La procédure de mandat ad hoc et cessation de paiement

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Le Code de commerce ne consacre que 6 articles spécifiques au mandat ad hoc, afin de laisser à cette procédure contractuelle la plus grande souplesse et liberté entre le débiteur et les créanciers.

Toutefois, un mandat ad hoc peut-il être ouvert lors d'une cessation de paiement ?

Le mandat ad hoc est possible dès lors que la cessation d'activité est récente

L'article L.631-4 du Code de commerce, qui concerne l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, indique :

« L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur, au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements... ».

La loi accorde bien un délai de 45 jours après la cessation de paiement au débiteur. Passé ce délai, la déclaration de cessation de paiement devient obligatoire. Il n'est donc pas interdit par la loi de solliciter un mandat ad hoc, dès lors que la cessation de paiement est récente, et n'a pas dépassé le délai de quarante cinq jours.

« Ce que la loi n'interdit pas est permis » (Corinne Saint-Alary-Houin).

« La procédure de mandat ad hoc n'est pas inconciliable avec l'état de cessation de paiement du débiteur, dès lors que cet état n'existe pas depuis plus de quarante-cinq jours » - P.-M Lecorre – Droit et pratique des procédures collectives. Dalloz – 2020-2021 §123.114.

« Le débiteur disposant de 45 jours, à compter de la cessation des paiements, pour demander l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, il ne commet aucune faute si, avant l'expiration de ce délai, il ne demande pas l'ouverture d'une procédure collective mais d'un mandat ad hoc. » - F-X Lucas – Manuel de droit de la faillite. PUF 2021 §46.

Dans ce cas, l'intervention rapide du mandataire ad hoc fera cesser la cessation de paiement par la négociation et l'obtention de délais et de moratoires auprès des créanciers, et ce dans le délai de quarante-cinq jours.

L'objet d'un mandat ad hoc est souvent :

  • d'éviter la cessation de paiement ;
  • et/ou de faire cesser une cessation de paiement très récente (dans tous les cas, en deçà de 45 jours). 

Quid de la cessation de paiement « accidentelle » ?

« La cessation de paiement se produit fréquemment au cours de l'activité normale d'une entreprise, sans pour cela, constituer un danger pour sa survie... On peut ajouter que la pratique des tribunaux de commerce est extrêmement pragmatique et qu'ils font sans être contredits, une appréciation de la cessation de paiement très souvent liée aux circonstances » (Rapp. AN n°2095 – 11/02/2005, X. de Roux, p.48).

Dès lors que cette cessation de paiement est accidentelle, surtout dans le contexte économique actuel, celle-ci ne doit pas contraindre l'entreprise à se trouver prise systématiquement dans une procédure collective avec les conséquences que l'on connaît pour l'entreprise et le dirigeant.

Difficultés de trésorerie ne signifient pas toujours situation irrémédiablement compromise. 

Une entreprise peut très bien connaître un accident ou une panne de trésorerie dus aux « caprices » de son besoin en fonds de roulement, non prévus et mal financés, sans être pour cela en cessation de paiement. Faut-il encore que cette situation ne devienne pas habituelle.

Effectivement dans cette situation, la rapidité du mandataire ad hoc est primordiale, afin de ne pas dépasser le délai fatidique de 45 jours. 

Une position partagée par de nombreux auteurs

Voici plusieurs auteurs qui déclarent que la procédure de mandat ad hoc n'est pas incompatible avec l'état de cessation de paiement du débiteur, dès lors que celle ci ne date pas de plus de 45 jours :

  • P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, 2021-2022, §123.114 ;
  • A. Lienhard, Procédures collectives, Delmas, 2019-2020, §11.15 F-X Lucas, Manuel de droit de la faillite, PUF, 2021, §46 ;
  • T. Monteran, Le mandat pour tous ! Gaz. Pal. 18-19 janvier 2013, p.13 ;
  • Jacquemont, Vabres, Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, LexisNexis, 2019, §82 (11ème éd.) ; 
  • Ph. Roussel Galle, Mandat ad hoc et conciliation, MPA, 2 juillet 2006, n°9, p.10 ;
  • J. Vallansan, Guide des procédures collectives, LexisNexis, 2020/21, §50 (sous forme interrogatoire) ;
  • J-L. Vallens (avec prudence...), Lamy Droit commercial, 2019, §2776 ;
  • S. Farhi, Les procédures collectives, Gualino, 2020 – 2ème Ed. , p.9 ;
  • D. Voinot, Procédures collectives, éd. Montchrestien, 2011, p.29 §59 ;
  • M. Rakotovahiny, Fiches de procédures collectives, éd. Ellipses, 2016, p.28 ;
  • C. Le Gallou, Droit des sûretés, Droit des entreprises en difficulté, 2ème ed. Paradigme, 2015, p.242 §400 ;
  • M. Di Martino, Procédures amiables et collectives, LexisNexis, 2022, chap.16 ;
  • Guide pratique de procédure à l'usage de l'avocat, LGDJ-EFB, 2018 §547 (ouvrage collectif) ; 
  • G. Cesare Giorini, cours de droit des entreprises en difficulté (3ème éd.).

« Certains chefs de juridiction demandent au débiteur de déclarer de ne pas être en cessation des paiements... Cette mention ne répond pas à une condition légale spécifique » (M. JL Vallens, Lamy Commercial, 2019, §2776).

Des précisions de la Cour de cassation

Une jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, ou un texte serait le bienvenu.

Attention : un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation a bien précisé qu'un mandat ad hoc n'est pas la solution lorsque la situation financière de l'entreprise est compromise et que le mandat n'a pas de chance d'aboutir (Cass. Com. 03/11/2015).

Rappelons que le mandat ad hoc est une procédure amiable purement contractuelle et qu'un créancier, dans un mandat ad hoc, peut refuser les propositions du mandataire ad hoc, sans pour cela être fautif (Cass. Com. 22/09/2015).



Michel Di Martino est expert-comptable et commissaire aux comptes, docteur en droit privé et ancien président du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier.