L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) : présentation et guide de création

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Modifié le 10/07/2024
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L'EARL fait partie des formes juridiques à disposition pour l'exploitation d'une activité agricole.

Création de l'EARL et fonctionnement

L'EARL a été institué par la loi du 11 juillet 1985 et ses dispositions se retrouvent désormais dans le Code rural et de la pêche maritime aux articles L.324-1 à L.324-10 et D.324-2 à D324-4. 

Il existe aussi une autre structure pour l'exploitation d'une exploitation agricole, à savoir le GAEC.

L'EARL est une forme de société civile à objet agricole, qui est donc plébiscitée pour les exploitants agricoles. L'activité exercée au sein de cette société est de nature agricole. Au sens de l'article L311-1 du Code rural, cela concerne les activités suivantes :

  • les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique animal ou végétal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ;
  • les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; 
  • les activités de cultures maritimes et d'exploitation de marais salants ; 
  • les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle ;
  • la production et le cas échéant, la commercialisation, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50% de matières provenant d'exploitations agricoles. 

Une telle société peut être constituée par un seul associé. Elle peut donc emprunter la forme unipersonnelle et aller jusqu'à 10 associés au plus. Ces derniers sont obligatoirement des personnes physiques.

Même si par nature la responsabilité des associés est illimitée au sein des sociétés civiles, la forme particulière à responsabilité limitée rend responsables les associés uniquement à hauteur de leurs apports.

On distingue deux types d'associés au sein des sociétés :

  • d'une part les associés exploitants, qui doivent participer aux travaux de l'exploitation et être majoritaires, à savoir qu'ils détiennent plus de la moitié du capital social de l'EARL. Par ailleurs, ils doivent être majeurs et ce sont eux qui sont les seuls pouvant être désignés comme gérants ;
  • d'autre part les associés simples apporteurs en capitaux, ils peuvent être majeurs ou mineurs et sont des non exploitants qui contribuent minoritairement donc à la constitution du capital social. 

S'agissant du capital social, il est fixe ou variable, même si le minimum est fixé à 7 500¤. Toute type d'apport est autorisé au sein des EARL, que ce soit des apports en numéraire, nature ou industrie. Sur les apports, en industrie, ils ne contribuent pas à la formation du capital social et les parts attribuées sont incessibles. En revanche, les parts attribuées en échange d'un apport en numéraire ou nature sont cessibles à condition de respecter les règles posées par les statuts.

De plus, les terres agricoles peuvent faire l'objet d'un apport ou alors être mises à disposition ou louées par les associés exploitant au profit de la société.

Régime fiscal des EARL

En principe, les EARL sont soumis au régime des sociétés de personnes, à savoir l'impôt sur le revenu (IR). Ainsi, chaque associé est imposé à hauteur de leur quote part de résultat au sein de la société, sans oublier les éventuelles rémunérations allouées. C'est le principe de la transparence fiscale, l'imposition se passe au niveau des associés et non de la société. Ces revenus relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles (BA).

Il est possible d'exercer l'option pour l'impôt sur les sociétés (IS) dans les conditions de droit commun. La société sera donc soumise au régime des sociétés de capitaux. Dans ce cas, c'est le principe de l'opacité fiscale qui s'applique, l'imposition se passe au niveau de la société, l'imposition des associés intervient au niveau de leurs rémunérations ou en cas de distributions le cas échéant.

Par ailleurs, l'exploitant agricole qui exerce son activité dans le cadre d'une entreprise individuelle ou d'une EIRL peut opter pour l'assimilation à une EARL, qui a pour conséquence l'imposition à l'IS.

En principe, il existe trois modes d'imposition des bénéfices agricoles des EARL, à savoir le régime micro-BA, le régime simplifié et le régime réel normal.

Le régime micro-BA s'applique aux exploitants agricoles dont la moyenne des recettes des 3 dernières années n'excède pas le seuil de 120 000¤, sauf pour certaines activités qui sont exclues ou en cas d'option pour un régime réel.

Attention

L'article 94, I-C de la loi de finances pour 2024 relève de façon exceptionnelle la limite d'application du régime micro-BA.

En effet, le seuil de 91 900¤ est porté à 120 000¤ pour 2024 et 2025.

Par ailleurs, la prochaine actualisation qui interviendra au 1er janvier 2026 prendra en compte le seuil de 120 000¤ et non plus celui de 91 900¤ initialement prévu.

Les exploitations situées hors de France ou encore les exploitations relatives à des opérations commerciales portant sur des animaux de boucherie ou de charcuterie sont notamment exclues du régime micro. Un abattement de 87% s'applique pour déterminer le bénéfice imposable.

Le régime simplifié d'imposition s'applique aux exploitants agricoles dont la moyenne des recettes des 3 dernières années est supérieure à 120 000¤ et n'excède pas le seuil de 391 000¤, sauf option pour le régime réel normal.

En cas de dépassement de ce dernier seuil, c'est le régime réel normal qui s'applique de plein droit.

Toutefois, il est important de préciser que les EARL créés depuis le 1er janvier 1997 sont soumis en principe à un régime réel d'imposition, exception faite pour les EARL dont l'associé unique est une personne physique dirigeant l'exploitation qui peuvent bénéficier du régime micro. Inversement, les exploitations agricoles créées avant 1997 peuvent bénéficier du régime micro.

La loi de finances pour 2024 a introduit une mesure fiscale favorable pour les exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition. Selon l'article 5 de cette loi, 50% des indemnités journalières reçues par ces exploitants, au titre des accidents de travail ou des maladies professionnelles, seront exemptées d'impôt sur le revenu. Cette nouvelle règle est codifiée à l'article 72 A bis du CGI. Elle concerne les revenus perçus à partir de l'année 2023.

Les agriculteurs relevant des bénéfices agricoles selon un régime réel depuis au moins 2 ans peuvent opter pour l'imposition selon une moyenne triennale des bénéfices. Cette option est valable 3 ans et peut être renouvelée.

Toutefois, en cas de cession ou de cessation d'activité, l'excédent sur la moyenne est taxé au taux marginal, sauf lors d'un apport à un GAEC sous conditions, contrairement à un apport à une EARL où cette règle s'applique (Conseil d'État, 4 octobre 2023, n°462030).

De plus, lorsqu'un agriculteur exerce aussi une activité à titre individuel en plus de son activité au sein d'une EARL, il faut prendre en compte les recettes qu'il tire de cette activité personnelle.

Enfin, il est possible que des revenus accessoires d'autres natures soient pris en compte dans les bénéfices agricoles pour les exploitants à un régime réel, dès lors que la moyenne de ces recettes au cours des 3 dernières années ne dépassent pas 50% du chiffre d'affaires relatif à l'activité agricole et 100 000¤. À défaut, ces revenus ne sont pas assimilées à des revenus agricoles (BNC, BIC notamment).

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 30 avril 2024 (n°454502), a clarifié les conditions d'exonération des plus-values professionnelles pour les exploitants agricoles. Il a statué que, selon les articles 151 septies et 70 du CGI, les conditions de durée d'activité et de recettes doivent être respectées par chaque associé d'une EARL. Par conséquent, un associé exerçant depuis moins de 2 ans ne peut bénéficier de ce régime d'exonération des plus-values professionnelles.

Régime social 

L'associé unique d'une EARL (forme unipersonnelle) bénéficie du statut de travailleur indépendant agricole. À cet égard, il ne relève pas de la Sécurité sociale, mais de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Dans le cas d'une EARL pluripersonnelle, le gérant bénéficie du statut de travailleur indépendant agricole et relève à ce titre de la MSA.

Les associés non gérants de ces sociétés relèvent en principe du statut du travailleur indépendant agricole et donc de la MSA. Cependant, s'il est lié par un contrat de travail, il est assimilé à un salarié et sera soumis au régime général de la Sécurité sociale.

Pour rappel, auparavant exclus, les exploitants agricoles relevant de la MSA font désormais partie des contribuables concernés par la déclaration sociale et fiscale unique. Depuis 2023, la déclaration des revenus professionnels est supprimée et ces travailleurs indépendants doivent transmettre une déclaration fiscale comprenant un volet social.