Impacts du PLF 2023 sur les TPE-PME : l'analyse de Vital Saint-Marc

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Vital Saint-Marc, expert-comptable associé au sein du cabinet RSM et ancien président du club fiscal de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, nous fait part de ses impressions générales concernant le projet loi de finances (PLF) pour 2023 et plus particulièrement de ses éventuels impacts sur l'activité des TPE-PME.

Que pensez-vous des principales mesures du PLF 2023 impactant les TPE-PME ?

Depuis 2018, il n'y a pas eu de grands bouleversements en fiscalité et ce projet loi de finances pour 2023 s'inscrit dans cette continuité.

Selon moi, la modification essentielle pour les TPE-PME est l'augmentation du bénéfice imposable permettant d'obtenir le taux réduit d'IS. Il devrait être porté de 38 120¤ à 42 500¤. Cette mesure, attendue depuis près de 22 ans, semblait être condamnée par les règles de l'Union européenne sur la concurrence. L'augmentation de la base d'imposition aurait pu être perçue comme une subvention indirecte de l'État. Le relèvement envisagé du seuil est limité mais cela serait le signe que le législateur peut modifier ce plafond et l'adapter à l'inflation. 

Pourquoi ne prendre cette mesure que maintenant ?

En 2012, j'avais réuni un groupe de réflexions destinées à proposer à des candidats à l'élection présidentielle des idées pouvant impacter favorablement l'activité des entreprises. Déjà, nous proposions l'augmentation de ce plafond de 38 120¤. L'idée avait été écartée au motif que le risque était grand que Bruxelles propose la réduction du taux d'IS de 15% comme une aide d'État entrant dans le plafond des minimis. Le contexte actuel a peut-être incité Bruxelles à être moins regardant à ce sujet. 

Voyez-vous d'autres mesures significatives pour les TPE-PME ?

Les autres mesures prévues par le PLF 2023 sont assez parcellaires. Elles touchent certains secteurs d'activités (secteurs de l'énergie, rénovation énergétique des locaux de PME,...). Il n'y a pas de mesures générales dans ce PLF 2023, comme depuis longtemps d'ailleurs.

L'évolution des règles de conservation des documents est un sujet qui concernera toutes les entreprises. Le législateur commence à intégrer le fait que les entreprises pourront conserver et sauvegarder leurs documents différemment de ce qui se fait actuellement .

À ce sujet, les professionnels qui ont effectué des examens de conformité fiscale ont dû se pencher sur les mesures de conservation des documents par les entreprises. Ils ont constaté que ce sujet pose question, tant il n'est traité ni par le professionnel qui accompagne l'arrêté des comptes, ni par celui qui les certifie.

Les entreprises sont confrontées à des flux d'informations qui arrivent actuellement par différents canaux (informations au format papier, informations au format papier traduites en pdf, informations intégrées directement dans des logiciels,...), rendant difficile, si ce n'est la conservation effective des pièces, l'identification du lieu de conservation d'une information particulière. Le législateur adapte les moyens de conservation autorisés en prévision de la mise en place de la facturation électronique.

Concernant les TPE-PME, il n'y a pas, selon moi, d'autres mesures particulières dans ce PLF 2023.

Quel regard portez-vous sur la suppression de la CVAE ?

En 2014, le premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, avait organisé « les assises de la fiscalité ». Durant plusieurs jours, les représentants des grandes entreprises et des PME, l'Ordre des avocats, un représentant des députés et des sénateurs et Bercy ont réfléchi sur des réformes bénéfiques pour les entreprises, mais à périmètre constant. Ces réformes ne devaient pas modifier le budget de l'État.

Patrick Viault et moi-même représentions l'Ordre des experts-comptables. On avait travaillé notamment sur les impôts qui fâchent et en particulier ceux qui ont une assiette très proche du chiffre d'affaires. Dans ce cadre, on avait obtenu la promesse de la suppression de la C3S (cette suppression n'a jamais abouti finalement). On avait aussi envisagé déjà la suppression de la CVAE mais le Sénat et l'Assemblée nationale ne voulaient pas y toucher. 

Dès le départ, on savait que la CVAE était un impôt vicié parce qu'il s'appuie sur un agrégat qui est beaucoup trop proche du chiffre d'affaires pour être acceptable par les entreprises. Cet impôt remplaçait la taxe professionnelle qui taxait l'investissement et l'embauche (les salaires), qualifiée « d'impôt idiot » par le président Mitterrand. Mais au final, on l'a remplacée par la CFE, qui taxe aussi l'investissement, et par la CVAE, impôt assis sur la valeur ajoutée, qui taxe donc aussi l'embauche.

La suppression de la CVAE est pour moi une bonne mesure car elle supprime un impôt mal né et mal accepté, mais en revanche il ne pèse pas beaucoup sur les petites entreprises. 

En revanche, il faut garder en tête qu'il sera remplacé par un autre impôt, en espérant qu'il soit plus « intelligent ».

Selon vous, la profession d'expertise comptable doit-elle continuer à faire des propositions en matière de fiscalité ?

De prime abord, je pense que c'est une bonne chose car de manière générale, il y a un manque d'idées sur le sujet en France. Il suffit de comparer les dernières lois de finances avec celles des années 60. On a l'impression que ça ne cogite plus beaucoup, même s'il est vrai qu'on est limité aussi maintenant par Bruxelles. Je trouve donc très bien d'aller chercher des informations ailleurs et les experts-comptables sont très bien placés pour remonter ces informations.

Mais il ne faut pas perdre de vue aussi qu'on ne voit qu'un élément de la fiscalité : ce que cela coûte à nos clients. On ne voit pas les besoins nécessaires à l'État pour assumer son budget. Lorsqu'on propose au Gouvernement une mesure fiscale pour aider les TPE-PME, il va falloir que cela soit compensé par autre chose. 

Nos propositions ne pourront être acceptées que si on est capable de proposer aussi une contrepartie.



Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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