nos propositions doivent permettre de compléter ce dispositif pour contribuer à la réflexion économique nationale.

Coupler la vision pragmatique et de terrain des experts-comptables aux études et travaux des universitaires nous a semblé une bonne idée pour participer à ce débat.

L'approche n'est pas dogmatique. Il s'agit d'améliorer l'image de l'expert-comptable qui est le premier observateur sur le terrain des difficultés des entreprises.

Certaines de vos propositions ont déjà été publiées. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Notre étude est composée d'une dizaine de chapitres sur plus de 60 pages. Les deux premiers ont été publiés sur le site de l'institut SOFOS.

Dans le cadre de la relance post Covid-19, l'une des propositions concerne par exemple la sous-capitalisation des TPE et PME françaises. Les entreprises se financent en ayant recours à l'endettement, plus rarement via des fonds propres. Cette faiblesse structurelle peut être encore aggravée par le PGE qui reste avant tout un prêt.

Certaines propositions doivent permettre de favoriser la recapitalisation de l'entreprise par des mesures incitatives telles que le fait de:

  • réorienter l'affectation de l'épargne longue vers le financement des TPE/PME ;
  • restaurer le crédit d'impôt pour souscription au capital des TPE/PME qui n'est plus du tout attractif ;
  • ou d'inciter les entreprises à constituer davantage de réserves via une augmentation de la réserve légale.

D'autres propositions concernent les relations entre les chefs d'entreprise et les salariés pour lesquelles il s'agit de rendre l'accord d'intéressement obligatoire dans toutes les entreprises et de pérenniser la prime exceptionnelle de 1 000¤.

Les analyses sont à la fois macroéconomiques et microéconomiques.

Vous appelez le gouvernement à annuler les échéances et non à un simple report. Pourquoi ?

Le report d'échéances est un prêt, une dette supplémentaire. Les entreprises ne pourront pas toutes assumer ces reports alors qu'elles n'auront pas fait de chiffre d'affaires.

Ce n'est pas un simple changement déclaratif que nous demandons mais une véritable annulation pour faciliter la relance de l'économie. Faire un emprunt ne permet que de déplacer le problème.

C'est ce qui a été annoncé pour les entreprises qui resteraient fermées après le début du déconfinement comme dans le secteur des HCR par exemple.

Selon vous, quel pourrait être le rôle des experts-comptables dans le déconfinement (sortie de crise, reprise de l'activité) auprès des TPE/PME ?

Les experts-comptables ont joué un rôle d'urgentistes auprès d'un grand nombre de secteurs placés en coma artificiel et même en respiration artificielle via le PGE.

Le rôle des experts-comptables a été d'aider à déployer les différents dispositifs. Il faudra désormais continuer à rester en veille et surtout accompagner les entreprises vers les nouveaux schémas, les nouveaux positionnements ou approches de marché.

Cela a des conséquences sur le fonctionnement même des entreprises qui doivent se réadapter et se réinventer.

Il s'agit de changer de paradigme à plusieurs niveaux et l'expert-comptable est sans doute le professionnel le plus légitime pour participer à cette reconstruction des entreprises.

On est loin du rôle purement déclaratif des professionnels du chiffre.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.