Intelligence artificielle et finance : cas d'usage, éthique et sécurité

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L'expertise comptable, la comptabilité et la finance sont des métiers dont les travaux sont  partiellement automatisables à l'heure actuelle. Tout dépend des besoins des différents acteurs et de leur volonté d'avancer sur ces questions.

Mais utiliser ces technologiques pas comme les autres oblige aussi à se poser un certain nombre de questions telles que leur utilité, l'éthique et la sécurité.

Alors que l'intelligence artificielle est déjà utilisée dans les cas de fraudes aux ordres de virements pour imiter la voix d'un dirigeant, les professionnels du chiffre ont tout intérêt à en comprendre le fonctionnement.

L'objectif, pour Didier Louro, sénior manager et spécialiste de la data chez Bearing Point est de « transcender, réenchanter les métiers de la finance ». Il intervenait dans le cadre de l'une des conférences des universités d'été du CROEC de Paris Île-de-France.

Les cas d'usage de l'intelligence artificielle dans les fonctions finance

Contrôle des comptes, analyse des risques financiers et fiscaux, dématérialisation des documents, prédiction de la trésorerie, prédiction des difficultés des entreprises ne sont que des exemples de possibilités offertes par l'intelligence artificielle et les algorithmes.

Elles peuvent être classées en prédiction, prévision, recommandation, détection des fraudes qui sont les différentes utilisations possibles de l'intelligence artificielle, des algorithmes, du machine learning.

Si le machine learning « est une sous-partie de l'intelligence artificielle, il est déjà utilisé avec des algorithmes éprouvés qui vont permettre, grâce au passé, de prédire l'avenir ».

À terme, avec l'intelligence artificielle, il s'agit d'utiliser des technologies beaucoup plus sophistiquées pour produire un résultat mathématique, sur lequel, il sera possible d'appuyer des décisions ».

Les cas d'usages de ces nouveaux outils sont relativement peu nombreux mais ne peuvent que se développer.

Le premier d'entre eux, qui impactera probablement assez rapidement les professionnels du chiffre, est la data visualisation supervisée ou non.

Non supervisée, « en self service, ce sont des tableaux de bords, graphiques, produits par l'utilisateur lui-même à partir d'outils tels que PowerBI.

Supervisée, c'est à dire avec ajout d'un algorithme, la data visualisation offre la possibilité de faire des simulations ».

La génération de langage naturel permet au moteur de lire de longs rapports au format PDF et d'en restituer l'essentiel. Ici, « l'inconvénient est qu'il faut pouvoir superviser le résultat ».

Enfin, des agents digitaux peuvent contrôler la qualité des données qui se trouvent dans les logiciels, le dossier permanent etc. et vérifier leur date de mise à jour, leur format, leur exhaustivité etc. « On parle ici de nettoyage des référentiels » poursuit Didier Louro.

Mais ce que demande le client de l'expert-comptable ou des fonctions finances, c'est le plus souvent « un storytelling, une explication de la donnée ».

Les cas d'usages ne « sont qu'un début. Aux professionnels de se projeter dans le futur de leur fonction, de leurs métier, d'acculturer leurs équipes ». Le plus important « est de ne pas commencer par des éléments qui peuvent être anxiogènes pour les équipes et de ne pas leur enlever une partie de leur travail dès le début ».

Intelligence artificielle et éthique : deux éléments indissociables

Dès lors que l'on parle d'intelligence artificielle, il faut aussi parler d'éthique et de confiance dans les applications qui seront créées.

Car pour Jean Philippe Desbiolles, vice président, cognitive solution team chez IBM Watson group, « l'IA sera ce qu'on en fera ». Et c'est aussi le titre de son livre. Pour lui, l'intelligence artificielle « ne passera pas si des experts-comptables ne s'y mettent pas avec leurs compétences pour permettre à la machine d'apprendre ».

Mais la machine ne peut apprendre sans l'homme. Elle « aura donc des biais qui sont ceux de l'être humain » estime Charlotte Fillol, experte à l'Institut Sapiens.

L'éthique est « à la fois un enjeu géopolitique et un enjeu global ». C'est aussi « un questionnement moral ». Dans une voiture autonome, comment programmer l'intelligence artificielle en cas d'accident, qui doit-elle choisir de sauver ? La réponse est une question morale à laquelle il est difficile de répondre.

Les entreprises « doivent donc internaliser le risque et s'assurer que leur IA n'est pas biaisée ».

« L'entreprise qui construit des algorithmes doit limiter le risque pour conserver la confiance » ajoute Anastasiia Kyrylesku, chargée d'études à l'Institut Sapiens. Elle doit « anticiper la gestion des risques et prévoir un mécanisme de responsabilisation en cas de problème ».

La solution peut consister à « rendre l'algorithme plus transparent et plus visible pour les utilisateurs et à constituer des équipes sensibles aux questions éthiques, capables de s'adapter aux enjeux algorithmiques ».

C'est ici que l'expert-comptable a potentiellement un rôle à jouer, en devenant peut être le garant de l'éthique des algorithmes utilisés.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.