Les mesures de protection du salaire à l'égard des créanciers de l'employeur et du salarié

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Le salaire représente souvent l'unique ressource d'un salarié. Sa rémunération lui est donc essentielle pour subvenir à ses besoins vitaux ainsi qu'à ceux de sa famille. Il bénéficie pour cette raison de mesures de protection qui lui assurent un minimum de revenus.

Certaines de ces mesures s'appliquent à l'égard des créanciers de l'entreprise qui l'emploie, dans le cadre d'une procédure collective notamment. D'autres concernent directement ses propres créanciers et viennent encadrer les dispositifs de saisie et cession sur salaire.

Les garanties du salarié contre les créanciers de l'employeur lors des procédures collectives

Lors de l'ouverture d'une procédure collective (procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire), les salariés bénéficient de mesures de protection supplémentaires par rapport aux autres créanciers. Ils ne sont pas de simples créanciers chirographaires, c'est-à-dire ne disposant d'aucune garantie, mais des créanciers privilégiés remboursés en priorité.

Un privilège général sur les meubles et les immeubles

Les salariés bénéficient d'un privilège général sur les biens mobiliers et immobiliers de leur employeur (article L3253-1 du Code du travail). Le privilège est un droit qui leur permet d'être payés en priorité par rapport aux autres créanciers lors de la vente des biens de l'employeur. Il est dit « général », car il porte sur l'ensemble des biens (à l'inverse d'un privilège spécial). 

Les éléments de salaire concernés par ce privilège sont notamment :

  • les rémunérations des salariés et des apprentis des six derniers mois ;
  • les indemnités de fin de contrat ;
  • les indemnités de congés payés et de licenciement ;
  • les dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse.

Ce privilège général s'applique en priorité aux biens meubles. Dans ce cas, le remboursement des créances salariales intervient après le paiement des frais de justice et des frais funéraires (article 2331 du Code civil).

Si les biens mobiliers ne sont pas suffisants pour désintéresser les salariés, ce privilège s'applique également aux immeubles. Dans ce cas, les créances salariales se situent au deuxième rang : elles doivent être remboursées après le paiement des frais de justice.

Le superprivilège lors d'une procédure collective

Les salariés bénéficient également d'un superprivilège. Celui-ci leur garantit qu'une partie de leur rémunération leur sera payée en priorité en cas de procédure collective. Ce privilège porte autant sur les biens mobiliers que sur les biens immobiliers de l'employeur.

L'article L3253-2 du Code du travail précise que les salaires concernés sont « les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail ». Ces sommes sont toutefois limitées à deux fois le plafond de la Sécurité sociale.

Le régime de garantie des salaires de l'AGS

Lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure collective et n'a pas les fonds nécessaires pour rembourser ses salariés, c'est l'AGS (l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés) qui intervient.

Le mandataire judiciaire établit un relevé de créances salariales qui est vérifié par le représentant des salariés (comme prévu à l'article L625-2 du Code de commerce). L'AGS verse ensuite les salaires au mandataire dans un délai de cinq jours après réception de ce relevé.

L'AGS ne prend pas en charge l'intégralité des créances des salariés. Les sommes qu'elle garantit sont plafonnées et dépendent du type de procédure.

Lors d'une procédure de sauvegarde, les créances garanties par l'AGS sont uniquement celles relatives aux indemnités de licenciement pour motif économique.

Lors d'un redressement judiciaire, elle garantit notamment :

  • les salaires pour les 60 derniers jours de travail des salariés ;
  • les indemnités dues à la rupture des contrats de travail pendant la période d'observation ou suite à l'arrêté du plan de redressement ou de cession.

Lorsque le tribunal prononce la liquidation, sont garantis par exemple :

  • les salaires et les indemnités de congés payés dans la limite d'un mois et demi de salaire ;
  • certaines sommes résultant de la rupture des contrats si la poursuite d'activité est autorisée par le jugement de liquidation judiciaire.

La protection des créances salariales lors d'une saisie ou d'une cession sur salaire



Le mécanisme de la saisie sur salaire

Une saisie sur salaire consiste pour un créancier à obtenir le remboursement de sa créance directement auprès de l'employeur de son débiteur. L'employeur ne verse alors au salarié qu'une partie de sa rémunération. L'autre partie est affectée au paiement de la dette.

Afin de protéger le salarié, cette saisie fait l'objet d'une procédure encadrée. Le créancier du salarié doit faire appel au juge du tribunal judiciaire qui organise dans un premier temps une audience de conciliation. C'est uniquement si le désaccord entre les deux parties persiste que la saisie est mise en place.

Pour cela, un acte de saisie est adressé à l'employeur. Ce dernier doit alors verser tous les mois au greffe du tribunal la fraction de la rémunération du salarié concernée par la saisie.

Le montant maximal qui peut être saisi est calculé à partir d'un barème par tranches de revenu. Par ailleurs, le salarié ne doit pas se retrouver sans ressource. Il conserve obligatoirement la fraction de sa rémunération égale au « solde bancaire insaisissable ». Celui-ci correspond au montant du revenu de solidarité active (le RSA, soit 607,75¤ en 2024).

La rémunération saisissable comprend notamment les salaires et les avantages en nature, mais également d'autres éléments tels que les indemnités journalières de maladie ou les allocations chômage.

La cession de salaire mise en place par le salarié

Un salarié endetté peut choisir de rembourser sa dette en cédant son salaire à son créancier. Il s'agit d'une procédure consentie contrairement à la saisie qui s'impose à lui.

Comme dans le cadre de la saisie, seule une portion de la rémunération peut être cédée afin de garantir au salarié un revenu minimal. Le même barème que pour les saisies s'applique. Par ailleurs, là aussi, le salarié doit continuer de percevoir un montant au moins égal au RSA.

Pour mettre en place une procédure de cession, le salarié doit établir une déclaration au greffe du tribunal. L'employeur est informé de la cession par le greffe. Il verse alors les sommes concernées directement au créancier.

Le cas des pensions alimentaires

Dans le cadre d'une pension alimentaire non versée, le « créancier d'aliment » (la personne qui aurait dû percevoir la pension) peut agir auprès de l'employeur de son débiteur.

Elle est prioritaire si plusieurs procédures de saisie existent à l'encontre d'un même salarié. L'employeur doit verser la fraction de salaire concernée directement au créancier.

Comme précédemment, le débiteur conserve une portion de rémunération au moins égale au RSA. Toutefois, le barème qui limite le montant saisissable ne s'applique pas.