La procédure de conciliation pour les entreprises en difficulté financière

Article écrit par (1328 articles)
Publié le
Modifié le 16/07/2024
1 232 lectures

Une entreprise qui doit faire face à des difficultés financières peut choisir d'avoir recours à la procédure de conciliation. Cette procédure amiable a pour objectif principal d'obtenir un accord avec les créanciers de l'entreprise afin de prévenir des difficultés financières.

Les entreprises concernées

La procédure de conciliation peut être mise en ½uvre par les micro-entreprises, les entrepreneurs individuels exerçant une activité artisanale ou commerciale, les sociétés ainsi que les professions libérales (y compris les activités réglementées).

Pour les activités agricoles, il existe un dispositif spécifique permettant de demander la nomination d'un conciliateur : la procédure du règlement amiable agricole. En effet, l'article L611-5 du Code de commerce précise que « la procédure de conciliation n'est pas applicable aux personnes exerçant une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime qui bénéficient de la procédure prévue aux articles L. 351-1 à L. 351-7 du même Code ».

Quelles sont les conditions d'ouverture de la procédure de conciliation ?

Les conditions d'accès à cette procédure sont prévues par l'article L611-4 du Code de commerce : « Il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ».

La procédure de conciliation peut donc être demandée si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • l'entreprise rencontre des difficultés financières (client douteux), économiques (pertes de contrats) ou juridiques (litiges avec un tiers) existantes ou prévisibles ;
  • l'état de cessation des paiements, le cas échéant, doit daté de moins de 45 jours.

Un arrêté du 5 juillet 2024 (NOR : JUSB2418778A) désigne 12 tribunaux de commerce qui deviendront les tribunaux des activités économiques (TAE) dès le 1er janvier 2025.

Cette expérimentation de 4 ans s'inscrit dans la loi de programmation 2023-2027 du ministère de la Justice. Les conditions d'application sont précisées par le décret n°2024-674 du 3 juillet 2024.

Les TAE auront compétence pour gérer les procédures amiables, collectives, et les contestations relatives aux baux commerciaux liés aux procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les parties seront dispensées de l'obligation d'avoir un avocat pour les demandes inférieures à 10 000¤.

Les dispositions relatives aux compétences des TAE en matière de procédure amiable et collective ne concernent pas les débiteurs exerçant une profession du droit réglementée.

Comment faire une demande de conciliation ?

Le représentant légal de l'entreprise doit formuler sa demande appelée « requête » sur un imprimé prévu à cet effet, qu'il devra ensuite transmettre au président du tribunal de commerce pour les activités artisanales et commerciales ou au président du tribunal judiciaire pour les activités libérales.

La requête doit justifier de l'état de difficulté rencontré par l'entreprise en décrivant la situation et en exposant les solutions envisageables pour redresser l'activité.

La demande adressée auprès du tribunal doit être accompagnée des documents suivants :

  • extrait Kbis ou SIREN permettant d'identifier l'entreprise ;
  • état des créances et des dettes avec un échéancier ;
  • état de l'actif et du passif des sûretés (hypothèque, nantissement, gage, cautionnement) ;
  • état des engagements hors bilan ;
  • comptes annuels des 3 derniers exercices comptables ;
  • tableau de financement permettant d'identifier l'actif réalisable et disponible ainsi que le passif exigible pour les 3 derniers exercices comptables ;
  • une attestation sur l'honneur précisant que l'entreprise n'a pas fait l'objet d'une procédure de conciliation dans les 3 mois précédant la présente demande ;
  • au besoin : une déclaration mentionnant la prise en charge des frais de procédure par un tiers.

Enfin, si l'entreprise est en état de cessation des paiements, elle doit le mentionner dans sa requête. A noter que la procédure de conciliation, comme indiqué précédemment, n'est possible que dans les 45 jours suivant la survenance de l'état de cessation des paiements.

Enfin, à ce stade, la procédure de conciliation doit rester confidentielle.

Dans un arrêt du 3 juillet 2024, la Cour de cassation a annulé un arrêt de la Cour d'appel de Paris concernant un litige entre une société et une banque.

La société, en redressement puis liquidation judiciaire, avait obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation. La banque, après avoir déclaré la société en défaut à la Banque de France, a causé un préjudice en révélant cette information confidentielle.

La Cour de cassation a jugé que la déclaration de défaut par la banque constituait un trouble manifestement illicite, violant ainsi la confidentialité de la procédure de conciliation (Cour de cassation, 3 juillet 2024, n°22-24.068).

Quels sont les effets d'une procédure de conciliation ?

Après étude de la requête, si celle-ci est approuvée, le président du tribunal ouvre la procédure de conciliation en rendant une ordonnance qui nomme le conciliateur, définit l'étendue de la mission, précise les modalités de rémunération ainsi que la durée de la conciliation.

Le conciliateur

Le conciliateur est désigné par le président du tribunal et mentionné dans l'ordonnance. Le représentant légal de l'entreprise peut proposer un conciliateur de son choix mais le président du tribunal n'est pas tenu de respecter la demande. Par ailleurs, il convient d'éviter les incompatibilités notamment de liens financiers récents (moins de 24 mois) avec l'entreprise en conciliation. Habituellement, le conciliateur est un administrateur judiciaire.

La mission

Le rôle du conciliateur est d'obtenir un accord de négociation des échéances de règlements avec les partenaires de l'entreprise (banque, fournisseurs, organismes sociaux et fiscaux...) afin de redresser la situation financière. L'accord peut également porter sur une remise de dettes ou une remise de pénalités (intérêts de retard par exemple).

Dans le cadre d'une procédure de conciliation, le représentant légal de l'entreprise reste décisionnaire et continue d'assurer la gestion de son entité. Il travaille en partenariat avec le conciliateur afin de trouver des solutions permettant de garantir la pérennité de l'entreprise.

Rémunération et durée de la mission

La rémunération est fixée par le président du tribunal et indiquée dans l'ordonnance. La durée de la mission du conciliateur est prévue pour 4 mois et peut sur demande être prolongée d'un mois sans pouvoir excéder un total de 5 mois. Seul le conciliateur peut formuler cette demande de prolongation d'un mois. Celle-ci s'effectuera directement auprès du président du tribunal concerné.

L'issue de la procédure

Lorsqu'une entente est trouvée avec les créanciers, un accord de conciliation est signé avec ceux-ci. L'accord pourra ensuite faire l'objet d'un constat ou d'une homologation selon le choix de l'entreprise en difficulté.

L'accord de conciliation mentionne les négociations obtenues. Le fait de demander au président du tribunal de constater l'accord permet de conférer à celui-ci une force exécutoire. La constatation de l'accord n'est pas publiée.

L'homologation de l'accord se fait sur demande de l'entreprise en difficulté. L'avantage pour les créanciers en cas d'homologation est d'être prioritaire concernant les paiements dans le cas où l'entreprise serait placée en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire. L'homologation fait l'objet d'une publication. De plus, en cas d'homologation, le comité social et économique (CSE) de l'entreprise doit être informé du contenu de l'accord.