Évasion fiscale - Mesures restrictives en cas d'opérations avec des États et Territoires Non Coopératifs

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Depuis le G20 du 2 avril 2009, constitue un paradis fiscal l'Etat qui refuse de communiquer les informations fiscales nécessaires au bon déroulement des contrôles fiscaux des autres pays.

Dans ce contexte, l'article 22 de la 3ème loi de finances rectificatives pour 2009 a introduit, à l'article 238-0A du Code Général des Impôts ("CGI"), une définition des États et territoires considérés comme non coopératifs et a, dans le même temps, mis en place un arsenal législatif destiné à dissuader les résidents fiscaux français d'entretenir des relations avec des personnes domiciliées dans ces pays.

Définition des États et Territoires Non Coopératifs ("ETNC")

Selon le I de l'article 238-0A du CGI, sont considérés comme non coopératifs les États et Territoires qui répondent cumulativement aux caractéristiques suivantes :

  • ne pas appartenir à l'Union Européenne ;

  • avoir fait l'objet d'un examen par l'OCDE portant sur leur situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale ;

  • ne pas avoir conclu avec la France, à la date du 1er janvier 2010, une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties ;

  • ne pas avoir signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention d'assistance administrative.

L'article 238-0A du CGI précise ensuite qu'une liste des ETNC est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie et du budget, après avis du ministre des affaires étrangères et indique les conditions de mise à jour, annuelles, de cette liste.

Au 1er janvier 2013, la liste des ETNC s'établit de la manière suivante, conformément à l'arrêté du 21 août 2013 :

  • Bermudes
  • Bostwana
  • Brunei
  • Guatemala
  • Îles Marshall
  • Îles Vierges britannique 
  • Jersey
  • Montserrat
  • Nauru
  • Niue

Par rapport à la liste au 1er janvier 2012, les Philippines ont été retirées. Elles ne sont donc plus soumises à la législation des ETNC à compter de la date de leur retrait, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2013. Les contribuables qui auraient été imposés au titre d'opérations impliquant les Philippines, réalisées depuis le 1er janvier 2013, peuvent demander, par voie de réclamation, la régularisation des impositions établies en application des mesures restrictives prévues par la législation française en cas de relations avec des ETNC ("législation ETNC").

En revanche, ont été ajoutés à la liste les Îles Vierges britannique, les Bermudes et Jersey.
En conséquence, la législation ETNC leur sera applicable à compter du 1er janvier 2014. Cette adjonction résulte très probablement du fait que la mise en œuvre des conventions d'assistance administrative conclue avec ces États et territoires n'a pas permis à l'administration fiscale d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française.

Les principales mesures restrictives prévues par la législation ETNC

Dans le cadre de sa politique de lutte contre les paradis fiscaux, le législateur français a mis en place un arsenal législatif destiné à dissuader les résidents fiscaux français d'entretenir des relations avec des personnes domiciliées dans les ETNC. Les mesures prises, qui concernent uniquement les versements directement effectués au profit d'un ETNC / revenus reçus directement d'un ETNC, sont succinctement décrites ci-après.

Il convient toutefois de noter que cet arsenal législatif ne s'applique pas si la société française est en mesure de démontrer que ses liens avec une personne établie dans un ETNC a un autre objet que de permettre la localisation de revenus dans un ETNC (clause de sauvegarde).

Taux spécifiques de retenues à la source

Le taux des retenues à la source perçues au titre des paiements en direction d'une personne morale ou physique domiciliée dans un ETNC est porté à 75%, quelle que soit la nature du flux (i.e. dividendes, versements d'intérêts, de redevances, sommes versées à des artistes ou des sportifs, rémunérations diverse etc.).

Régime des sociétés mères et filiales

Depuis le 1er janvier 2011, les produits distribués par une personne morale établie dans un ETNC à une société française sont exclus du régime des sociétés mères et filiales (i.e. dispositif qui exonère, sous certaines conditions 95% des dividendes reçus par les sociétés françaises). Ces dividendes sont donc intégralement compris dans le résultat fiscal de la société française bénéficiaire des dividendes.

Plus-values de cession de titres

Les plus-values constatées à l'occasion de la cession de titres détenus dans une société établie dans un ETNC sont exclues du régime des plus-values à Long terme (i.e. ce régime des plus-values à long terme prévoit, sous certaine condition, une exonération des plus-values sur cession de titres à hauteur de 88% de leur montant). Ces plus-values sont donc intégralement comprises dans le résultat fiscal de la société cédante.

Cette exclusion du régime ne concerne que les plus-values, les moins-values restant donc non-déductibles du résultat fiscal de la société cédante.

Prix de transfert

L'obligation documentaire en matière de prix de transfert est plus étendue en ce qui concerne les ETNC. En effet, lorsque des transactions de toute nature sont réalisées avec des sociétés établies dans ces pays, la documentation prix de transfert doit comprendre, pour chaque société bénéficiaire, une documentation complémentaire.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.