RSE en cabinet d'expertise comptable : l'importance des parties prenantes

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Après vous avoir présenté l'intérêt de la RSE pour les cabinets d'expertise comptable, je souhaitais mettre en avant quelques pistes pour réussir vos premiers pas dans la RSE. Loin d'être exhaustif, cet article fera l'éloge des parties prenantes.

Qu'est-ce qu'une partie prenante ?

L'expression « partie prenante » désigne tout acteur, individuel ou collectif concerné par une décision ou un projet, c'est-à-dire dont les intérêts peuvent être affectés positivement ou négativement à la suite d'une décision.

Dans le cadre de tout projet, il est essentiel d'identifier ses parties prenantes, leurs rôles, leurs attentes et leurs intérêts.

Par exemple, un cabinet qui souhaite mettre en place un nouvel outil informatique a intérêt à identifier les parties prenantes pour :

  • impliquer les acteurs ;
  • sensibiliser au changement ;
  • identifier les impacts du changement d'outil ;
  • identifier les risques et opportunités liés à ce changement ;
  • valoriser les bénéfices ;
  • couvrir les risques inhérents à ce changement.

C'est au moment de l'étude de faisabilité du projet que l'on prend conscience du nombre d'acteurs concernés par le changement et de leurs impacts potentiels ou réels sur la conduite du changement à mener.

Sans cette identification préalable, il y a fort à parier de la difficulté de conduire le changement d'outil.

Il en est de même pour une démarche de responsabilité sociétale. La RSE vise directement à mesurer les effets de l'activité de l'entreprise ou de l'organisation sur les parties prenantes et la mise en ½uvre d'action pour réduire les impacts négatifs et améliorer les impacts positifs.

Pourquoi les parties prenantes sont essentielles ?

Les parties prenantes sont essentielles car elles apportent un angle de vue différents à la prise de décision.

Pour autant, dans une approche stratégique de l'organisation, le décideur peut avoir 4 façons différentes de percevoir les « autres », c'est-à-dire les parties prenantes de l'entreprise, internes ou externes à l'organisation, que l'on nommera ici l'écosystème.

1ère façon : les parties prenantes / l'écosystème apporte des contraintes

Par exemple, c'est le cas de toute nouvelle règlementation (État) qui peut être perçu pour un grand nombre d'entreprises comme contraignante.

Ainsi, la direction va attendre que la pression des parties prenantes soit suffisamment forte pour se mettre en conformité (une condamnation par exemple, un contrôle fiscal, un scandale des ONG...).

2ème façon : les parties prenantes / l'écosystème apporte des risques

La nuance entre contraintes et risques est mince. Pourtant, dans le premier cas, c'est une attitude passive, la direction sait mais ne fait rien.

Dans le deuxième cas, la direction a pris conscience qu'il y avait des contraintes et va réagir à ses contraintes en les nommant. Elle va chercher à les couvrir ou les atténuer pour rester compétitif et garder une image / réputation.

Par exemple, la pression exercée par les jeunes générations en matière de recrutement dans la profession nécessite pour le cabinet d'accentuer la communication « fun » sur les réseaux sociaux pour faire valoir que « chez nous, il fait bon vivre ».

3ème façon : les parties prenantes / l'écosystème permet d'innover en matière organisationnelle

Dans ce cas, la direction devient acteur, adopte une attitude active à l'écoute des attentes et des intérêts des parties prenantes. La direction va développer de nouvelles façons de concevoir ses services.

Ainsi, on voit de plus en plus apparaître des processus d'onboarding collaborateur dans les cabinets, de parcours de formation dédiés aux managers ou aux dirigeants. De même, les cabinets se dotent d'outils CRM pour proposer de nouvelles façons de travailler avec les clients, afin de mieux recenser leurs attentes et de faire un suivi de la relation client en dehors de tout sujet de production.

L'organisation se transforme d'un point de vue organisationnel.

4ème façon : les parties prenantes / l'écosystème permet d'innover en matière relationnelle

Dans ce cas, la direction va être proactive. C'est dans ce cas que l'on voit de nouvelles façons d'interagir avec ses parties prenantes, moins descendantes, plus horizontales.

On cherche à co-construire des solutions à des problèmes soulevés par une partie prenante avec toutes les autres concernées, l'objectif étant de réduire les impacts négatifs et d'améliorer les impacts positifs.

La relation devient gagnant-gagnant entre l'entreprise et les parties prenantes concernée. L'entreprise devient plus résiliente face à une crise et maintient son niveau de services.

Par exemple, c'est le cas quand on est face à un problème de départ d'un salarié et l'impossibilité de recruter à court terme. Le fait d'analyser les impacts du départ (positifs et négatifs) et de trouver des solutions avec l'équipe en place, les clients et même des personnes d'autres services (intérim, sous-traitance, prestataire informatique) permet d'innover dans la relation : quel travail pourra attendre, quelle tâche obligatoirement nécessaire, ne peut-on pas réduire le nombre de tâches à tel poste, est-ce duplicable sur d'autres portefeuille ? est-il possible de mettre en place une harmonisation des processus en fonction du besoin réel des clients ?

On retrouve les mêmes questionnements avec un besoin formulé par le client auxquels l'organisation ne peut pas répondre dans l'immédiat. Peut-on trouver des acteurs pour répondre à ce besoin ? monter des partenariats durables ? investir dans des projets de territoire ? structurer différemment avec l'aide du client notre activité pour dégager du temps pour répondre à son problème ?...

Finalement plus le niveau de perception des attentes des parties prenantes est élevé (co-construction), plus l'entreprise sera dans une dynamique d'analyse des effets et de recherche d'impact.

Il est à noter toutefois que l'entreprise adopte des attitudes différentes en fonction de la thématique concernée, ainsi elle pourra avoir un niveau très élevé en matière de mise en ½uvre de mécénat en impliquant ses salariés et un niveau de maturité plus faible dans la perception de la relation des conditions de travail par exemple.

Comment identifier les parties prenantes de l'entreprise ?

L'identification des parties prenantes est essentielle dans le cadre d'une démarche de Responsabilité Sociétale.

Selon la norme ISO26000, afin d'identifier les parties prenantes, il convient de mesurer 2 critères :

  • le niveau de la relation avec la partie prenante et la connaissance des impacts sur elle ;
  • l'importance de la partie prenante au regard de l'activité de l'entreprise.

Pour mesurer simplement le niveau de la relation, on va chercher à savoir si le cabinet peut évaluer la relation et la connaissance des impacts sur les parties prenantes. Ainsi, pour évaluer le niveau de relation avec un client, on se demandera par exemple :

  • existe-t-il un contrat signé ?
  • combien de fois le cabinet rentre en relation avec ce client ? qui ?
  • depuis combien de temps le client est-il présent au cabinet ?
  • quel type de mission avons-nous réalisé ?
  • comment évalue-t-il notre travail ?
  • comment évalue-t-il notre relation ?
  • pourquoi reste-t-il chez nous ?

L'importance de la partie prenante au regard de l'activité s'analyse aux regards des impacts ou de l'influence de la partie prenante.

Ainsi une partie prenante est importante dès lors que l'entreprise a un impact sur les intérêts vitaux de la partie prenante ou que celle-ci pourrait influencer de manière vitale l'existence de l'organisation. Par exemple, pour une partie prenante ressource (salarié, fournisseur, financeur...), on pourrait se demander :

  • y a-t-il un lien de dépendance forte ou d'autonomie ?
  • y a-t-il des compétences internes ou externes pour avoir un niveau de dialogue juste et équitable ?
  • les impacts sont-ils clairement identifiés en cas de crise ? et en cas de non-crise ?
  • quel poids financier représente la relation ? quels sont les enjeux extra-financiers ?

Lorsque la partie prenante est importante et que le niveau de relation est faible, il est essentiel pour l'entreprise de rééquilibrer la relation par le dialogue.

Comment mettre en place le bon niveau de dialogue ?

Souvent, nous n'avons pas conscience du niveau de dialogue avec les parties prenantes de l'organisation, car il existe plusieurs façons de communiquer.

En fonction des enjeux et du sujet, du degré de maturité de la démarche RSE en interne, des échelles de temps dans laquelle elle s'insère, de l'éventuel historique de la relation, l'entreprise doit se poser la question de la forme de dialogue à adopter pour chaque partie prenante en fonction des objectifs.

Il y a globalement 4 niveaux de dialogues :

  • l'information : transmission des données et d'informations factuelles ayant des forts intérêts et impacts sur et pour les parties prenantes. L'enjeu est le partage de connaissance commune entre acteurs ;
  • la consultation : elle désigne des situations et des modalités où l'entreprise est en attente et demande un avis à ses parties prenantes ;
  • la concertation : c'est la mise en place de moyens et de dispositions constructives pour se comprendre, délibérer, échanger et agir. La concertation avec les parties prenantes permet de considérer les informations, les opinions et/ou les arguments de chacun. L'enjeu est de prendre des mesures, individuellement, ou collectivement sur l'élaboration, la mise en ½uvre et la révision d'une décision, stratégie ;
  • la codécision / le partenariat : c'est un processus dans lequel les participants sont impliqués et ont la possibilité d'influencer l'élaboration et la mise en ½uvre d'une décision ou d'une stratégie.

Ainsi, le bon niveau de dialogue dépend de plusieurs critères :

  • le niveau de maturité du dirigeant / organisation sur le sujet à traiter ;
  • le niveau de relation avec la partie prenante ;
  • l'importance de la partie prenante, de l'impact de l'activité sur elle et son influence ;
  • la volonté de l'impliquer ou non dans la prise de décision.

Il n'y a pas de recette miracle !

C'est à chacun d'évaluer dans quel cadre il se trouve pour mettre en ½uvre le niveau de dialogue suffisant et adapté au regard des enjeux poursuivis.

La question des parties prenantes est complexe dans l'organisation car elle dépend avant tout d'un facteur humain. D'ailleurs ne dit-on pas qu'une relation est à réévaluer lorsqu'il y a un départ ou une arrivée ?

Et oui, tout changement nécessite de revoir la relation avec les parties prenantes, le niveau de dialogue tout en l'inscrivant dans la durée.

C'est pourquoi, à mes yeux, la conduite d'un changement dans l'organisation, que ce soit la mise en place d'un nouvel outil, l'arrivée d'une nouvelle équipe, la restructuration d'une ligne de services ou encore la création d'une nouvelle offre nécessite de prendre en considération l'ensemble des parties prenantes impactées par le sujet !



Orianne Champon

Conseil en stratégie RSE et Intégration de la RSE dans les métiers du Chiffre