Quelles sont les conséquences pratiques de la réforme des retraites sur le calcul des indemnités de fin de carrière ?

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La loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (LFRSS) pour 2023, qui porte la réforme des retraites, est entrée en vigueur au 1er septembre 2023.

Cette loi, complétée par des décrets d'application, prévoit les principales mesures suivantes au regard de l'âge de départ à la retraite :

  • à partir du 1er septembre 2023, l'âge légal de départ à la retraite est progressivement relevé de 62 ans à 64 ans, à raison de 3 mois par génération à compter de celle née le 1er septembre 1961. Ainsi, en 2030, l'âge légal de départ à la retraite sera de 64 ans pour les générations nées en 1968 et suivantes ;
  • la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein est portée à 43 ans en 2027 ;
  • l'âge de départ à la retraite au taux plein sans décote reste fixé à 67 ans.

Selon la CNCC (EC  2023-15, novembre 2023), les entreprises doivent tenir compte des modifications introduites par la réforme dans les comptes annuels des exercices clos à compter du 15 avril 2023.

Dès lors les exercices clos le 31 décembre 2023 sont pleinement concernés.

Conséquences au regard de l'évaluation des indemnités de fin de carrière

Même si une analyse au cas par cas est en effet requise en fonction de la population spécifique à l'entreprise (âge, ancienneté, etc.), sur le principe, la réforme entraîne des conséquences sur l'évaluation des indemnités de fin de carrière, à savoir la dette actuarielle.

Toutefois, il est utile de noter que cette réforme ne peut entraîner aucune conséquence sur le montant des engagements en matière d'IFC lorsque les hypothèses retenues préalablement à la réforme prenaient déjà en compte une date de départ égale ou postérieure à 64 ans.

Compte tenu de l'allongement de la durée de cotisation et du report de l'âge légal de départ à la retraite, l'impact attendu peut être différent selon les faits et circonstances propres à l'entreprise.

Plusieurs cas de figure sont à distinguer :

  • lorsque les droits IFC ne sont pas plafonnés (selon la CCN ou l'accord appliqué), l'impact net de la réforme sur ces engagements devrait être limité :
    • le montant des IFC va avoir tendance à augmenter ;
    • en parallèle, la période d'étalement et d'actualisation des droits devient plus longue, entraînant une diminution du montant.
  • lorsque les droits IFC sont plafonnés (selon la CCN ou l'accord appliqué), l'effet généré sur le montant de l'engagement dépend de l'option de comptabilisation choisie par l'entreprise appliquant la recommandation ANC n°2013-02 :
    • méthode « rétrospective prorata temporis » : répartition des droits à partir de la date de prise de service du salarié ;
    • méthode « ANC 2021 » : répartition à partir de la date à laquelle chaque année de service est prise en compte pour l'acquisition des droits à prestation ;
    • par exemple, pour une entreprise qui évalue l'engagement uniquement sur les années de services au titre desquelles le droit à IFC est généré, le report de l'âge légal entraîne un début de période d'acquisition des droits plus tardif, ce qui conduirait à une réduction du montant de l'engagement.

Comment est intégrée la réforme des retraites dans MyFides ?

Dans une étude, le logiciel compare pour chaque salarié :

  • l'âge de départ calculé en fonction de la date de naissance et de l'âge de départ renseigné soit pour la catégorie de salariés concernée, soit pour sa situation individuelle ;
  • et l'âge de départ légal tel qu'issu de la réforme des retraites d'avril 2023.

Lorsque l'âge de départ calculé est inférieur à l'âge de départ légal (issu de la réforme des retraites d'avril 2023), un message d'anomalie apparaît au niveau de l'onglet « Tests de cohérence » de la rubrique « Salariés » :

Dans cette situation, l'âge de départ individuel et/ou l'âge de départ de la catégorie sont à modifier.

Traitement comptable de l'impact des modifications introduites

Dans la réponse susmentionnée, la CNCC a précisé que les changements induits par la réforme constituent un changement de régime sur le plan comptable (et exclut de les qualifier en tant que changement d'hypothèses actuarielles, aussi bien au titre des IFC).

L'évolution de la dette actuarielle en résultant est à traiter de la manière suivante.

Cas n°1 : l'entreprise applique la recommandation ANC n°2013-02 pour évaluer et comptabiliser ses engagements de retraite au passif du bilan

L'impact de la variation des engagements résultant du changement de régime constitue un coût des services passés.

L'entreprise qui applique la méthode « rétrospective prorata temporis » ou « ANC 2021 » comptabilise en résultat le coût des services passés :

  • dans le cas où les droits à prestations ne sont pas encore acquis, ce coût des services passés est comptabiliser selon un mode linéaire, sur la durée moyenne restant à courir jusqu'à ce que les droits correspondants soient acquis au personnel, à compter de la date de changement de régime ;
  • dans le cas où les droits à prestations sont déjà acquis, l'entreprise comptabilise immédiatement le coût des services passés en résultat.

Pour la dette actuarielle IFC, ce sera cas n° 1. Voir exemple plus loin.

 

Cas n°2 : l'entreprise n'applique pas la méthode de référence en matière de provisionnement et donne uniquement une information en annexe des comptes

Les conséquences des modifications introduites par la réforme doivent être prises en compte dans l'évaluation du montant des engagements mentionnés en annexe.

Lorsque l'entreprise applique la recommandation ANC n°2013-02, l'évaluation du montant mentionné en annexe doit être réalisée selon les méthodes « rétrospective prorata temporis » ou « ANC 2021 ».

Dans tous les cas

Dans toutes les situations, les conséquences des modifications apportées par la réforme sur l'évaluation des engagements de retraite et avantages similaires et, le cas échéant, leur impact sur le bilan et le compte de résultat, doivent faire l'objet d'une information détaillée en annexe.

Exemples concrets



Pour le cas n°1 ci-dessus

Une entreprise avait une dette actuarielle de 100 au 31/12/2022, évaluée avec un âge de départ pour tous les salariés à 62 ans.

Au 31/12/2023, eu égard à la réforme, la dette actuarielle est calculée avec un âge de départ de 64 ans (plancher d'âge légal par rapport à la population des salariés), soit 1,5 an de plus que précédemment. Son montant ressort à 105.

La dette actuarielle au 31/12/2023 déterminée avec un âge de 62 ans aurait été d'un montant de 102.

La variation de la dette actuarielle (total = 5) se décompose en :

  • évolution « normale » annuelle = 2 ;
  • impact « changement de régime » = 3.

La durée moyenne des droits à IFC restant à courir pour l'ensemble des salariés est de 15 ans. En pratique, il faudrait :

  • enregistrer 2 en résultat 2023 ;
  • lisser 3 sur 15 ans, soit 0,2 en 2023.

L'impact sur le résultat 2023 serait alors de 2,2 et il resterait 2,8 à étaler sur les 14 années suivantes.

En pratique, il n'est pas certain que chaque entreprise puisse scinder avec une précision suffisante la variation de la dette actuarielle entre les deux composantes mentionnées ci-dessus. De plus, on peut s'interroger sur le caractère significatif ou non de la variation liée au changement de régime et sa comptabilisation intégrale en résultat sur l'exercice 2023 en l'espèce.

Pour le cas n°2 ci-dessus

En reprenant les données de l'exemple ci-avant, la variation de 5 serait intégralement comptabilisée en résultat pour l'exercice 2023.

Comment peut-on calculer l'impact du changement de régime dans MyFides ?



Sur le principe

Pour toutes les études réalisées à partir de 2023 (date de calcul, onglet « Paramètres »), les dettes actuarielles relatives aux IFC sont déterminées à partir des modalités issues de la réforme des retraites d'avril 2023.

Pour connaître le montant de la dette actuarielle de 2023 déterminée selon les règles antérieures, en conservant les âges initiaux de départ (avant modification éventuelle, au niveau individuel ou de la catégorie, liée à la réforme des retraites), il suffit de cocher cette case sur l'onglet « Paramètres » :

Attention

Le fait de cocher la case n'a un impact que :

  • sur l'affichage des anomalies d'âge de départ ;
  • et sur la dette actuarielle pour les « mises à la retraite » (taux de contribution patronale de 30% ou de 50%).

A noter que pour un ou plusieurs salariés, l'âge de départ calculé est inférieur à l'âge de départ légal (issu de la réforme des retraites d'avril 2023), un message d'anomalie reste volontairement affiché. Toutefois, si vous avez coché la case pour ne pas tenir compte de la réforme dans les calculs, ne tenez pas compte de ces incohérences 'Réforme 2023'.

Pour connaître la décomposition de la variation de la dette actuarielle des IFC, il convient de calculer celle-ci :

  • à fin 2022, avec l'âge de départ retenu à l'époque, par exemple 62 ans : à facteur A ;
  • à fin 2023, avec l'âge de départ retenu à fin 2022, par exemple 62 ans : à facteur B ;
  • à fin 2023, avec le ou les âges de départ modifiés conformément à la réforme des retraites, soit en général 64 ans : à facteur C.

La variation totale de la dette actuarielle, soit C - A, se décompose alors en :

  • part liée aux hypothèses actuarielles (salaires, salariés, taux d'actualisation, etc.) = B - A ;
  • part liée au changement de régime (âge de départ lié à la réforme) = C - B.

Comme indiqué par ailleurs, si tous les salariés avaient été renseignés avec un âge de départ à 64 ans, il n'y aura aucune différence de dette actuarielle entre l'application ou non de la réforme.

Et concrètement dans MyFides – Cas avec départ volontaire

Une entreprise avait une population de 25 salariés, avec un âge de départ à 62 ans à fin 2022 :

1/ La dette actuarielle à fin 2022 s'élevait à 75 500¤ (facteur A) :

2/ Pour cette étude, réalisée cette fois en 2023, après actualisation de tous les autres paramètres (salaires, salariés, taux d'actualisation, etc.), on conserve provisoirement les âges de départ à 62 ans :

Il en ressort une dette actuarielle provisoire à fin 2023 d'un montant de 91 257¤ (facteur B) :

A noter que, comme l'âge de départ a été indiqué comme encore 62 ans pour un calcul effectué en 2023, il y a bien le message d'anomalies et d'incohérences qui s'affiche.

3/ En 2023, l'âge de départ de tous les salariés est modifié et porté de 62 ans à 64 ans :

En conservant les autres paramètres actualisés (salaires, salariés, taux d'actualisation, etc.), la dette actuarielle ressort à 88 445¤ (facteur C) :

A noter que, comme l'âge de départ a été mentionné à 64 ans pour un calcul en 2023, il n'y a plus de message d'anomalies et d'incohérences.

4/ La décomposition de la variation de la dette actuarielle entre 2022 et 2023, d'un montant global de 12 945¤ (c'est à dire 88 445 - 75 500), s'établit comme suit :

  • Part liée aux hypothèses actuarielles (salaires, salariés, taux d'actualisation, etc.) =
    • B - A = 91 257 - 75 500 = 15 757¤ ;
  • Part liée au changement de régime (âge de départ) =
    • C – B = 88 445 - 91 257 = -2 812¤.

Souhaitons que cette réforme contribue à faire prendre conscience aux dirigeants de l'importance de bien connaitre le montant de cet engagement incontournable, d'en mesurer les effets et bien sûr d'en anticiper le financement.

Sur le plan technique, la maitrise de ces montants est facilement calculable grâce au logiciel de simulation MYFIDES.

De par leur connaissance de l'entreprise, nul doute que les experts-comptables et les commissaires aux comptes ont un rôle essentiel dans la prévention et l'accompagnement des mesures à mettre en place.


MyFides est une association créée par des experts-comptables pour les experts-comptables et leurs clients.
Elle propose de nombreux outils pratiques : chiffrage et présentation des passifs sociaux de l'entreprise liés aux indemnités de fin de carrière (IFC by MyFides) ; vérification de la conformité du Fichier des Ecritures Comptables (veryFEC) et d'Examen de Conformité Fiscale (ECF).
En 2023, MyFides lance un nouvel outil, dédié au diagnostic de conformité sociale : Social'360 by Myfides.