Les entreprises cotées doivent-elles adopter un code de gouvernance ?

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En France, il n'y a pas d'obligation d'adopter un code de gouvernance.

L'entreprise cotée qui a décidé de ne pas se conformer au code AFEP-MEDEF (adapté aux grandes entreprises) ou MiddleNext (adapté aux petites et moyennes entreprises) doit expliquer dans son rapport annuel pour quelles raisons elle a fait ce choix. C'est le principe « appliquer ou expliquer ». Aucune société du CAC 40 ou du SBF 120, quel que soit son type d'actionnariat ou la taille de son flottant, ne se trouve dans cette situation.

Dans son rapport 2015 sur le gouvernement d'entreprise, l'AMF estime que 76 sociétés sur Euronext Paris, soit 15,5 % des entreprises cotées (hors Alternext et le Marché libre) ne se référaient à aucun code de gouvernance. 32 % de ces 76 entreprises cotées n'ont pas d'administrateurs indépendants, soit 5 % des entreprises cotées.

Il nous semble difficilement concevable aujourd'hui qu'une société qui s'introduise en bourse le fasse sans administrateur indépendant au sein de son conseil d'administration, voire, et sauf pour les plus petites d'entre elles, sans avoir adopté un code de gouvernance. En effet s'introduire en bourse, c'est comme vouloir rejoindre un club dont on accepte les règles, sinon on ne le rejoint pas. Il existe une sanction très simple et efficace pour les investisseurs, qui est de refuser d'acheter les actions d'une entreprise qui voudrait s'introduire en Bourse tout en ne disposant pas d'administrateur indépendant et ne se référant pas à un code de gouvernance.

Pour les entreprises déjà cotées, cette sanction est à double tranchant, car elle pénalise naturellement les investisseurs par la baisse des cours qu'elle induit et peut favoriser les majoritaires peu regardants sur la gouvernance. Ils pourraient en effet profiter de cours ainsi dépréciés pour organiser la sortie de Bourse de la société en expropriant les minoritaires dans des piètres conditions financières. L'exemple d'Orchestra [1], qui n'a ni administrateur indépendant et ni ne se réfère à un code de gouvernance, montre que ce risque est bien réel.

Il nous paraîtrait sensé, 20 ans après l'apparition des premières recommandations et codes de gouvernance, de passer dans ce domaine du « appliquer ou expliquer » au « appliquer ou quitter ». On pourrait ainsi laisser un délai d'un ou deux ans à ces entreprises pour élargir leur conseil d'administration à des administrateurs indépendants et adopter un code de gouvernance. A défaut, elles devraient quitter le marché boursier dans des conditions de prix propres aux expropriations. Le récent renforcement des compétences  financières de  l'AMF, que nous appelions de nos voeux [2], devrait permettre de rassurer les investisseurs quant à sa capacité de s'assurer du caractère réellement équitable du prix proposé pour cette sortie de Bourse.

Soit on veut être en Bourse et on en respecte alors les règles qu'appliquent les sociétés de toute taille qui rejoignent le marché boursier, soit on ne veut pas les respecter en refusant d'avoir des administrateurs indépendants et en refusant d'adopter un code de gouvernance. Dans ce cas, il faut être cohérent et sortir de Bourse. Alors qu'à partir de 2017, va trouver à s'appliquer le minimum de 40 % d'administrateurs femmes, imposer l'adoption d'un code de gouvernance et donc la présence d'administrateurs indépendants au sein des conseils d'administration des entreprises cotées nous paraît aller de soi.