La notion de substance économique dans les opérations internationales

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Modifié le 03/04/2024
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La France a signé un nombre relativement conséquent de conventions internationales. L'objectif de ces conventions est de prévoir les dispositions relatives à l'imposition d'une entreprise ou d'un contribuable en cas d'activité réalisée sur le sol d'un autre pays. Ces dispositions sont généralement plus favorables que le droit interne et favorisent l'optimisation fiscale.

Toutefois, l'application de ces conventions fiscales internationales est soumise à un certain nombre de conditions. Parmi celles-ci, il en est une, aux contours flous et mouvants, sujets à interprétation, la substance.

Les principes d'une convention internationale

Une convention internationale est un accord bilatéral signé entre deux pays dans l'objectif de définir le lieu et les modalités d'imposition des opérations économiques réalisées par des contribuables, personnes physiques ou morales, intervenant sur l'un ou l'autre des pays signataires de l'accord.

Comment fonctionne une convention fiscale internationale ?

Les conventions internationales trouvent à s'appliquer dès lors qu'une entreprise ou une personne physique résident fiscal d'un État est amenée à travailler ou réaliser des activités économiques ou des opérations internationales situées dans un autre État. La convention a pour objectif d'encadrer les modalités d'imposition de ce contribuable. Le but étant de répartir la charge fiscale entre les deux pays liés par l'accord et d'éviter une double imposition pour le contribuable concerné.

Quels sont les pays avec lesquels la France n'a pas de convention fiscale ?

De nombreux pays n'ont pas signé de conventions internationales avec la France ou ne portant pas sur l'ensemble des impôts existants. On peut notamment citer les États et Territoires Non Coopératifs (ETNC) selon les critères définis par l'article 238-0 A du CGI dont la liste a été mise à jour par un arrêté du 16 février 2024. Elle est valable à compter du 1er mai 2024 :

  • les Seychelles ;
  • le Belize ;
  • Antigua-et-Barbuda ;
  • Anguilla ;
  • Panama ;
  • Bahamas ;
  • les îles Turques et Caïques ;
  • Vanuatu ;
  • Fidji ;
  • Guam ;
  • les îles vierges américaines ;
  • Palaos ;
  • Russie ;
  • Samoa et Samoa américaines ;
  • Trinité-et-Tobago.

La notion de substance économique

Cette notion est évoquée dans les conventions internationales avec pour objectif de limiter les opérations de fraudes fiscales ou de transfert des bénéfices d'un État à l'autre alors que la société concernée n'aurait pas de substance économique avérée.

Comment définir la substance économique ?

Il n'existe pas de définition précise de la substance, donnée par le Code Général des Impôts ou l'administration fiscale française. La jurisprudence ne donne pas non plus de définition générale et figée de la substance.

Il s'agit plutôt d'un concept, qui évolue dans le temps, et qui est apprécié au cas par cas, en fonction de la situation de fait. Globalement une société a de la substance dans un État lorsqu'elle a localement une existence et une raison d'être économique et juridique, que son existence ou son maintien au sein d'un groupe s'explique par des motivations autres que purement fiscales.

Il s'agit là de l'approche française de la notion de substance. C'est celle dont une société française doit être capable de justifier en cas de contrôle fiscal. Les autres États ont leur propre définition de la substance et certains d'entre eux n'ont pas d'exigences particulières en termes de substance.

Sur quels critères retenir l'existence d'une substance économique ?

Il n'existe pas de liste exhaustive des critères devant être respectés pour répondre à l'exigence de substance.

D'une manière assez générale, on peut toutefois considérer qu'une société étrangère, constituée pour acquérir les titres d'une société française, présente le caractère de substance économique lorsque notamment elle dispose d'un local suffisamment grand pour y exercer une activité, d'une ligne téléphonique, des employés qualifiés pour gérer la participation, rendre des services à ses filiales ou prospecter pour des acquisitions futures, lorsque les conseils d'administration sont tenus localement et sont essentiellement composés de résidents du pays d'implantation de la société étrangère, qui ont le pouvoir d'engager la société, lorsque la société est administrée et que sa comptabilité est tenue localement, etc. Ainsi la réalité de l'activité sera déterminante pour valider l'existence d'une substance.

Néanmoins, le respect de ces critères ne permet pas de supprimer intégralement les risques de redressements mais permet de les limiter. En pratique, il convient de justifier d'une activité économique réelle présentant un caractère suffisamment stable et autonome de cette société au sein du groupe et permettant d'écarter l'hypothèse d'une volonté d'évasion fiscale.

Quels sont les risques en cas d'absence de substance ?

Lors d'un contrôle fiscal, en cas d'insuffisance de substance avérée, l'administration fiscale en déduit une volonté d'éluder l'impôt du pays de résidence en application de dispositions plus favorables présentes dans la convention internationale. Dans ce cas, l'administration fiscale peut considérer que la société étrangère en question n'est pas résidente fiscale dans l'État dans lequel elle a été créée, et que, en conséquence, la convention fiscale conclue par la France avec cet État ne trouve pas à s'appliquer.

Dès lors que la convention fiscale n'est pas applicable, l'administration fiscale est en droit d'appliquer le droit interne. Ce redressement peut également s'accompagner de sanctions applicables telles que l'application de pénalités pouvant aller jusqu'à 80% des droits qui sont jugés mal ou insuffisamment déclarés.