Comment devenir une entreprise à mission ?

Article écrit par (1328 articles)
Modifié le
1 398 lectures

Face aux enjeux sociaux et environnementaux, les entreprises se transforment. Leurs engagements en matière de développement durable sont de plus en plus scrutés par la société civile.

Par ailleurs, de nombreux entrepreneurs sensibles à ces thématiques extra-financières s'impliquent pour dépasser la simple recherche de rentabilité.

Cependant, la notion « d'intérêt général » est étrangère à la définition juridique « d'entreprise ». C'est dans ce cadre que la qualité de « société à mission » a été introduite par la loi du 22 mai 2019 : la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite « loi Pacte »). Elle crée un statut officiel et contraignant pour les sociétés qui se donnent pour mission de poursuivre des objectifs sociétaux et écologiques.

Découvrez-en plus sur la qualité d'entreprise à mission dans cet article.

Contribuer à l'intérêt social en se fixant des objectifs environnementaux et sociaux

L'entreprise à mission va au-delà de la finalité classique d'une société (partager un bénéfice entre associés ou réaliser une économie). Elle s'engage également à assumer une responsabilité sociale et environnementale. Elle se fixe pour cela des objectifs de développement durable. Elle organise donc ses processus et refond son business model de manière à respecter ses engagements extra-financiers.

Cette qualité est ouverte à toutes les sociétés commerciales françaises (SAS, SARL, SA, etc.), peu importe leur taille ou leur forme juridique. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle forme de société. Néanmoins, une transformation en entreprise à mission implique la modification des statuts juridiques : les objectifs environnementaux et sociaux doivent y être intégrés.

Quel est l'intérêt d'être une société à mission ?

Ce statut ne procure pas d'avantages fiscaux, mais apporte tout de même de multiples bénéfices. Il rend plus crédible l'engagement écologique et sociétal de l'entreprise. Cette dernière améliore ainsi sa réputation vis-à-vis des consommateurs face à des entreprises qui pratiqueraient le greenwashing (écoblanchiment).

Sa mission sociale ou environnementale crée une dynamique collective qui va motiver aussi bien les dirigeants que les actionnaires et les collaborateurs. Cela peut lui permettre notamment d'attirer et de fédérer des salariés sensibles aux impacts de l'entreprise qui les emploie.

Attention, la qualité de société à mission est à distinguer de la notion d'entreprise à impact. Cette dernière n'est pas définie juridiquement. Elle englobe les entreprises qui s'engagent à avoir un impact positif sur l'environnement et la société.

Inscrire la raison d'être et les objectifs sociaux et environnementaux dans les statuts 

La qualité de société à mission est un label officiel et contraignant qui exige le respect de certaines conditions. Ces dernières sont définies aux articles L210-10 et suivants du Code de commerce :

  • L'entreprise doit inscrire dans ses statuts la « raison d'être » qu'elle souhaite poursuivre dans le cadre de son activité. Il s'agit « des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (article 1835 du Code civil). Par exemple, la raison d'être de Danone est « Apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre ».
  • Les statuts doivent aussi contenir les objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre. Ceux-ci doivent être définis de manière suffisamment concrète afin que leur bonne réalisation puisse être vérifiée.
  • Les statuts doivent également préciser sous quelles modalités l'exécution de la mission sera contrôlée. Un comité de mission comprenant au moins un salarié doit être mis en place. Il s'agit d'un organe distinct des autres organes sociaux. Son rôle est de procéder aux vérifications qu'il juge opportunes et de présenter chaque année un rapport à l'assemblée qui approuve les comptes annuels.

Dans les sociétés de moins de 50 salariés, le comité de mission peut être remplacé par un référent de mission. Celui-ci peut être un salarié.

Pour créer une société à mission ou devenir une société à mission, il faut donc commencer par la rédaction des statuts ou leur modification. Certaines formalités doivent ensuite être effectuées auprès du greffe.

En effet, la qualité de société à mission doit être déclarée au greffe du tribunal de commerce. Celui-ci, après vérification que les conditions sont remplies, la publie au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au registre national des entreprises (RNE). La mention « entreprise à mission » apparaît sur le Kbis.

Se soumettre à des contrôles indépendants pour devenir une entreprise à mission et le rester

L'atteinte de ses objectifs par l'entreprise est contrôlée à deux niveaux. D'abord, le comité de mission veille à ce que la mission de la société soit exécutée. Son rapport est public, chacun peut y avoir accès afin de connaître les actions concrètes mises en ½uvre par l'entreprise.

Par ailleurs, la société à mission fait l'objet de contrôles par un organisme tiers indépendant (OTI). La première vérification intervient 18 mois après que l'entreprise s'est déclarée comme entreprise à mission. Pour les sociétés de moins de 50 salariés qui ont mis en place un référent de mission, ce délai est de 24 mois. Ensuite, ce contrôle a lieu tous les deux ans et tous les trois ans si l'entreprise compte moins de 50 salariés.

L'OTI doit faire partie des organismes accrédités par le Cofrac (comité français d'accréditation). Il est désigné par la société pour six ans au maximum, renouvelable dans la limite de 12 exercices au total.

L'OTI contrôle le respect par la société de ses objectifs en matière de développement durable et de respect des droits humains. Il procède au besoin à des vérifications sur place. Il rend un rapport dans lequel il indique si l'entreprise a atteint ou non ses objectifs et si elle a mis en ½uvre tous les moyens nécessaires pour les satisfaire. Si l'entreprise n'a pas atteint les résultats prévus, l'OTI doit spécifier dans son avis les raisons de ce non-respect.

Si une société ne se conforme pas à ses engagements extra-financiers, le retrait de sa qualité d'entreprise à mission peut être demandé par le ministère public ou par toute personne intéressée.

Le président du tribunal exige alors de l'entreprise qu'elle supprime la qualité de société à mission des différents documents et communications qu'elle émet.

Il est à noter que la responsabilité civile d'une entreprise et de ses dirigeants peut être engagée en cas de non-respect des clauses statutaires.

Comment savoir si une entreprise est une entreprise à mission ?

Il existe aujourd'hui plus de 1 000 entreprises à mission. La liste est consultable sur le site de l'Observatoire des sociétés à mission, un site partenaire du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.