Entrepreneurs : échouez vite, échouez souvent !

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« Fail fast, fail often » (ou « échouez vite, échouez souvent ») est le slogan prêté à la Silicon Valley qui voit chaque année débarquer des entrepreneurs motivés par leurs idées, par l'apprentissage et n'ayant pas peur d'échouer. Mieux, ils sont convaincus qu'ils apprendront davantage de leurs erreurs et leurs tentatives que de leurs inquiétudes et leurs remises en question.

Pour Idriss Aberkane, professeur chargé de cours à Centrale-Supélec et chercheur affilié à Stanford, « l'échec est un diplôme », un diplôme nécessaire à posséder pour se lancer dans l'entrepreneuriat, un diplôme qu'il ne faut pas négliger.

Selon lui, les français et les américains sont radicalement différents sur ce sujet. Alors que les américains ont tendance à encourager les erreurs et à valoriser les essais en inscrivant par exemple le lancement de leur entreprise même si cette dernière n'a finalement pas fonctionné ; les français eux ont tendance à rapidement culpabiliser face à l'échec et préféreront ignorer cette partie de leur vie sur leur CV plutôt que de se rendre à l'évidence et d'accepter tous les nouveaux savoirs que cette expérience - positive ! - leur aura apporté.

Car la peur d'échouer ne doit pas dominer l'envie d'essayer, nous vous proposons aujourd'hui :

  • des mises en lumière d'exemples connus : Steve Jobs, Bill Gates et les autres ;
  • ainsi qu'un comparatif France - Etats-Unis ;
  • et enfin des exemples de solutions mises en place dans l'hexagone ou outre-Atlantique pour apprendre à se dépasser et à se relever après un échec.

Steve Jobs, Bill Gates, Brian Chesky et les autres

Nombreux sont les entrepreneurs - mais également les artistes, les sportifs... - à avoir échoué avant de réussir. Tous ont un point commun : s'être relevé après leur passage à vide.

Bill Gates aime à rappeler ce fameux ami qu'il a eu à Harvard : un garçon brillant qui a réussi avec succès tous ses examens et qui a décroché les meilleurs stages qu'il avait à sa portée. Bill Gates nous parle de son ami en concluant qu'aujourd'hui il est ingénieur chez Microsoft...alors que lui est le fondateur de l'entreprise !

Steve Jobs, quant à lui, avançait déjà sa théorie du succès de l'échec en 1984 alors qu'Apple venait de voir le jour. Interrogé sur FR 3 en France, l'entrepreneur a affirmé que le problème en Europe était le ressenti négatif associé à l'échec alors qu'aux Etats-Unis, et plus particulièrement dans la Silicon Valley, les entrepreneurs passaient leur temps à échouer... et à recommencer !

Ne pas avoir peur de l'échec est une qualité qui anime les entrepreneurs les plus talentueux et les plus motivés. Idriss Aberkane affirme avec humour qu'aux Etats-Unis, après un échec on tape sur l'épaule de l'entrepreneur en le félicitant « c'est bien, tu as essayé ! ». En France, le discours est tout différent : « tu vois, je t'avais prévenu(e) ! ».

Brian Chesky est peut-être un nom moins évocateur que les deux premiers mais il s'agit tout de même du fondateur de Airbnb. Si vous saviez comment les débuts de cette entreprise au succès impressionnant aujourd'hui ont été compliqués ! Brian Cheksy et ses acolytes se sont lancés à San Francisco, ville sublime de la côte ouest mais où les prix démentiels des hôtels et des logements en démotivent plus d'un. Ils ont alors l'idée de louer un « airbed » - un matelas gonflable peu confortable - et proposent également à leurs premiers convives de partager le petit déjeuner pour un moment de partage plus sympathique. Ils nomment leur petit business Airbed & Breakfast.

Le concept marche avec leurs proches mais peine à décoller et les investisseurs leur tournent le dos. Pour se faire connaître et surtout mettre un peu d'argent de côté pour le développement de leur entreprise, ils décident alors de commercialiser des boîtes de céréales - oui, oui vous avez bien lu - à l'effigie de Barack Obama et John McCain, alors que la campagne électorale américaine bat son plein. Le prix de vente ? 40 $ pièce.

Le succès est pourtant bien présent et ils écoulent plus d'un millier de boîtes en un temps record. En retournant voir des Venture Capitalists pour se financer, on leur rit au nez pour leur idée d'hébergement mais on est littéralement bluffés par leur sens du business. Un investisseur leur confie les avoir vus dans le San Francisco Chronicle et leur demande leur marge de vente : n'en revenant pas, il sort son chéquier et leur dit ne pas croire une seule seconde à leur projet mais s'apprêter à investir pour leur audace et leur ténacité. Même après cet épisode, les fondateurs d'Airbnb continueront d'accumuler les échecs, sans jamais se considérer comme coupables : la clé du succès !

Un conseil : soyez un « céréale » entrepreneur !

France et Etats-Unis : les différences culturelles placent l'entrepreneuriat aux antipodes

Pour Idriss Aberkane, l'échec est un diplôme à posséder absolument pour monter une entreprise. Selon lui, pour créer une entreprise nouvelle, créative et disruptive, il est nécessaire de prendre des risques et donc, d'accepter les potentielles embûches et échecs présents sur la route de la réussite.

Contrairement au slogan de la Silicon Valley, « Échoue vite, échoue souvent », celui de la France, pays élitiste aux grandes écoles, ne semble pas s'aligner sur cette pensée. De même, les investisseurs européens préfèrent souvent regarder le CV du candidat et son background plutôt que de se tourner vers l'avenir en s'intéressant à son projet et en essayant d'en imaginer les conséquences. Comme le premier à avoir cru dans Airbnb - et qui a bien fait ! - il faut oser croire aux projets les plus fous, les plus novateurs, car ce sont eux qui changeront durablement notre monde.

Pour Idriss Aberkane, on a perdu cet esprit d'innovation depuis Jules Verne et désormais c'est la peur qui nous anime, ce qui pousse souvent les entrepreneurs à aller s'implanter de l'autre côté de l'Atlantique.

Solutions et accompagnement : car échouer ne doit plus faire peur

Heureusement, certaines initiatives, privées ou publiques, tendent à accompagner les entrepreneurs et les rassurer malgré les échecs.

Jean-Marc Ayrault, alors Premier Ministre, a en effet affirmé en juin 2013 : « Certains échouent après une première tentative. Cela ne doit pas les décourager ni les empêcher de recommencer ». Cette idée accompagnait alors la suppression du fichage des entrepreneurs ayant fait face à une première faillite. Cette mesure, vivement saluée dans le milieu, a permis à la France de tendre à accepter l'échec et d'exprimer, au même titre que les Etats-Unis, qu'un premier échec peut désormais être synonyme de gain d'expérience et de volonté d'apprendre.

Pour se lancer, une technique très américaine est le principe de l'itération. Ce dernier consiste à se lancer dans un projet même si nous ne sommes pas encore certains à 100% de sa viabilité et de sa cohérence : si ça ne marche pas, on recommence en prenant en compte ses erreurs passées.

Des organismes privés voient régulièrement le jour pour accompagner les entrepreneurs dans cette voie. C'est ainsi le cas du site web américain FailCon qui permet aux startupers du monde entier d'échanger au sujet de leurs entreprises, de leurs expériences, de leurs succès et surtout de leurs échecs afin d'apprendre l'un de l'autre.

En Europe, ThinkYoung a lancé Fail2Succeed, un site Internet visant à mieux accompagner les jeunes entrepreneurs dans le lancement de leur projet et à les rassurer en cas d'échec.

Nous saluons ces initiatives et espérons que de plus en plus d'entrepreneurs en devenir oseront se lancer et trouveront le support nécessaire pour ne plus craindre l'échec. Nous avons tant à créer !



Sarah Gillot est Chef de Projet Online Marketing pour Makerist - start-up à Berlin - afin de développer le marché français.