Retour d'expérience : la facturation électronique au Mexique en pratique

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Le Mexique a commencé à implanter la facture électronique en 2004. Près de 20 ans plus tard, se pourrait-il que ce pays ait la réponse à certaines questions que l'on se pose en France ?

De retour d'un déplacement au Mexique, David Klemm, expert-comptable et président du groupe Excel, nous fait part de son retour d'expérience, au contact des entrepreneurs et professionnels comptables mexicains.

La facture électronique au Mexique 

La facture électronique existe au Mexique depuis 2004. On parle de Comprobante Fiscal Digital por Internet (CFDI, ou Justificatif fiscal numérique par internet). Des prestataires autorisés de certification (PAC), sont autorisés par l'administration fiscale (SAT) à générer et à traiter les justificatifs fiscaux de manière électronique. Concrètement, la facture prend la forme d'un fichier structuré au format XML. Toutefois, il existe une représentation graphique de ce document, qui affiche notamment un QR-code. L'entreprise émettrice doit signer toutes les factures émises.

Pourquoi vous être intéressé au sujet de la facturation électronique au Mexique ?

Tout simplement parce qu'un de mes proches amis, restaurateur, réside dans ce pays. Nous avions déjà abordé à plusieurs reprises ce sujet, en comparant les projets français à la réalité mexicaine, mais ce déplacement a été l'occasion de voir tout cela de mes propres yeux.

Sur le principe, le modèle mexicain est, en partie au moins, proche de celui prévu en France. Les entrepreneurs privés doivent disposer d'une plateforme, privée, pour gérer l'émission et la réception de leurs factures.

Quels sont les principaux enseignements que vous en avez tirés ?

Je trouve le système de facturation électronique mexicain très intéressant, abouti, et surtout très pragmatique. Il clarifie de nombreux aspects qui restent encore flous en France. C'est ce qui m'a particulièrement intéressé.

Prenons par exemple le traitement des tickets carburant. Au Mexique, après avoir fait le plein, vous obtenez un ticket, comme ici en France. Cependant, ce ticket vous permet de demander une facture électronique si vous le souhaitez. Concrètement, vous vous rendez sur le site web de la station-service, et y entrez les détails du ticket ainsi que vos informations d'entreprise, telles que le numéro de SIREN et de TVA. Cette action génère une facture électronique que vous pouvez récupérer au format PDF mais qui est aussi envoyée automatiquement à votre propre plateforme. Aucune autre action manuelle n'est requise.

C'est la même chose pour les tickets de restaurant. Un professionnel qui souhaite une facture après son déjeuner n'a qu'à fournir ses informations fiscales au restaurateur. Pour cela, il dispose de deux solutions : remplir à la main une fiche papier, sur place, ou présenter un QR-Code qui contient toutes les informations de son entreprise.

De son côté, le restaurateur peut utiliser son logiciel de caisse pour générer les factures électroniques qui sont ensuite envoyées automatiquement, soit le faire manuellement sur sa propre plateforme.

Il existe même une autre option : le transfert automatique et systématique de tous les tickets de caisse sur la plateforme du restaurateur et la génération, à la demande, de factures électroniques. Dans ce cas, c'est le client qui doit prendre l'initiative de se connecter sur la plateforme du restaurant pour demander sa facture, généralement dans le délai d'un mois. En pratique, sur le ticket de caisse, il est indiqué que le client peut se connecter à la plateforme pour récupérer sa facture. Le client entre le numéro du ticket de caisse, et après vérification des identifiants fiscaux, la facture électronique est générée.

On voit donc qu'au Mexique, les plateformes de factures électroniques ont donc ce rôle supplémentaire de génération de factures à partir de données de caisse.

Quel est le regard des entrepreneurs mexicains sur la généralisation de la facture électronique en France ? 

Les entrepreneurs avec qui j'ai pu discuter sont très surpris des difficultés de mise en place que nous rencontrons. Bien sûr, après presque 20 ans de pratique, ils sont totalement habitués à ce système, mais ils ont du mal à comprendre pourquoi cette réforme française prend autant de temps.

Comment les entreprises gèrent-elles la tâche supplémentaire de génération des factures ? 

Les entrepreneurs que j'ai rencontrés externalisent le plus souvent cette tâche à leur cabinet comptable. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec une cons½ur sur place, qui m'a confirmé se charger non seulement de la génération des factures électroniques mais aussi celle des paiements fournisseurs et de recouvrement des créances clients.

Les cabinets comptables sur place ont donc diversifié leurs services pour intégrer ces tâches supplémentaires dans leurs missions à part entière.

Bien sûr, le cabinet reste responsable de l'établissement des déclarations de TVA et du bilan, par exemple. Cependant, les plateformes de facture électronique sont directement connectées aux logiciels comptables, ce qui permet un gain de temps très significatif. 

Comment les cabinets facturent-ils les missions liées à la facture électronique ? 

La cons½ur avec laquelle j'ai discuté facture ses clients au forfait, en fonction de leur taille, sous forme de pack. Il s'agit d'un retour et non d'une moyenne, mais à titre d'exemple, cette cons½ur propose des packs qui vont de 10¤ à 20¤ par mois pour environ 50 à 100 factures, à 100¤ à 500¤ par mois pour un nombre illimité de factures, des fonctionnalités avancées et un support dédié.

Quel est le coût des plateformes ? 

D'après les informations communiquées par notre cons½ur, il existe différents modèles :

  • des abonnements mensuels, de 10¤ à 50¤ par mois, qui incluent un certain nombre de factures ; 
  • des forfaits basés uniquement sur le volume, sans notion de temps, un forfait de 100 factures coûtant environ 20¤. 
  • des tarifs à la carte de 0,10¤ à 0,50¤ par facture.
  • des « forfaits entreprise », pour les grandes entreprises avec des besoins plus complexes, ou appartenant à des secteurs spécifiques, qui peuvent coûter plusieurs centaines d'euros par mois.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.