Les infractions de droit pénal applicables au monde des affaires

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Modifié le 02/07/2024
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Le droit pénal des affaires regroupe plusieurs matières dans lesquelles des infractions ont été prévues spécifiquement du fait de l'évolution du monde des affaires, notamment le droit des sociétés, le droit de la consommation ou encore le droit fiscal.

L'article n'a pas vocation à dresser une liste exhaustive de toutes les infractions issues du droit pénal des sociétés mais de donner quelques exemples courants. Un certain nombre d'infractions ne seront pas traité dans cet article :

  • le blanchiment, article 324-1 du Code pénal ; 
  • escroquerie (usage faux nom ou fausse qualité etc.), article 313-1 du Code pénal ; 
  • extorsion (remise de fond par violence etc.), article 312-1 du Code pénal ;
  • corruption (pacte avec membre dépositaire de l'autorité publique), article 433-1 du Code pénal.

Droit des sociétés



Abus de biens sociaux

L'abus de biens sociaux, régi par l'article L241-3 du Code de commerce, est le fait pour un dirigeant de détourner de son usage un objet de la société. Ce détournement de mauvaise foi et dans un intérêt contraire à celui de la société, peut être dans l'intérêt personnel dudit dirigeant ou encore pour favoriser une autre société dans laquelle le dirigeant a des intérêts de manière directe ou indirecte.

Ainsi l'abus de biens sociaux est caractérisé par la réunion de cinq éléments essentiels :

  • une personne punissable, à savoir le dirigeant de société, président ou gérant, y compris les dirigeants de fait ou encore les administrateurs et les directeurs généraux. Par ailleurs, certaines personnes peuvent être condamnées en qualité de complices, comme le commissaire aux comptes, l'expert-comptable etc. Il en est de même du receleur ;
  • un usage d'un bien de la société, à savoir que les biens détenus par la société sont étendus largement. Cela concerne les biens corporels, incorporels, mobiliers ou  immobiliers. La notion d'usage concerne autant un acte positif comme l'appropriation d'un immeuble par le dirigeant, qu' un acte négatif, comme l'abstention du dirigeant ; 
  • un usage qui est contraire à l'intérêt de la société, souvent lorsque le dirigeant agit dans son intérêt personnel. Par exemple, un dirigeant qui utilise les fonds de la société pour réaliser des travaux dans sa résidence principale. Néanmoins, cette notion a été sujet à controverse, notamment lorsque un acte illicite a été commis, mais qui est susceptible de profiter à la société. La jurisprudence tend désormais à considérer que ces actes sont contraires à l'intérêt de la société, ces actes portant notamment atteinte à la réputation de la société. Plus généralement, est considéré comme abusif tout usage dans un but illicite ;
  • une finalité de cet usage, c'est-à-dire dans l'intérêt personnel du dirigeant, ou pour favoriser une autre société dans laquelle il a des intérêts ;
  • un élément intentionnel, le dirigeant a agi de mauvaise foi, il avait conscience que cet usage était contraire à l'intérêt de la société. En revanche, la négligence ou le défaut de surveillance ne sera pas considéré comme un abus de bien sociaux, à condition que le dirigeant n'ait pas connaissance d'agissements délictueux qu'il était en mesure d'empêcher.

Lorsqu'un abus de bien sociaux est caractérisé, la commission de cette infraction fait encourir à son auteur des sanctions pénales et civiles. Le délit d'abus de biens sociaux est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 375 000¤ d'amendes. Des peines complémentaires peuvent s'ajouter telles que l'interdiction d'exercer une fonction publique, l'interdiction de diriger, gérer ou contrôler une entreprise etc.

Des dommages et intérêts sur le plan civil peuvent être demandés pour réparer le préjudice subi par la société, à savoir l'action sociale. Enfin, l'opération peut être annulée en vertu de son caractère illicite.

Banqueroute

La banqueroute est prévue par le Code de commerce aux articles L654-1 et suivants. Il s'agit d'un délit consistant pour un débiteur, qui après l'ouverture d'une procédure collective, se retrouve en état de cessation paiement à la suite d'agissements frauduleux ou irréguliers. Le débiteur organise ou aggrave son insolvabilité. 

S'agissant des débiteurs visées par l'article, cela concerne les commerçants, artisans, agriculteurs et les personnes physiques qui exercent une activité d'indépendant. Cela vise aussi les dirigeants, ainsi que les dirigeants de fait.

L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est une condition préalable pour qualifier une infraction de banqueroute. 

L'article L654-2 du Code de commerce liste un certain nombre d'agissements constitutifs de banqueroute :

  • dans l'intention d'éviter ou retarder l'ouverture du redressement ou liquidation judiciaire, l'achat en vue d'une revente au dessous du cours ou emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; 
  • détourner ou dissimuler tout ou partie de l'actif du débiteur ; 
  • augmenter le passif de manière frauduleuse ; 
  • la tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète ;
  • la tenue d'une comptabilité fictive ou le fait de faire disparaître des documents comptables de la société ou encore s'être abstenue de tenir toute comptabilité.

La banqueroute est punie d'une peine de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000¤ d'amendes, sauf circonstances aggravantes. L'infraction s'applique aussi aux complices le cas échéant. Des peines complémentaires peuvent s'ajouter telles que l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, une fonction de direction etc. Il est aussi possible de prononcer la faillite personnelle du banqueroutier. Les personnes morales peuvent aussi être reconnues coupables d'une telle infraction et dans ce cas le montant de l'amende peut être quintuplé par rapport à celle du dirigeant personne physique.

Droit de la consommation



Tromperie

La tromperie est définie à l'article L441-1 du Code de commerce comme le fait pour toute personne, partie à un contrat ou non, de tromper ou tenter de tromper une personne physique ou morale, par quelque moyen ou procédé, et même par l'intermédiaire d'un tiers. 

Elle peut intervenir entre professionnels, entre professionnels et consommateurs ou encore entre particuliers. Il s'agit d'une infraction intentionnelle qui suppose la mauvaise foi ou encore la négligence de son auteur.

La tromperie peut porter sur différents biens :

  • soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; 
  • soit sur la qualité des choses livrées ou leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ; 
  • soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre. 

Le champ d'application de la tromperie s'applique aussi aux prestations de services.

L'infraction de tromperie est qualifiée par la réunion de trois éléments essentiels, à savoir :

  • l'existence d'un contrat ;
  • une marchandise ou un service ;
  • et enfin la tromperie ou une tentative de tromperie, qui se matérialise par des mensonges, la dissimulation et réticence ou encore l'emploi de man½uvres frauduleuses. 

La tromperie est sanctionnée d'une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 300 000¤ d'amende. En cas de circonstances aggravantes, la peine peut s'élever jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 600 000¤ d'amende. Enfin, en cas de d'infraction commise en bande organisée ou si la tromperie a eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou l'animal, la peine peut aller jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 750 000¤ d'amende.

Abus de faiblesse

L'abus de faiblesse est une infraction punie tant par le droit pénal que le droit de la consommation. Ainsi d'une part l'infraction est punie par le Code de la consommation aux articles L121-8 à L121-10 du Code de la consommation.

L'article L121-8 du Code de la consommation interdit « le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ». Ainsi, ce texte s'applique à toute personne se trouvant dans un état de faiblesse et non seulement aux consommateurs.

L'article 121-9 étend le champs d'application de l'abus de faiblesse dans les cas suivants :

  • soit à la suite d'un démarchage par téléphone ou télécopie ; 
  • à la suite d'une sollicitation personnalisée, à se rendre sur un lieu de vente assortie de l'offre d'avantages particuliers ;
  • à l'occasion de réunions ou d'excursions organisées par l'auteur de l'infraction ou à son profit ; 
  • lorsque la transaction a été faite dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé ou dans le cadre de foires ou de salons ; 
  • lorsque la transaction a été conclue dans une situation d'urgence ayant mis la victime de l'infraction dans l'impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat.  

Enfin l'article L121-10 interdit le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour se faire remettre, sans contreparties réelles, des sommes en numéraire ou par virement, des chèques bancaires ou postaux, des ordres de paiement par carte de paiement ou de crédit ou bien des valeurs mobilières.

Dans le cas d'un abus de faiblesse, la victime ne mesure pas la portée de son engagement. Cela peut être dû à l'âge, une déficience physique ou intellectuelle, un faible niveau d'instruction, un état psychologique instable etc.

D'autre part, l'article 223-15-2 du Code pénal sanctionne l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse. 

Pour résumer, la qualification d'abus de faiblesse nécessite la réunion de trois éléments essentiels :

  • la conclusion d'un engagement avec le consommateur trompé ;
  • un élément matériel, à savoir l'état de faiblesse, qui peut être physique, psychologique, dans un état d'ignorance ou d'urgence ;
  • un élément moral, à savoir l'intention du démarcheur de tromper le consommateur.

Les sanctions applicables sont alignées par le Code de la consommation et le Code pénal, à savoir 3 mois d'emprisonnement et de 375 000¤ d'amende. Le montant de l'amende peut être porté à 10% du chiffre d'affaires annuel. Par ailleurs, des peines complémentaires peuvent s'appliquer telles que l'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle.

Les sanctions sont applicables d'une part au démarcheur fautif, mais aussi au dirigeant, voire à la société personne morale. Il est possible pour le démarcheur de s'exonérer s'il prouve qu'il s'est contenté de se conformer aux directives de son employeur.

La victime peut aussi demander la résolution à l'amiable du contrat ou la résolution judiciaire et l'obtention de dommages et intérêts dans le cadre d'un procès civil.

Droit fiscal : la fraude fiscale

La fraude fiscale est une infraction appliquée dans les cas les plus graves. Il s'agit pour un contribuable de se soustraire ou tenter de se soustraire, de manière frauduleuse, au paiement ou à l'établissement de l'impôt. Il s'agit pour le contribuable, de délibérément utiliser certains procédés pour échapper ou tenter d'échapper à l'impôt. La fraude fiscale donne lieu à des sanctions fiscales mais aussi pénales.

La fraude fiscale est prévue à l'article 1741 du CGI et nécessite la réunion :

  • d'un élément matériel, à savoir la soustraction ou la tentative à l'établissement ou paiement de l'impôt ; 
  • et d'un élément moral, à savoir l'intention délibérée de frauder ou tenter de frauder. 

Le délit va se matérialiser par des omissions de déclaration, des dissimulations de sommes, le fait d'organiser son insolvabilité (le fait de ne plus pouvoir payer ses dettes) ou plus largement par l'emploi de man½uvres frauduleuses pour ne pas payer l'impôt normalement dû.

Dans le cadre des contrôles fiscaux, l'administration peut sanctionner les contribuables se rendant coupable de fraude fiscale. Des majorations plus ou moins fortes peuvent s'appliquer selon les cas les plus ou moins graves.

D'une part, une majoration de 40% peut s'appliquer en cas d'oubli volontaire de la part du contribuable contrôlé.

D'autre, lorsqu'un contribuable se rend coupable de man½uvres frauduleuses, de dissimulation d'une activité occulte (une activité non déclarée) ou encore d'abus de droit (optimisation fiscale abusive d'une règle de droit), l'imposition sera majorée de 80%. Dans le contexte de l'abus de droit, la majoration est réduite à 40% si le contribuable n'est pas à l'initiative de la démarche ou s'il n'est pas le principal bénéficiaire.

Enfin, des intérêts de retards s'appliquent à hauteur de 0,20% par mois, soit 2,4% par an.

La fraude fiscale est punie d'un emprisonnement de 5 ans et de 500 000¤ d'amende. La sanction s'élève à 7 ans d'emprisonnement et 3 000 000¤ d'amende lorsque la fraude a été commise en bande organisée. Ces sanctions pénales peuvent s'appliquer dans un délai de 6 ans à partir de l'année qui suit l'infraction.

La sanction peut être réduite de moitié si l'auteur ou le complice du délit participe à l'identification des autres co-auteurs ou complices.

La loi n°2024-494 du 31 mai 2024, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, créé une nouvelle procédure de demande de remise gracieuse pour les victimes de fraude fiscale par un ex-conjoint, leur permettant de ne pas être tenues responsables des dettes fiscales contractées à leur insu.

Cette mesure s'applique à tous les contrats de mariage en cours.

Enfin, depuis la loi de finances pour 2024, des peines complémentaires de privations des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'IFI peuvent s'ajouter. C'est notamment le cas pour les auteurs de fraude fiscale aggravée, de recel de fraude fiscale aggravée ou encore de blanchiment de fraude fiscale aggravée. Ces sanctions sont applicables dans un délai de 3 ans à compter de l'imposition des revenus de l'année qui suit celle de la condamnation.