Le point de vue de l'entreprise : indemnités kilométriques ou véhicule de fonction ?

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Quels sont les impacts fiscaux, pour l'entreprise, selon qu'elle met à la disposition d'un salarié un véhicule de fonction ou qu'elle rembourse les frais attachés à l'utilisation professionnelle du véhicule personnel du salarié ?

Véhicule de fonction : impacts pour l'entreprise

L'acquisition ou la prise en location ainsi que l'utilisation d'un véhicule mis à la disposition d'un salarié a des impacts en matière d'impôt sur les bénéfices, de TVA et de CVAE, et entraîne, dans la plupart des cas, le paiement de la taxe sur les véhicules de société. En outre, cette opération contraint l'employeur au respect d'un certain nombre de formalités déclaratives.

Nous avons également mentionné quelques recommandations relatives à la comptabilisation des amortissements et des loyers.

Impacts du véhicule de fonction en matière d'impôts sur les bénéfices

En matière d'impôt sur les bénéfices (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu selon la structure sociale), les impacts liés à la mise à disposition d'un véhicule de fonction peuvent s'avérer coûteux dans la mesure où un certain nombre de dépenses / investissements liés audit véhicule ne sont pas déductibles, en tout ou partie, pour la détermination du résultat fiscal.

Limites à la déduction des amortissements (article 39, 4 du CGI) du véhicule de fonction



  • Principe : les amortissements sont intégralement déductibles pour la fraction du prix d'acquisition du véhicule qui n'excède pas 18 300 ¤ TTC. En cas de dépassement de ce prix d'acquisition, les amortissements afférents à la fraction du prix qui excède le seuil précité doivent être rapportés annuellement au résultat fiscal, sur le feuillet n°2058 A de la liasse fiscal (ou, pour les sociétés soumises à un régime simplifié d'imposition, sur le feuillet n°2033-B) ;

  • Véhicules peu polluants, dont le taux d'émission de carbone est inférieur à 20 grammes par kilomètre (le taux d'émission de carbone figure en principe sur la carte grise du véhicule) : le plafond de 18 300 ¤ TTC est porté à 30 000 ¤ TTC ;

  • Véhicules peu polluants, dont le taux d'émission de carbone est compris entre 20 grammes et 60 grammes par kilomètre : le plafond de 18 300 ¤ TTC est porté à 20 300 ¤ TTC ;
  • véhicules polluants, dont le taux d'émission de carbone est supérieur à 200 grammes par kilomètre : la limite de 18 300¤ est abaissée à 9 900¤.



Limites à la déduction des loyers de la location ou crédit-bail d'un véhicule

L'entreprise preneuse d'un contrat de crédit-bail ou de location simple d'une durée supérieure à trois mois doit réintégrer chaque année à son résultat fiscal la quote-part des loyers correspondant aux amortissements pratiqués par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition qui excède les limites susvisées.

Le montant de la fraction non déductible du loyer est une information qui doit obligatoirement être fournie par l'entreprise bailleresse.

Autres charges afférentes à l'utilisation des véhicules de fonction acquis ou loués par l'entreprise

Ces charges sont intégralement déductibles du résultat fiscal, dès lors, naturellement, qu'elles répondent aux conditions générales de déductibilité des charges (i.e. dépenses conforme à l'intérêt de l'entreprise, etc.). Les charges concernées sont les suivantes : frais d'entretien et de réparation, frais d'essence, frais de garage, etc.

Non déductibilité de la TVS pour la détermination du résultat fiscal (i.e. réintégration fiscale du montant de la taxe sur le feuillet 2058 A ou, pour les entreprises relevant du régime réel simplifié, sur le feuillet 2033-B).

Impacts du véhicule de fonction en matière de TVA

Conformément à l'article 206, IV-2-6° de l'annexe II au CGI, la TVA afférente aux véhicules de toute nature conçus pour le transport des personnes ou à usages mixtes, en ce compris les voitures particulières n'est pas déductible (i.e. coefficient d'admission nul).

Les essences utilisées comme carburants, mentionnées à l'article 265 du Code des douanes, étaient auparavant exclues intégralement du droit à déduction de la TVA (à l'exception de celle afférente au gazole et au super-éthanol E 85 qui était déductible à hauteur de 80%). La loi de finances pour 2017 a progressivement ouvert le droit à déduction de la TVA grevant les essences utilisées comme carburant :

À compter du 1er janvier de l'année

Pour les véhicules autres que ceux exclus du droit à déductionPour les véhicules exclus du droit à déduction (article 206, IV-2-6° de l'annexe 2 au CGI)

2017

00,1

2018

0,20,2

2019

0,40,4

2020

0,60,6

2021

0,80,8

2022

10,8

Enfin, les dépenses d'entretien et de réparation des véhicules précités sont également exclus du droit à déduction (article 206, IV-2-10° du CGI).

Impacts du véhicule de fonction en matière de taxe sur les véhicules des sociétés (TVS)

La TVS est due par toutes les sociétés, quels que soient leur forme ou leur objet, et quel que soit leur régime d'imposition (sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, sociétés relevant de l'article 8, etc.), à raison des véhicules (i) qu'elles utilisent en France (peu important que le pays d'immatriculation du véhicule) ou (ii) qu'elles possèdent et qui sont immatriculées en France.

Catégories de véhicules entrant dans le champ de la TVS



  • les voitures particulières (au sens du 1 du C de l'annexe II à la Directive 2007/46/CE) ;

  • les véhicules à usages multiples, destinés au transport de voyageurs, de leurs bagages ou de leurs biens, classés dans la "catégorie N1". Il s'agit de véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises dont le poids ne dépasse pas 3,5 tonnes et dont la capacité d'emport de marchandises n'excède pas le poids maximum des passagers. Sont visés, en pratique, certains breaks, véhicules 4x4 ou certains monospaces.



Véhicules de fonction exonérés de TVS



  • les véhicules destinés exclusivement à la vente (cf vendeurs de véhicules), à la location de courte durée (cf sociétés de location de véhicules) ou à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public (cf taxis), lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire ;

  • les véhicules destinés à un usage agricole ;
  • les véhicules affectés exclusivement à l'enseignement de la conduite automobile (i.e. auto-écoles) ou aux compétitions sportives ;

  • les véhicules exclusivement électriques, les véhicules combinant l'essence à du gaz et les véhicules hybrides combinant l'énergie électrique et une motorisation à essence ou au gazole, qui émettent moins de 110g de CO2 par kilomètre parcouru.

La TVS est une taxe annuelle dont la période d'imposition s'étend du 1er janvier au 31 décembre de chaque année. Elle est calculée par trimestre civile, en fonction des véhicules possédés au premier jour du trimestre ou utilisés au cours du trimestre par la société redevable de la taxe. Toutefois, pour les véhicules pris en location par une société redevable de la taxe (crédit-bail ou location sans chauffeur), la taxe n'est due que si la durée de la location excède un mois civil ou 30 jours consécutifs.

Le montant de la taxe est déterminé en procédant à la somme de deux tarifs :

  • Composante 1 : soit un tarif basé sur le niveau d'émission de CO2 pour les véhicules ayant fait l'objet d'une réception communautaire, dont la première mise en circulation est intervenue à compter du 1er juin 2004, et qui n'étaient pas possédés ou utilisés par la société avant le 1er janvier 2006, soit pour les autres véhicules, un tarif en fonction de leur puissance fiscale (i.e. véhicules anciens ou importés d'un autre marché qu'européen).

  • Composante 2 : un tarif qui est établi en fonction du mode de carburation du véhicule et de l'année de première mise en circulation.

Pour plus de détails sur le calcul du montant de la TVTS : « Barème de la taxe sur les véhicules de société - TVS ».

Sur le plan des formalités, la TVS due à compter de 2018 est déclarée et payée selon des modalités dépendant du statut des redevables de la TVS au regard de la TVA. Pour plus de précisions à ce détail, veuillez consulter l'article suivant : « Aménagement de la taxe sur les véhicules des sociétés ».

Impacts sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

La question est ici de savoir si l'ensemble des dépenses et investissements pris en charge par l'entreprise au titre d'un véhicule mis par l'entreprise à la disposition d'un salarié permet de réduire le montant de la valeur ajoutée, et, corrélativement, de la CVAE.

Les dotations aux amortissements comptabilisées au titre des véhicules mis à disposition ainsi que les loyers versés au titre des véhicules pris en location pour une durée supérieure à six mois ne sont pas déduits pour le calcul de la valeur ajoutée.

En revanche les dépenses d'entretien et de réparation, ainsi que les achats (essence, accessoires non immobilisés, etc) relatifs à ces véhicules possédés ou loués viennent diminuer le montant de la valeur ajoutée.

Obligations déclaratives (autres que celles liées à la TVS)

Il existe principalement deux types d'obligations déclaratives à la charge des entreprises à raison des véhicules mis à la disposition des salariés.

La déclaration de l'affectation des voitures de tourisme (article 54 bis, alinéa 1er du CGI)

Les entreprises (exploitants individuels et sociétés) imposées d'après les bénéfices réels doivent produire, en même temps que la liasse fiscale de chaque exercice, un état indiquant l'affectation des voitures de tourisme (i.e. voitures entrant dans le champ de la TVS) ayant figuré à leur actif ou dont elles ont assumé les frais d'entretien au cours de l'exercice considéré.

Pendant longtemps, cet état a figuré sur les feuillets n°2065 ter, cadre G (sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés) ou n°2031 ter, cadre H (exploitants individuels). Toutefois, ces cadres et/formulaires ont été supprimés et aucune précision n'a pour le moment été fournie sur les nouvelles formalités de déclaration.

Cet état doit faire apparaître les informations suivantes :

  • les noms, qualité et adresse des personnes auxquelles une voiture ayant figurée à l'actif du bilan a été affectée ainsi que les caractéristiques de cette voiture ;

  • les noms, qualité et adresse des personnes pour lesquelles l'entreprise a supporté les frais d'entretien, ainsi que les caractéristiques du véhicule ;

  • la désignation des voitures ayant figurés à l'actif du bilan ou dont l'entreprise a supporté les frais d'entretien et qui ont été utilisées pour les besoins généraux de l'exploitation ainsi que l'indication du service auquel chacune de ces voitures a été affectée.

Pour les besoins de cette déclaration, une voiture est considérée comme affectée lorsque le dirigeant ou le salarié concerné en a la disposition privative de manière permanente et lorsqu'il peut l'utiliser pour des besoins autres que professionnels.

Le relevé des frais généraux (article 54 quater et 223, 3 du CGI)

Les entreprises (sociétés ou exploitants individuels) imposées d'après leurs bénéfices réels et exerçant une activité industrielle ou commerciale sont tenues de souscrire un relevé des frais généraux lorsqu'elles versent des rémunérations ou des avantages excédant certaines limites prévues par l'article 4 J de l'annexe IV au CGI.

Lorsque l'entreprise se trouve dans cette situation, elle doit reporter sur le relevé précité, pour chaque salarié concerné, un certain nombre d'informations relatives aux frais encourus par l'entreprise à son profit. Parmi les frais à répertorier figurent notamment les dépenses et charges afférentes aux véhicules dont ces salariés ont la disposition.

La production de ces renseignements est effectuée sur un feuillet n°2067, qui doit être déposé annuellement, en même temps que la liasse fiscale. Le défaut de production d'un relevé de frais généraux ou la production d'un relevé incomplet peut entraîner le versement d'une amende égale à 5% du montant des sommes non mentionnées sur le relevé. Ce taux est ramené à 1% lorsque les sommes omises sont fiscalement déductibles pour la détermination du résultat fiscal.

Comptabilisation des amortissements et des loyers

Les véhicules acquis par une entreprise française font l'objet d'une immobilisation par l'entreprise dans un sous-compte 2182. Chaque année, l'entreprise comptabilise des amortissements afin de tenir compte de l'usure du matériel (cf ci-dessus a - du 1) concernant les limites fiscales à la déductibilité des amortissements).

Dans le cadre des contrats de location longue durée et de crédit-bail, les redevances versées font respectivement l'objet d'une comptabilisation dans un sous-compte 612 et 613. Afin de s'assurer de l'exhaustivité des loyers par simple lecture de la balance, nous vous conseillons de créer autant de sous-compte 612/613 que nécessaire.

Indemnités kilométriques versées au salarié : impacts pour l'entreprise

Le versement d'indemnités kilométriques aux salariés déclenche des conséquences en matière d'impôt sur les bénéfices, de TVS et de CVAE. Nous avons également mentionné quelques recommandations relatives à la comptabilisation des indemnités kilométriques.

Impacts des indemnités kilométriques en matière d'impôt sur les bénéfices

La quote-part des indemnités kilométriques versées dans les conditions visées au 2) de l'article 1 sont déductibles du résultat fiscal de l'entreprise à hauteur de l'utilisation professionnelle du véhicule. Précisons que le barème kilométrique établi par l'administration fiscale est calculé en plafonnant le prix de revient des véhicules à la limite fixée par l'article 39, 4 du CGI (cf §a- du 1).

Lorsque l'indemnité kilométrique liée à l'utilisation par le salarié de son véhicule personnel n'est pas calculée sur la base du barème kilométrique établi par l'administration fiscale (cf situation des exploitants individuels en BIC), la fraction de l'indemnité destinée à couvrir l'amortissement du véhicule n'est que partiellement déductible lorsque le prix d'acquisition du véhicule est supérieur aux limites mentionnées à l'article 39, 4 du CGI.

Indemnités kilométriques et taxe sur les véhicules de société (TVS)

Les sociétés peuvent être tenues d'acquitter la TVS au titre de véhicules appartenant à leurs salariés lorsqu'ils les utilisent pour des besoins professionnels et reçoivent des remboursements de frais kilométriques.

En effet, les sociétés sont notamment assujetties à la TVS au titre des véhicules qu'elles utilisent en France, peu important leur Etat d'immatriculation et leur propriétaire juridique (i.e. véhicules mis à disposition de la société).

Rappelons que seuls les kilomètres correspondant aux déplacements professionnels en France entrent dans le champ de la taxe et que les déplacements domicile-travail ne sont pas considérés comme des déplacements professionnels.

La taxe due au titre de ces véhicules est calculée dans les conditions de droit commun. Cependant, le montant ainsi obtenu de la taxe est diminué d'un coefficient pondérateur en fonction du nombre de kilomètres remboursés par la société et fait ensuite l'objet d'un abattement de 15 000¤.

Coefficient pondérateur

Ce coefficient consiste en un pourcentage à appliquer au montant de la taxe calculée en application du droit commun, au titre de chaque salarié bénéficiant de remboursements de frais kilométriques. Le pourcentage à appliquer augmente avec l'utilisation du véhicule personnel du salarié pour des besoins professionnels.

Nombre de km remboursés par la société

Pourcentage de la taxe à verser

De 0 à 15 000

0%

De 15 001 à 25 000

25%

De 20 001 à 35 000

50%

De 35 001 à 45 000

75%

Supérieur à 45 000

100%


Ainsi, grâce à ce coefficient, si un salarié parcourt moins de 15 000 km par an avec son véhicule personnel, pour des besoins professionnels, aucune TVS n'est due à ce titre.

Abattement

Après application du coefficient pondérateur, un abattement de 15 000¤ est pratiqué sur le montant total de la taxe due à raison de l'ensemble des véhicules mis à disposition de la société (un abattement global par société).

Impacts sur la CVAE

Les indemnités kilométriques versées aux salariés ne sont pas déduites pour le calcul de la valeur ajoutée.

Comptabilisation des indemnités kilométriques

Afin de suivre l'évolution des indemnités kilométriques, vous pouvez utiliser des codes analytiques ou créer autant de sous-compte 625 que nécessaire.

L'idéal est de mentionner le nombre de kilomètres parcourus et le taux utilisé afin de faciliter la détection d'éventuelle anomalie.


Conclusion : la mise à disposition d'un salarié d'un véhicule acquis ou loué peut être une source de coûts fiscaux qui peut s'avérer assez significative pour l'entreprise.

Toutefois compte-tenu des dispositions avantageuses de certains contrats de location de véhicule, elle n'est pas toujours plus onéreuse qu'une indemnité kilométrique versée au titre de l'utilisation de son véhicule privé par un salarié pour des besoins professionnels.

Il est donc recommandé de faire une simulation chiffrée des coûts afin de déterminer la solution la moins coûteuse.

Par ailleurs, il convient également de prendre en compte le facteur humain, la mise à disposition d'un véhicule étant souvent ressentie par les salariés comme un élément de motivation.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.