Procédures collectives et professions libérales : quelles spécificités ?

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Le tribunal judiciaire, issu depuis le 1er janvier 2020 de la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, est compétent en matière de procédures préventives ou collectives concernant un débiteur libéral.

Ces procédures relèvent toutes du Livre VI du code de commerce mais il existe certaines particularités applicables aux professionnels libéraux.

Pourquoi la juridiction judiciaire est-elle compétente ?

Généralement, les difficultés financières des entreprises relèvent de la compétence des tribunaux de commerce. Toutefois, les professionnels libéraux sont définis par le législateur comme « des personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile (...) » (article 29 de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives). Par conséquent, c 'est le tribunal judiciaire, juridiction civile, qui est compétent pour mener à bien la procédure amiable ou collective d'un professionnel libéral (article L. 721-5 du code de commerce). 

Mais cela n'est pas aussi évident pour tous les libéraux, comme pour les pharmaciens, qui réalisent des actes de commerce et qui ont la qualité de commerçant.

Christine Lebel, maître de conférences à l'Université de Franche-Comté, et Michel Di Martino, expert-comptable et président honoraire du tribunal de commerce de Lons le Saunier ont rappelé, à l'occasion d'une émission diffusée sur Fuz'experts.tv (« Les procédures amiables et collectives devant le tribunal judiciaire ? »), bien qu'étant une profession libérale, les pharmaciens relèvent toujours du tribunal de commerce.

L'ordre professionnel doit être représenté au cours de la procédure

Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont il relève (article L. 621-1 du code de commerce).

La Cour de cassation a notamment annulé l'extension d'une procédure entre une société d'expertise comptable et une société de commissariat aux comptes pour défaut de convocation de l'Ordre (Cour de cassation, civile, chambre commerciale, 5 novembre 2013, n° 12-21.799).

« Il arrive que l'Ordre appelé ne vienne pas, mais il doit être averti », Michel Di Martino (interview sur Fuz'experts.tv).

Les représentants de l'Ordre ou de l'autorité compétente sont également entendus à différentes étapes de la procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

L'Ordre professionnel est notamment entendu préalablement à l'ouverture de ces procédures.

L'Ordre professionnel est aussi automatiquement contrôleur. Il est désigné dès le jugement d'ouverture (articles L. 621-10, L. 631-9 et L. 641-1 du code de commerce).

Pas de faillite personnelle prononcée à l'encontre des libéraux soumis à des règles disciplinaires

Conformément à l'article L. 651- 1 3e du code de commerce, les personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires ne sont pas passibles de la faillite personnelle. Il appartient à l'organisme chargé de l'application des règles disciplinaires de prononcer des sanctions.

Pour les experts-comptables en particulier, Michel Di Martino précise que c'est la chambre de discipline de l'Ordre qui doit régir le problème.

« Il est important de rappeler que toutes les sanctions prévues aux articles L. 653-1 et suivants du code de commerce ne sont pas applicables aux professions libérales, toutes catégories confondues », Christine Lebel (interview sur Fuz'experts.tv).

Seule exception, les professions libérales sont passibles de la banqueroute car il s'agit d'une sanction économique et non d'une sanction disciplinaire.

Liquidation judiciaire : les actes professionnels sont effectués par le délégué de l'Ordre professionnel

Dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal désigne, lors de l'ouverture de la procédure, le représentant de l'Ordre professionnel ou de l'autorité compétente dont il relève, aux fins d'exercer les actes de la profession (article R. 641-36 du code de commerce).



Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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