Dans un contexte économique où la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) s'impose comme un pilier stratégique, les experts-comptables sont confrontés à un paysage concurrentiel en mutation. Alors que les TPE et PME n'associent pas spontanément la RSE à l'expertise comptable, d'autres acteurs investissent ce créneau, y voyant une opportunité d'affaires.
Cet article vise à décrypter qui sont ces nouveaux concurrents et à envisager des stratégies pour que les experts-comptables puissent non seulement les affronter mais aussi tirer parti de cette évolution du marché.
Les concurrents « sortants »
Les TPE/PME, en quête de solutions RSE, se tournent fréquemment vers des consultants indépendants. Ces derniers offrent des services spécialisés, comme des audits ISO 26000 ou des bilans carbone, pas toujours accessibles et adaptés à leurs besoins spécifiques.
Par ailleurs, les éditeurs de logiciels entrent en lice, proposant des outils intégrés performants pour générer des bilans carbone « monétaires » à partir des données comptables existantes. Ces alternatives, séduisantes par leur accessibilité et leur coût, constituent une concurrence non négligeable pour les experts-comptables, d'autant plus lorsque ces derniers recommandent ces mêmes outils, réduisant paradoxalement leur propre valeur ajoutée à de simples conseils.
La pression de la chaîne de valeur
La pression exercée par les fournisseurs ou clients pousse souvent les PME vers des démarches de labellisation RSE, généralement épaulées par des consultants RSE indépendants. Ces situations d'urgence poussent les chefs d'entreprise à rechercher activement des solutions pour débuter leur voyage RSE. Ils n'envisagent pas toujours l'expert-comptable comme un partenaire potentiel.
Pourtant, l'accompagnement du client dans la mise en place d'un label représente une opportunité considérable pour l'expert-comptable, pouvant réaliser un travail préparatoire conséquent : participer activement à la mission ou encore jouer un rôle clé dans la sélection de labels reconnus tels que l'Afnor, Lucie ou encore Positive Workplace.
Les concurrents « entrants »
Les banques et les assurances jouent un rôle significatif dans l'espace RSE. Elles proposent divers services pour mieux connaître leurs clients ou sociétaires et ainsi, leur soumettre des avantages. Par exemple, la Banque Populaire a formé un conseiller RSE par agence et propose des prêts verts jusqu'à 250 000¤, basés sur un ensemble d'indicateurs RSE, dont trois doivent être validés par l'expert-comptable.
Cette nouvelle dynamique représente à la fois un défi et une opportunité pour les experts-comptables : ils doivent être le « détonateur » de ce financement plutôt que de se placer en bout de chaine.
Nous observons également l'intervention des fédérations métier ou des réseaux de franchise. Ce n'est pas étonnant car leurs rôles sont de défendre les intérêts et la pérennité de leurs membres ou adhérents.
Un sujet récent illustre bien cette situation : un expert-comptable souhaitant son activité RSE et démarrer par un client dans le BTP travaillant énormément en sous-traitance et sur des appels d'autres publics. Ce client, sélectionné de façon minutieuse, a refusé l'accompagnement du cabinet car il était suivi par sa fédération. Elle a réalisé le bilan extra-financier, suffisant mais assez pauvre en matière de prévision et d'analyse économique ou sociale.
Le défi pour l'expert-comptable
Il est crucial pour l'expert-comptable de prendre l'initiative en matière de RSE. Plutôt que de se limiter à un rôle de fournisseur de données, il est temps de se positionner en tant que leader et conseiller clé dans la démarche RSE. Cela implique une communication proactive de leurs compétences et de leurs ambitions en RSE auprès de leurs clients. Le faire savoir est la première pierre.
Surtout que l'expert-comptable a de véritables cartes à jouer dans ce contexte concurrentiel. Fort d'une connaissance approfondie du modèle d'affaires de chaque entreprise, il possède en main les données financières et sociales qui sont le socle d'une stratégie RSE intégrée et cohérente. Plus encore, sa capacité à adapter sa tarification à la capacité contributive de son client démontre sa flexibilité et son engagement à accompagner toutes les entreprises dans leur démarche RSE, indépendamment de leur taille ou de leur budget.
Cette proximité avec l'entreprise et cette compréhension intime de ses mécanismes internes permettent à l'expert-comptable de proposer des recommandations personnalisées et de mettre en lumière les opportunités de développement durable qui peuvent être bénéfiques tant sur le plan éthique qu'économique.
Finalement, les experts-comptables ont un rôle clé à jouer dans le paysage économique des TPE/PME, en particulier dans l'accompagnement RSE. Il est impératif que la profession fasse valoir son expertise et sa valeur ajoutée dans ce domaine. En se positionnant comme des acteurs essentiels de l'accompagnement RSE, les experts-comptables pourront renforcer leur position sur le marché et jouer un rôle crucial dans la transition RSE des entreprises. Comme à chaque diffusion d'une nouvelle norme, la réglementation débute toujours de « haut en bas ». Les ambitions d'acquisition de marché suivent, c'est le cas pour les consultants indépendants, les banques et les assurances qui s'adressent maintenant aux TPE/PME sur ces sujets. Face à cette dynamique, l'expert-comptable doit saisir l'opportunité de devenir le partenaire privilégié des entreprises en matière de RSE, en guidant le changement plutôt que de le suivre.
L'expert-comptable doit saisir cette opportunité pour affirmer sa présence et son influence dans l'accompagnement RSE des TPE/PME. En adoptant une démarche proactive et en valorisant sa spécificité, il pourra s'imposer comme un acteur clé de la RSE et ainsi garantir non seulement la pérennité mais aussi le développement de sa profession.
À très vite pour une nouvelle nuance.