L'exécution du contrat : force obligatoire et implications de son inexécution

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Les parties ainsi que le juge sont soumis à la force obligatoire du contrat. Des sanctions sont prévues en cas d'inexécution du contrat, sauf en cas de force majeur qui rend impossible l'exécution de l'obligation.

La force obligatoire du contrat

L'article 1103 du Code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Ainsi, lorsqu'un contrat est valablement formé entre les parties, le principe est la force obligatoire du contrat, c'est-à-dire que les dispositions du contrat convenues par les parties s'imposent à elles. 

La force obligatoire du contrat implique :

  • d'une part que le contrat doit être exécuté de bonne foi ; 
  • et d'autre part que seul l'accord des parties permet de modifier le contrat initialement prévu, à savoir l'intangibilité du contrat. 

L'exécution de bonne foi du contrat

L'article 1104 du Code civil impose aux parties que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public, le non-respect de cette disposition pourrait entraîner une nullité absolue du contrat.

Les parties se doivent de ne pas adopter un comportement déloyal envers l'autre lors de l'exécution du contrat, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas entraver la bonne exécution du contrat. De plus, les parties ont un devoir de collaboration entre elles, qui leur impose d'adopter un comportement facilitant l'exécution des obligations du contrat.

L'intangibilité du contrat

En vertu du principe de la force obligatoire du contrat, seule l'accord des parties peut permettre la modification du contrat. Cela implique que si l'une des parties refuse de modifier le contrat, l'autre partie se doit de continuer l'exécution du contrat comme il était convenu. Le principe est l'interdiction de modification du contrat de façon unilatérale et donc par extension l'intangibilité du contrat.

Toutefois, le législateur a posé des exceptions pour atténuer l'intangibilité du contrat. Dans ce contexte, le législateur a notamment prévu la révocation unilatérale des contrats à durée indéterminée à condition de respecter un délai de préavis raisonnable (cas courant du contrat de travail).

De plus, il est possible d'aménager le contrat avec des clauses contractuelles, de renégociation, d'indexation ou de résolution unilatérale etc. qui permet de limiter le principe d'intangibilité du contrat.

Par ailleurs, le principe d'intangibilité s'impose aussi au juge qui par principe ne peut modifier le contrat convenu par les parties. Néanmoins, des exceptions existent et atténuent encore le principe d'intangibilité du contrat.

L'exemple le plus marquant a été introduit par la réforme du droit des contrats de 2016, à savoir la révision du contrat pour imprévision, à l'article 1195 du Code civil. 

Avant l'introduction de cet article, la jurisprudence Canal de Crapone de 1876 interdisait au juge de modifier les termes du contrat, même si le contrat devenait ruineux pour une des parties, même en raison d'un changement de circonstances imprévisibles.

Sans pour autant admettre la théorie de l'imprévision, quelques exceptions en jurisprudence avaient assoupli le rigorisme du principe en admettant la renégociation du contrat devenu déséquilibré ou encore la caducité en raison de l'évolution des circonstances économiques.

Désormais,  la théorie de l'imprévision permet au juge de modifier les termes du contrat à des conditions strictement encadrées.

En effet, si une partie subit une augmentation manifestement excessive du coût de l'exécution de son obligation en raison d'un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, elle peut demander au juge de réviser le contrat, voire même d'y mettre fin.

La demande de révision devant le juge doit être précédée d'une phase de négociation dans un délai raisonnable avec son cocontractant et la partie demanderesse doit continuer d'exécuter ses obligations durant cette phase de renégociation.

D'autre part, la force obligatoire du contrat se révèle aussi à travers les sanctions applicables en cas d'inexécution du contrat par l'un des parties.

Les inexécutions du contrat 

L'article 1217 du Code civil prévoit les sanctions en cas d'inexécution du contrat, à savoir :

  • l'exception d'inexécution ;
  • l'exécution forcée ;
  • la réduction du prix ;
  • la mise en cause de la responsabilité contractuelle ;
  • la résolution du contrat.

Ces différentes sanctions peuvent se cumuler, à condition qu'elles soient compatibles entre elles. Dans ce cas, il n'est pas rare qu'une partie demande l'exécution forcée du contrat ainsi que des dommages et intérêts (responsabilité contractuelle). En revanche, il n'est pas possible de demander l'exécution forcée du contrat et dans le même temps sa résolution.

Il est important de préciser que les sanctions pour une partie qui estime subir un préjudice de l'inexécution de son contractant, ne sont envisageables qu'après une mise en demeure préalable du débiteur. Il est possible de s'affranchir de la mise en demeure notamment lorsque l'inexécution s'est déjà réalisée ou encore par l'effet d'une clause.

L'exception d'inexécution 

L'exception d'inexécution prévu à l'article 1219, permet à une partie de refuser d'exécuter sa propre obligation si l'autre partie ne s'exécute pas et que cette inexécution est suffisamment grave.

Par ailleurs, cette inexécution peut être factuelle et s'est déjà réalisée ou elle peut être future selon les dispositions de l'article 1220.

Il ne s'agit pas d'une réelle sanction dans la mesure où l'objectif de l'exception d'inexécution est de forcer le contractant défaillant à exécuter ses obligations.

L'exécution forcée en nature

L'exécution forcée en nature du contrat prévu aux articles 1221 et 1222 permet à une partie de demander au juge de forcer l'exécution du contrat convenu, sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et l'intérêt du créancier.

L'exécution forcée peut être réalisée d'une part par le contractant originel qui était défaillant, mais le créancier d'une obligation peut aussi demander au juge qu'un tiers réalise la prestation au frais du débiteur originel et défaillant. 

Par ailleurs, le créancier peut demander la destruction et le remboursement de ce qui avait été fait précédemment, à condition que le coût soit raisonnable.

S'agissant du caractère manifestement disproportionné, il est considéré que la destruction puis la reconstruction d'une maison en raison du non-respect négligeable du plan de construction est manifestement disproportionnée.

S'agissant du caractère impossible, trois impossibilités limitent l'exécution forcée : 

  • matérielle, le débiteur ne peut plus exécuter son obligation, notamment la destruction ;
  • morale, en raison de l'atteinte à une liberté jugée essentielle du débiteur, par exemple l'impossibilité de forcer un peintre à réaliser une oeuvre ;
  • juridique, en raison de l'acquisition d'un droit par un tiers de bonne foi, par exemple un tiers de bonne foi se prévaut d'une promesse unilatérale de vente qui empêche le contractant de poursuivre l'achat du même objet.

La réduction du prix

L'article 1223 du Code civil prévoit la possibilité pour le créancier de demander une réduction du prix proportionnel au manquement : 

  • soit en saisissant le juge lorsque le prix a déjà été payé ;
  • soit en notifiant le débiteur dans un délai raisonnable après mise en demeure.

La résolution du contrat

La résolution du contrat est finalement la sanction la plus radicale prévue en cas d'inexécution aux articles 1224 à 1230 du Code civil. Il est plus judicieux de parler des résolutions, puisqu'il est possible d'obtenir la résolution devant le juge, de façon unilatérale ou par le biais d'une clause contractuelle selon les dispositions de l'article 1224.

Concernant la résolution judiciaire, le créancier d'une obligation peut demander au juge la résolution du contrat lorsque l'inexécution totale ou partielle est suffisamment grave et qu'elle est imputable au débiteur défaillant. L'article 1227 permet au juge de prononcer une résolution partielle, totale ou de refuser la résolution.

Outre la fin du contrat, la résolution implique des restitutions (article 1229) : 

  • lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, la résolution ne sera prononcée que pour l'avenir. Il s'agit d'une résiliation du contrat. On pense notamment au contrat de bail ;
  • lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat, la résolution est rétroactive, à savoir que les parties sont remises dans la situation initiale. Les restitutions sont par principe en nature, mais se font en valeur en cas d'impossibilité. 

Concernant, la résolution unilatérale, le créancier peut unilatéralement notifier son débiteur de la résolution du contrat, en cas de manquement grave à ses obligations (article 1226). Il faut une mise en demeure préalable et infructueuse. Cette résolution est dite aux risques et périls du créancier en ce sens que le débiteur peut saisir le juge pour exercer un contrôle a posteriori. Ainsi, si le juge estime que la résolution n'est pas justifiée, il pourra prononcer le maintien forcé du contrat et octroyer des dommages et intérêts au débiteur.

Concernant la résolution conventionnelle, les parties peuvent prévoir une clause résolutoire dans un contrat selon les dispositions de l'article 1225. La présence de la clause n'empêche pas aux parties de demander la résolution judiciaire ou unilatérale ou encore de demander des dommages et intérêts.

Le juge n'a pas de pouvoir d'appréciation de la clause, il constate juste la résolution du contrat mais s'assure que du respect des conditions d'application de la clause et de la bonne foi et loyauté du créancier.

La mise en cause de la responsabilité contractuelle

En cas d'inexécution contractuelle, le créancier peut engager la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Ainsi, il doit apporter la preuve d'un préjudice subi, un fait générateur et un lien de causalité.

Des dommages et intérêts seront alloués à la victime dans ce contexte. Ces dommages et intérêts peuvent variés par l'application d'une clause limitative de responsabilité ou encore par une clause pénale.

L'impossibilité d'exécution : la force majeur

La force majeure est prévue à l'article 1218 du Code civil et empêche le débiteur d'exécuter son obligation. En effet, cet empêchement intervient lorsqu'un un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées.

Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard ne justifie la résolution du contrat.

Lorsque la force majeure est caractérisée et que l'empêchement est définitif, le contrat est résolu et les parties sont libérées de leurs obligations.

L'article 1351 du Code civil précise que l'impossibilité d'exécuter libère le débiteur en cas de force majeur, sauf s'il avait été mis préalablement en demeure. Néanmoins, l'article 1351-1 permet au débiteur mis en demeure d'être libéré s'il prouve que la perte se serait pareillement produite si l'obligation avait été exécutée.