Remontée des seuils d'audit : s'unir ou mourir !

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Longtemps, le métier de commissaire aux comptes a été accessible à tous les diplômés d'expertise comptable, ce qui a été source d'enrichissement technique des professionnels et d'attractivité pour les cabinets en capacité de proposer des missions d'audit à leurs stagiaires.

Aujourd'hui, une catastrophe s'annonce : la fin programmée de l'exercice de la profession de commissaire aux comptes par les cabinets indépendants.

Déjà largement ébranlée par la loi Pacte, puis par un nouveau rehaussement des seuils en février dernier, la profession attend fébrilement la loi Pacte 2 dont la CNCC laisse désormais entendre qu'elle sonnera le glas de notre présence dans les PME :

Seuil Chiffre d'affaires

Seuil Total Bilan

Mai 2019

8000000¤

4000000¤

Février 2024

10000000¤

5000000¤

Été 2024

15000000¤

7500000¤

Si ces rumeurs se confirment, ce sera donc un deuxième rehaussement de seuils au cours de la même année, du jamais vu ! 15 millions d'euros, c'est le nouveau seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les sociétés devront obligatoirement désigner un commissaire aux comptes après l'adoption probable du projet de loi de simplification PACTE 2 par le Parlement (ou par 49.3 !) à l'été prochain.

Cet énième rebond des seuils conduirait inéluctablement à la mort de l'exercice de la profession par les indépendants.

Comment les cabinets pourraient-ils maintenir leur activité de commissariat aux comptes dans ces conditions ? Demain, seuls les grands réseaux régneront en maître sur un marché devenu plus oligopolistique que jamais. Est-ce le sens de l'Histoire que de confier l'audit des entreprises françaises aux seuls cabinets anglo-saxons ?

Mais que fait la CNCC ?

Le 29 février, dans un mail qui fera date, le Président de la CNCC, nous a garanti avoir « défendu jusqu'au bout le statu quo sur ces seuils et les efforts de la CNCC ont tout de même permis de contenir les éventuelles velléités du gouvernement, notamment celle qui aurait consisté à retenir l'option, qui lui était ouverte, des seuils maximaux prévus par les textes européens à hauteur de 7,5 M¤ de total bilan et de 15 M¤ de chiffre d'affaires, avec un impact sur environ 23 000 mandats ».

C'était une plaisanterie. Autant vous dire que c'est dans un contexte de panique à bord que le président de la CNCC, après avoir négocié seul le premier relèvement à 10M¤, a demandé cette semaine au CNOEC de contacter Bercy pour faire face à ce nouveau péril.

En négociant des contreparties lors du vote de la loi Pacte, rappelons que les grands réseaux ont conféré les pleins pouvoir à l'institution nationale avec la création du collège EIP. Autrement dit, un quart des professionnels s'arrogent 50% des droits de vote au Conseil National de la CNCC.

Dès lors, la CNCC ne servait plus les intérêts d'une profession dans son ensemble mais bien les intérêts particuliers de quelques-uns. Ceux-là même qui ne sont, du fait de la composition de leur clientèle, pas impactés par ces rehaussements de seuils successifs.

Et il va sans dire que maintenir une activité CAC cantonnée au visa durabilité relève d'une utopie dès lors que nous n'aurons plus de clients dont nous certifions les comptes.

Alors, faut-il se résigner ?

Se résigner n'est pas une option. Mais la capacité à inverser structurellement la tendance passe par une désyndicalisation de la compagnie.

Les professionnels libéraux adhérents de l'IFEC ne peuvent plus continuer à soutenir un syndicat qui promeut des candidats non représentatifs de la profession. Rappelons que le candidat IFEC à la CNCC, et donc très probable futur président, est associé d'un Big 4. Souhaite-t-on réellement lui confier notre avenir ?

Nous appelons donc tous les libéraux, adhérents de l'IFEC, d'ECF, ou non syndiqués, à s'unir autour d'une liste sous bannière neutre pour renverser la gouvernance.

Nous n'appelons pas à quitter vos syndicats, mais à dissocier les élections Ordre et Compagnie pour sauver l'exercice libéral du commissariat aux comptes. C'est à ce seul prix qu'une majorité sans grands réseaux pourra se dessiner, compte-tenu du mode de scrutin inique.

Enfin, nous appelons Yannick Ollivier et tous les élus du Conseil national de la CNCC à la démission immédiate pour permettre l'organisation anticipée des élections avant l'adoption de Pacte 2.

 

Camille Boivin

Vice-Président d'Ensemble pour agir

Gilles Bösiger

Président d'Ensemble pour agir