Les compétences spécialisées des experts-comptables

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Le décret n°2022-1732 du 30 décembre 2022 a supprimé la procédure de reconnaissance des compétences spécialisées qui existait depuis le 23 juin 2020.

Depuis, dans quelle mesure les experts-comptables peuvent-ils faire état de spécialités sectorielles ou techniques ? Comment valoriser auprès du public ce qui fait le c½ur de métier de son cabinet ? Retour sur les dernières évolutions de réglementation professionnelle.

Une procédure d'autorisation apparue avec la loi Pacte

En 2020, un décret d'application de la loi PACTE[1] modifiait le Code de déontologie pour autoriser les professionnels de l'expertise comptable à faire reconnaître leurs compétences spécialisées.

Cette reconnaissance reposait alors sur une autorisation préalable des Conseils régionaux de l'Ordre des experts-comptables (CROEC). Elle se faisait aux conditions suivantes :

  • reconnaissances pour 5 ans renouvelables ;
  • spécialité issue de la connaissance d'un secteur économique spécifique (secteur public, professionnels libéraux, etc.) ou d'un domaine de compétence technique (audit des systèmes d'informations, normes internationales, etc.) ;
  • reconnaissance au niveau de l'expert-comptable personne physique et non du cabinet d'expertise comptable ;
  • justification par la formation ou l'expérience professionnelle ;
  • possibilité de communiquer auprès des prospects et clients sur cette spécialisation.

Le diplôme devait être obtenu depuis moins de 5 ans et représenter plus de 120 heures. Dans le cas contraire, il pouvait être complété par une expérience professionnelle représentant au moins 10% de l'activité professionnelle, par an, complétée par un investissement dans les associations, organismes, travaux de recherche, publications, etc.

En juin 2020, le  Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables [depuis renommé Conseil national] décidait d'ouvrir la plateforme « Mon Espace Ordinal » (MEO) permettant aux experts-comptables de déposer des demandes de reconnaissance de compétences spécialisées.

Une procédure peu utilisée en pratique

La création de cette plateforme nationale a rapidement soulevé des questions dans la profession. En effet, sur le plan juridique, les textes prévoyaient uniquement une validation au niveau régional. De son côté, le Conseil national confirmait « intervenir aux côtés du Conseil régional » tout en précisant que « la gestion de la liste des compétences ne [pouvait] se faire qu'au niveau national, pour garantir l'homogénéité de l'ensemble[2] ».

Malgré l'absence de chiffres nationaux, certaines données régionales faisaient alors état d'une utilisation relativement faible de ce nouveau dispositif. A titre d'exemple, 18 mois après le démarrage de la plateforme, le CROEC de Paris Île-de-France déclarait 74 demandes[3].

Mars 2021 : le CNOEC vote la suppression de la procédure d'autorisation préalable

En mars 2021, le CNOEC votait la fin du dispositif de reconnaissance des compétences spécialisées par l'Ordre et annonçait un toilettage des textes pour 2022. Lionel Canesi, alors président du CNOEC, expliquait cette décision :

« Je ne suis pas contre la spécialisation des experts-comptables, je le suis moi-même. Je suis contre la gestion de ces compétences spécialisées par l'Institution et les contraintes qu'elle fait peser sur les professionnels (contrôle qualité, diplômes, formations...). Je ne souhaite pas non plus que l'Ordre s'immisce dans les choix stratégiques d'un cabinet. Il faut libéraliser la communication sur la spécialisation pour tous les experts-comptables »[4].

Décembre 2022 : publication du décret qui entérine la suppression de l'autorisation préalable

Publié dans le dernier Journal officiel de l'année 2022, le décret n° 2022-1732 relatif à l'organisation de la profession d'expert-comptable, supprime le dispositif créé en 2020.

Article 14 du décret n°2022-1732

I.-L'article 140 bis est abrogé.

II.-Au 3° de l'article 154, les mots : « peuvent aussi être mentionnées les spécialisations reconnues par l'Ordre dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l'économie » sont remplacés par les mots : « peuvent aussi être mentionnées, dans les conditions déterminées par le règlement intérieur de l'Ordre prévu à l'article 60 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée, les spécialisations issues soit de leur formation soit de leur expérience professionnelle ».

En pratique, il n'est donc plus nécessaire d'obtenir une reconnaissance de ses compétences spécialisées par les instances pour pouvoir communiquer.

Les règles générales de communication restent applicables

La suppression de la reconnaissance préalable des compétences spécialisées ne signifie pas que la communication est totalement libéralisée. Les actions de communication restent encadrées par les textes en vigueur, et notamment par le Code de déontologie de la profession[5] en son article 141 :

  • ne pas porter atteinte à l'indépendance, à la dignité et à l'honneur de la profession, pas plus qu'aux règles du secret professionnel et à la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession ;
  • n'adopter aucune forme d'expression qui soit de nature à compromettre la dignité de la fonction ou l'image de la profession ;
  • plus généralement, la communication doit être décente et empreinte de retenue, sans inexactitude, ni élément susceptible d'induire le public en erreur ;
  • être exempts de tout élément comparatif.

[1] Décret n°2020-1290 du 22 octobre 2020

[2] Gilbert Le Pironnec, alors vice-président du CSOEC, dans une interview donnée à Compta Online, le 14 juillet 2020

[3] Voir « Compétences spécialisées : retour sur ce dispositif 18 mois après son lancement », publié sur Compta Online

[4] Voir « Compétences spécialisées : retour sur ce dispositif 18 mois après son lancement », publié sur Compta Online

[5] D. n° 2012-432, 30 mars 2012



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.