Les fautes d'orthographe font perdre des millions d'euros aux entreprises

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Depuis notre plus jeune âge et jusqu'à nos 18 ans, les dictées, les rédactions, la grammaire... font partie intégrante de notre quotidien. On (nos parents et nos professeurs surtout) nous expliquent qu'il est absolument primordial de ne pas faire de faute.

Enfant, on rechigne un peu.
Adulte, on oublie.
Tout simplement.

On oublie l'importance du français, des règles, de la conjugaison, de la ponctuation. Et pourtant, entrepreneurs français et internationaux sont unanimes : les fautes d'orthographe dans les e-mails, sites Internet ou courriers font perdre des millions aux entreprises ! Oui, vous avez bien lu, des millions. Si vous voulez éviter de voir couler le navire pour cause de mauvais accords grammaticaux, veillez à votre niveau de langue et à celui de vos collaborateurs.

Un bon niveau de langue : primordial en entreprise ?

Bien que nous n'y pensions pas forcément lorsque l'on passe des entretiens pour un nouveau poste, l'orthographe reste pourtant l'un des critères principaux de sélection en entreprise. 82% des recruteurs français affirment y être sensibles et vérifier ce critère scrupuleusement.

Malgré ces précautions initiales, une étude anglaise de 2014 a mis en avant que pas moins de 90% des e-mails professionnels comportent au moins une faute d'orthographe. Révoltant !

Certaines fautes, les fautes de frappe, sont plus tolérées car elles sont liées à une notion d'urgence. Toutefois, attention à ne pas trop en commettre car cela pourrait laisser croire à votre interlocuteur que vous ne lui portez aucun intérêt et que votre temps est plus précieux que le sien. Fautes de frappe ou d'orthographe, un seul conseil : relisez-vous !

Paradoxalement, nous vivons à une époque où nous n'avons jamais autant écrit (en comptant l'écriture non-manuscrite bien entendu) mais où le niveau d'orthographe n'a jamais semblé aussi bas. A quoi cela est-il dû ? Pas aux téléphones portables et au langage SMS comme certains aiment à le croire (selon une étude des universités de Poitiers, Toulouse et Nanterre), mais peut-être en partie à cause de notre gêne et celle des entreprises à ce sujet. Ne pas maîtriser parfaitement l'anglais ou une compétence technique est relativement accepté et compris dans notre pays, le français en revanche - notre langue maternelle - est une compétence où nous n'avons pas le droit à l'erreur. Et si c'est le cas, si nous commettons des fautes, nos collaborateurs et nous-mêmes préférons souvent fermer les yeux plutôt que de régler le problème à sa source. A cause de ce tabou, les fautes continuent de se commettre.

Heureusement, les entreprises commencent à se réveiller, à prendre en main le problème et à chercher des solutions pour résoudre la crise Larousse 2.0.

Fautes d'orthographe en entreprise : qui paye l'addition ?

L'image d'une entreprise tend à décroître lorsque des fautes d'orthographe sont régulièrement commises par ses employés. Cela donne une mauvaise impression : peu de rigueur, pas de conscience professionnelle, pas de relecture, pas de professionnalisme tout simplement.

Certains recruteurs commencent à s'attaquer à ce fléau, comme Charles Duncombe en Angleterre. Ce dernier s'est récemment exprimé devant la BBC pour affirmer que selon son expertise, une seule faute d'orthographe sur le portail Internet d'une entreprise peut faire chuter de moitié ses ventes en ligne. De moitié ! Les entreprises de commerce en ligne sont en effet celles qui souffrent le plus des conséquences d'un mauvais niveau de langue.

En France, même constat. Valérie Guibout - manager chez Adecco France - affirme que ses clients ont du mal à trouver des assistants ou secrétaires suffisamment qualifiés en grammaire française bien qu'ils connaissent l'importance de cette maîtrise pour leur entreprise.

Orthographe et recrutement : niveau actuel des jeunes diplômés

Car les salariés de demain sont les étudiants et jeunes diplômés d'aujourd'hui, quel est le constat actuel sur la situation ?

Selon une étude de 2011, en Angleterre, 42% des employeurs ne sont pas satisfaits du niveau de langue des jeunes diplômés et la moitié affirme faire appel à des professeurs particuliers pour aider leurs salariés à progresser. Cette solution, possible lorsque l'on dépasse le tabou lié à notre connaissance de notre langue maternelle, est très intéressante et devrait être implémentée à une plus grande échelle car la seule et unique façon de progresser et d'apprendre. Sans honte, sans crainte de jugement, simplement par envie et besoin de s'améliorer en orthographe.

Avant d'intégrer le monde de l'entreprise, dans les universités et écoles d'ingénieurs par exemple, on s'inquiète déjà du faible niveau des élèves alors même que ces derniers ont brillamment réussi leurs études jusqu'à présent. C'est l'avis de Pascal Brouaye, directeur de l'ECE, Ecole Centrale d'Electronique. Comment des étudiants ayant réussi leurs examens et leurs concours peuvent avoir des lacunes concernant la base de leur éducation : le français ? La question mérite d'être posée et bien entendu, plus on résout la situation tôt (dès l'école primaire), plus le problème tend à disparaître dans les années à venir. Beau challenge !

Dans le domaine, la dernière tendance est d'indiquer son niveau d'orthographe sur son CV. Le TOEIC est un test  pour évaluer son niveau d'anglais et dont les recruteurs raffolent. Il est souvent obligatoire lors des études, notamment lorsqu'un étudiant français s'apprête à étudier à l'étranger dans le cadre d'une expérience Erasmus. Désormais, le test dans la langue de Shakespeare a son pendant : le test du Projet Voltaire pour les étudiants français ! Ce dernier vise à évaluer le niveau en langue française via des fautes d'orthographe ou de grammaire à repérer dans des phrases proposées par le test. Le nombre d'étudiants le passant chaque année est en hausse : 1000 seulement en 2010, 10 000 en 2013 et ce chiffre croît chaque année. En 2015, le Projet Voltaire a établi un rapport suite à ce test. Les français ne maîtrisent que... 45% des règles orthographiques ! Encore plus inquiétant, ce chiffre a baissé de six points depuis 2010. La route semble encore longue mais le résultat en vaut la peine. A vos dictionnaires !



Sarah Gillot est Chef de Projet Online Marketing pour Makerist - start-up à Berlin - afin de développer le marché français.